Les écrits de Lyndon LaRouche

Au coeur de la plus grande crise de l’histoire moderne

La dernière chance pour la civilisation ?

mardi 25 novembre 2008, par Lyndon LaRouche

Conférence internet de Lyndon LaRouche,
le 18 novembre 2008 (version abrégée)


Cette crise n’est autre que la désintégration générale du système monétaro-financier mondial. Rien ne peut plus sauver ce système en tant que tel. Si nous essayons de le faire, nous allons perdre la planète. Il faut choisir : remplacer le système ou trouver une nouvelle planète. Voilà le choix, pour l’essentiel. Je pense que les gens sains d’esprit diront : « Gardons la planète ». Mars n’est pas particulièrement accueillant ces jours-ci et j’ai cru comprendre qu’il fait assez froid là-haut.

Le monde est dominé, en gros, par un système impérialiste qui fait partie de l’Empire britannique. Cependant, ce n’est pas un empire proprement dit, c’est un système monétaro-financier, dont le centre se trouve en Angleterre mais qui fonctionne à l’échelle internationale. Depuis l’effondrement du dollar en 1971, suivi par le lancement du marché hautement spéculatif du pétrole, opérant à court terme, les Etats-Unis ne contrôlent plus leur devise. A mesure que l’économie américaine se démantelait, le dollar passa peu à peu sous le contrôle d’une clique basée à Londres, attachée à ces intérêts financiers.

A partir de 1987, sous la houlette d’Alan Greenspan, l’ancien directeur de la Réserve fédérale (qui a fort heureusement quitté ce poste entre-temps), un autre élément est venu s’ajouter à ce processus de spéculation sur les devises. Il reposait sur un mécanisme [junk bonds] inventé par Michael Milken, qui fut emprisonné pour cela dans les années 1980, mais c’est Alan Greenspan qui en internationalisa la pratique.

Ce qui s’est produit en juillet 2007 n’était donc pas un krach à court terme du marché immobilier. Si le marché immobilier s’est effectivement écroulé à cette époque, comme je l’avais prévu, il s’agissait en fait d’un effondrement beaucoup plus vaste : celui de tout le système.

Ce système représente plusieurs millions de milliards de dollars en titres spéculatifs, soit davantage de richesse, au vu de sa valeur nominale, que le monde n’en contient. On a tout fait pour soutenir ce dollar débridé en tant que devise internationale, contrôlée non par les Etats-Unis, mais par un syndicat d’intérêts financiers internationaux, sous forme d’un système à taux de change flottants. Ces intérêts se sont investis dans l’immobilier américain pour tenter de créer de la dette, synthétiquement, afin de couvrir cette énorme accumulation de titres non régulés libellés en dollars sur le marché international, se montant à plus d’un millier de milliards de dollars, voire dix mille.

Il n’existe pas assez de valeur réelle dans le monde pour couvrir la demande en termes monétaires. Nous en sommes au point où il faut sacrifier soit les engagements monétaires, soit l’économie réelle. Ce qui signifie qu’on ne peut pas opérer de redressement dans le cadre de ce système monétaro-financier et qu’il faut mettre le tout en redressement judiciaire.

Comment procéder ? On peut mettre fin à l’existence d’un système monétaire. Que devient alors la devise ? Nous, aux Etats-Unis, nous pouvons revenir au dollar américain.

La Constitution des Etats-Unis est unique à bien des égards. Nous sommes un véritable Etat-nation, contrairement aux pays européens. Ils ambitionnent peut-être de le devenir (c’est ce que Charles de Gaulle essaya de faire en France), mais ils ont un système de type parlementaire. (...)

Des mesures d’urgence

Aux Etats-Unis, en vertu de la Constitution, nous pouvons créer ce qu’on appelle un « dollar basé sur le crédit », à la différence d’un « dollar monétaire ». Le premier est conforme à notre Constitution : l’argent ne peut être émis sans un vote du Congrès en vue d’une action menée par la présidence des Etats-Unis.

Dans notre système, et dans le cadre de la Constitution, la monnaie officielle est limitée au dollar, ou à des instruments équivalents, émis uniquement sur autorisation du Congrès, notamment de la Chambre des Représentants. Aucune source monétaire internationale ne peut, légalement, nous fournir notre monnaie.

En Europe, ce n’est pas le cas. Les systèmes monétaires ne sont pas contrôlés par le gouvernement. Ils sont créés dans le cadre d’un système de banques centrales, qui peuvent négocier avec leur gouvernement respectif ou se mettre d’accord avec lui, mais le gouvernement ne contrôle pas le système monétaire. L’aspect essentiel d’un système de libre-échange, c’est que le gouvernement n’est pas l’autorité émettrice de la dette et du crédit.

C’est ainsi que l’on a créé de l’argent artificiel : des gens ont accepté de s’endetter pour un certain capital, afin d’obtenir immédiatement une somme moins élevée. C’est comme cela que le monde a généré une dette, grâce aux produits dérivés, de l’ordre de plusieurs milliers de milliards de dollars – beaucoup plus que tout ce que l’on pourrait payer. Ces dettes ne seront jamais remboursées ! C’est impossible !

Que fait-on alors ? Que peuvent faire les Etats-Unis, dans le cadre de notre Constitution ? On met ces dettes en redressement, puis on fait le tri. Les éléments qui doivent être soutenus seront soutenus, et le reste attendra, ou disparaîtra. La vaste majorité des obligations aujourd’hui impayées seront annulées.

Il y a deux possibilités : soit on laisse sombrer le monde dans le déclin, avec la famine, une mortalité massive, etc., soit on met le système en redressement judiciaire. Comment procéder ?

(...) Les Etats-Unis peuvent décider de soutenir le dollar et conclure un accord avec la Russie, la Chine et l’Inde pour qu’ils se joignent à nous en vue de mettre le monde en redressement judiciaire, entraînant l’annulation de la plupart des obligations financières impayées. Il faut le faire, sinon nous n’aurons plus de planète. Si l’on essaie de collecter les milliards de dollars d’engagements, à qui va-t-on demander de les payer, par quels moyens et avec quels effets ? Combien de gens allons-nous tuer pour collecter cette dette ? Comment de pays allons-nous détruire ?

(...) Si les Etats-Unis émettent leur monnaie, comme le prévoit la Constitution, puis s’accordent, par traité, avec d’autres pays sur l’adoption du même genre de système, ces pays pourront, en vertu de ce traité, profiter à leur tour de l’avantage que représente pour nous la mise en redressement de nos dettes.

C’est la seule manière de sortir du pétrin.

Formons un groupe avec les nations qui auront signé un traité avec les Etats-Unis, en donnant une protection constitutionnelle à nos relations, afin d’instaurer un nouveau système – un système basé sur le crédit – pour remplacer le système monétaire existant. Tout ce qui sera mis sous protection dans le cadre de ce système de crédit sera solide. Tout le reste ira en redressement judiciaire.

Si les Etats-Unis, la Russie, la Chine et l’Inde sont d’accord, je pense que la plupart des nations du monde seront heureuses de les rejoindre, surtout au vu de l’alternative. Dans le cadre d’un nouveau système de crédit, nous pourrons commencer à accorder du crédit à grande échelle pour reconstruire l’économie physique mondiale. Nous pourrons organiser une relance similaire à celle que le président Franklin Roosevelt entreprit dans les années 30 et 40. Voilà la seule alternative.

Politiquement, cela implique la fin de l’Empire britannique, ou de ce que l’on appelle ainsi, qui est l’empire mondial actuel. Il n’en existe pas d’autre aujourd’hui. Utiliser un autre mot pour décrire ce système serait inadéquat. L’empire britannique est la puissance qui contrôle le dollar flottant, le dollar monétaire actuel.

Au lieu de rester dans le régime du libre-échange, revenons à un système protectionniste, à taux de change fixes. Autrement dit, les monnaies auront des parités fixes entre elles, ou seront ajustables suivant les termes du traité, mais elles ne flotteront pas. Dès lors, nous émettrons du crédit pour des investissements considérables dans l’infrastructure, ce qui servira de locomotive à la reconstruction économique de la planète. Voilà le seul remède. (...)

La production alimentaire

L’économie physique est dans un état lamentable. Les conditions de vie aux Etats-Unis et ailleurs vont en empirant. De nombreuses régions du monde connaissent des problèmes de famine et la vie d’une bonne partie de la population mondiale est en danger, à cause des prix et de l’organisation de la production alimentaire. La mondialisation s’est avérée un tueur de masse. Dans ses ramifications, elle s’apparente à un crime contre l’humanité.

Nous avons créé un système dans lequel, comme vous l’avez sans doute vu avec Monsanto et d’autres, la nourriture est produite dans un pays pour être consommée ailleurs : ce pays ne produit pas pour sa propre population. Dans le cadre des accords de l’OMC, il vous faut aller chercher la nourriture que vous voulez manger dans un autre pays qui la produit pour vous. Et entre deux, on trouve un négoce en produits alimentaires, à savoir la communauté financière internationale, qui détermine le prix que reçoit le pays exportateur et celui que doit payer le pays importateur qui veut consommer ces produits.

Nous avons détruit les capacités de production alimentaire indépendantes des nations, afin de supprimer l’auto-suffisance. Elles sont à la merci d’organisations telles que l’OMC, ce qui constitue un crime contre l’humanité. L’OMC devrait être abrogée immédiatement, son existence même constitue un crime contre l’humanité. La nourriture destinée à une population devrait provenir avant tout de son propre pays, à laquelle viendront s’ajouter d’autres produits spéciaux, qui sont mieux produits ailleurs. La souveraineté d’une nation, en termes de consommation alimentaire, est primordiale. Il faut donc en finir avec cette partie du système.

De même, si l’on veut être raisonnable, il faut en finir avec la plupart des autres éléments de la mondialisation et annuler la plupart des accords existants. Il faut bien comprendre que la vie de milliards d’êtres humains est en danger à cause des effets de la politique de l’OMC et d’autres organisations.

Le remède consiste à imposer un système de taux de change fixes, à remplacer le système monétaire par un système de crédit et à lancer des projets à grande échelle, financés à travers ces structures de crédit conjointes, afin de renverser le déclin économique.

C’est un problème difficile. Les gens nous disent : « Pourquoi voulez-vous faire tout cela ? Est-ce qu’on ne pourrait pas avancer plus l-e-n-t-e-m-e-n-t, à pas plus m-e-s-u-r-é-s ? » Eh bien, le train fonce sur les rails que vous êtes de train de traverser, est-ce vraiment une bonne idée d’avancer lentement ?

Non, ces quatre pays ont un rôle nécessaire. Ce sont des pays différents, ayant des caractéristiques différentes. Les Etats-Unis ont les leurs, lorsqu’ils fonctionnent correctement. La Russie a des spécificités uniques. La Chine a les siennes, y compris sur le plan social. Celles de l’Inde sont encore différentes des autres. Mais l’ensemble représente une grande partie de la population mondiale, à quoi il faut ajouter les pays qui leur sont liés, comme le Japon.

Le meilleur marché du Japon, pour la production technologique, se trouve en Asie, y compris en Sibérie, en Chine continentale, etc. Le Japon est doté d’une capacité technologique précieuse. La Corée, surtout celle du Sud, a aussi un grand potentiel. Elle est très différente du Japon, de la Chine et de la Russie. Par conséquent, la coopération entre ces pays aux caractéristiques différentes est un important facteur de stabilisation dans le monde.

La notion scientifique d’énergie

Si leurs problèmes sont similaires, toutefois, leur problème commun est l’énergie. Aujourd’hui, nous disposons de l’énergie nucléaire, qui est la seule source valable dont nous disposions pour traiter ce genre de problème. On ne peut pas mesurer l’énergie en termes de calories. Seul un idiot ou un ignorant pourrait le faire. Un kilowatt de lumière solaire et un kilowatt d’énergie nucléaire ne sont pas équivalents. On ne peut pas remplacer un kilowatt d’énergie nucléaire par un kilowatt de lumière solaire.

Du point de vue énergétique, la source la plus faible est, généralement, la lumière solaire, telle qu’elle parvient à la Terre. C’est une qualité d’énergie bien pauvre, car en arrivant sur Terre, elle a une densité très faible. Ce qu’elle fait de plus utile, c’est de contribuer à la croissance de la végétation. De quelle façon ? Prenons le cas des plantes vertes et comment l’énergie leur est appliquée. La plante verte contient de la chlorophylle, qui a une qualité merveilleuse.

Vue au microscope, sa molécule, qui ressemble un peu à un têtard, a une longue queue qui agit un peu comme une antenne, et un genre de tête avec un atome de magnésium. L’énergie lumineuse est capturée par cette espèce d’antenne, qui active ensuite la tête en magnésium. Ainsi, par leur interaction, ces collections de molécules présentes dans la chlorophylle augmentent la densité du flux énergétique de ce qu’elles ont absorbé de la lumière solaire.

Cette énergie à haute intensité convertit alors le dioxyde de carbone en oxygène, en produits carbonés. Ceci à son tour, par l’intermédiaire des plantes, refroidit l’atmosphère, uniformisant la température, et permet de transformer le désert, etc. Toute vie sur Terre dépend en grande partie de cette fonction chlorophyllienne, transformant l’énergie lumineuse en un ordre supérieur, qui nourrit ensuite toutes sortes de processus vivants, fait pousser les arbres, refroidit l’atmosphère et autres choses utiles. Ce processus est essentiel à la vie sur Terre et au développement du climat planétaire.

Maintenant, si l’on utilise l’énergie solaire comme source d’un autre processus, par exemple pour chauffer directement des choses, quelles seront les effets sur le climat ? Cela fera augmenter la température. Nous allons créer un désert artificiel, alors que nous voulons une planète verte. On nous dit que « c’est mieux pour la nature », mais cette idée a germé dans l’esprit d’idiots dénaturés, c’est d’ailleurs pour ça qu’ils sont dénaturés.

En tout cas, le plus important est d’accroître la densité de flux énergétique de l’énergie. Comment a-t-on fait jusqu’à présent ? Eh bien, on peut brûler des broussailles, mais ce n’est pas très efficace. Là encore, ce fut quelque chose de vivant. Sinon, on peut brûler du bois, un combustible de meilleure qualité, puis on peut prendre du charbon de bois, dont la densité de flux énergétique est un peu plus élevée. Ensuite on passe au charbon, qui est plus efficace encore, ou à une forme condensée de charbon, comme le coke. On peut passer au pétrole, c’est un niveau supérieur, et à diverses sortes de gaz naturel, c’est encore mieux.

Nous avons aussi l’énergie nucléaire. Et hop ! C’est mille fois mieux. On peut passer aux réacteurs à haute température refroidis au gaz – on monte encore d’un cran ! Avec un réacteur à haute température refroidi au gaz, de type « à lit de boulets », on peut commencer à dessaler l’eau de mer à grande échelle. Nous pouvons ainsi fournir de l’eau en quantité et créer les conditions pour la vie. Nous n’utiliserons plus le pétrole comme on le fait maintenant, en transportant du pétrole bon marché à travers le monde, ce qui coûte cher, pour ensuite le brûler ! Mieux vaut générer, à partir de l’eau, des gaz à haute température qui sont bien plus efficaces pour les avions, les automobiles, etc., puis d’autres types de carburants synthétiques. A un moment donné, nous aurons la fusion thermonucléaire, qui est des dizaines ou des milliers de fois plus efficace.

C’est ainsi que nous atteignons des degrés supérieurs dans le pouvoir qu’a l’homme de moduler la nature, par tête et par kilomètre carré. En accroissant la densité de flux énergétique, nous faisons progresser les conditions de vie sur la planète, pour l’humanité dans son ensemble. Et c’est là notre but.

Prenons le cas de l’Inde. Elle dispose d’importantes réserves de thorium. Similaire à l’uranium dans ses fonctions, cet élément n’est généralement pas intéressant pour produire des armes nucléaires, mais représente un atout pour la production énergétique. Avec des réacteurs à thorium, on pourrait augmenter la densité de flux énergétique de cette région du monde.

Actuellement, environ 70% de la population indienne n’est pas ou peu qualifiée sur le plan technologique, mais cela n’a pas d’importance, parce que si l’on augmente la quantité d’énergie disponible, sur le plan local, on peut augmenter la productivité de cette force de travail, toutes choses égales par ailleurs. Avec l’énergie, on peut fournir de l’eau, grâce au dessalement. Un environnement infrastructurel est créé dans lequel la même qualité d’effort, le même niveau de qualification du villageois indien, donnent de bien meilleurs résultats, et les conditions de vie s’améliorent.

La méthode générale que nous avons utilisée, dans nos aventures successives, consiste à améliorer l’environnement de la production, en l’utilisant comme levier pour accroître la productivité humaine. Les efforts se concentrent sur l’amélioration de ce que l’on appelle l’infrastructure économique de base, dans l’art, l’agriculture, l’industrie, la vie urbaine, etc.

Lyndon LaRouche s’engagea alors dans une discussion sur l’industrie et l’infrastructure, qui ont été en grande partie démantelées ces quarante dernières années, pas seulement aux Etats-Unis. Aujourd’hui, il ne s’agit pas de garder les mêmes équipements, mais de passer aux technologies les plus modernes, en mettant l’accent sur les infrastructures.

LaRouche rappela le précédent des années 1920 et 30, avec la montée du fascisme dans le monde, organisée depuis Londres et soutenue par nombre de dirigeants américains, dont le grand-père du président actuel, Prescott Bush. Leurs desseins pour les Etats-Unis furent repoussés par le président Franklin Roosevelt et son équipe.

Renverser la vapeur

Ce que je propose aujourd’hui est de revenir à l’approche philosophique qu’incarnait le président Roosevelt en son temps. Je m’attaque aux mêmes ennemis. Or, quelle est la tendance aujourd’hui ? Elle s’oriente vers le fascisme mondial. C’est ce que l’on a constaté dans la campagne électorale de cette année : une poussée vers un nouveau type de fascisme mondial sous le label « mondialisation »

Regardez ce que nous sommes devenus, en particulier depuis la période 1968-71. Il ne s’agit pas d’un processus « naturel », mais plutôt de la conséquence « naturelle » d’une orientation politique allant dans le mauvais sens. Nous n’avons pas subi un effondrement à cause d’un quelconque épuisement, ni d’un problème d’environnement. Il a été produit intentionnellement, parce que certains voulaient imposer leur société. Et il s’agit des intérêts de Wall Street, comme dans les années 1920 et 30.

Reste à savoir si nous voulons survivre. Dans l’affirmative, nous pouvons tirer les leçons de ce que fit Franklin Roosevelt pendant sa présidence. Sinon, il n’y aura jamais de reprise et cette crise se pérennisera.

Nous sommes aujourd’hui 6,5 milliards d’individus, voire plus, sur Terre. D’ici deux générations, nous ne serons plus qu’un milliard, suite à un processus similaire à l’âge des ténèbres du XIVe siècle. Si nous continuons dans la même direction, nous allons droit en enfer !

L’alternative est claire : changer de cap ! Il faut commencer par reconnaître que nous nous dirigeons tout droit vers l’enfer, non pas dans un avenir plus ou moins lointain, mais cette année même, en janvier ou février prochain. Regardez la mascarade qui s’est déroulée cette semaine [le sommet du G-20], avec ce Président des Etats-Unis si grotesque. Certains des participants n’étaient pas idiots, mais ils ont accepté de jouer le jeu, en pensant que le monde serait bientôt débarrassé de ce type. Mais si nous persistons dans cette voie, c’en est fini. La civilisation telle que nous la connaissons est finie.

C’est déjà arrivé dans le passé ! Regardez l’histoire de l’humanité dans sa globalité, ou du moins ce que nous en savons. Ce qui s’est produit n’est pas exactement la même chose, mais c’était le même genre de problème. La civilisation faisait des progrès, les conditions de vie s’amélioraient, la culture se développait, le progrès technologique et scientifique allait de l’avant. L’humanité était en plein essor.

C’est alors que tout bascula, la civilisation entra en crise, puis s’effondra. Cela s’est passé maintes et maintes fois. Les âges de ténèbres sont une caractéristique de l’humanité. Cependant, à chaque rechute, il existait une possibilité de l’empêcher. Dans la plupart des cas, on l’a ratée, parce qu’il n’y avait pas de résistance.

Et aujourd’hui, allons-nous résister ? Nous soucions-nous du sort de notre peuple, de l’avenir de notre pays, du monde entier ? Sommes-nous prêts à taper sur les requins financiers ? Sommes-nous prêts à dire « non, non et non ! Vous n’allez pas nous faire cela » ? Avons-nous des dirigeants politiques qui aient les tripes de faire ce qu’il faut, ou du moins de reconnaître ce qu’il faudrait faire, même s’ils ne le font pas ?

Il y a beaucoup de gens qui me disent : « Après tout, ne pourriez-vous pas accepter un compromis ? Pouvez-vous faire un petit essai ? Juste un exemple, pour voir si ça marche ? » Et ce, alors que nous sommes sur un bateau qui coule ! Le Titanic est en train de couler, et vous voulez discuter de l’aménagement des cabines de luxe ?

(...) Telle est la situation. Pour résoudre ce problème, nous devons d’abord le comprendre. Nous devons comprendre que nous sommes confrontés à la fin de la civilisation. Les politiques que nous proposent nos dirigeants aux Etats-Unis et en Europe mèneront à un désastre absolu pour l’humanité, et ce, à court terme.

Il n’y a aucun doute, ce système s’effondre, c’est une certitude. Sans le type de changements fondamentaux que j’ai indiqués, il va disparaître en moins d’un an. C’est fini. Vous voulez vivre en enfer ? Eh bien, restez où vous êtes, inutile de vous déplacer, il viendra à vous.

Êtes-vous prêt à prendre le risque de changer ? Êtes-vous prêt à mener la guerre qui doit être menée, plutôt que celle que vous auriez préférée ? C’est la grande question.

Voilà la situation. Je l’ai décrite à plusieurs reprises dans mes écrits ces dernières semaines. L’enjeu est clair, à mes yeux : nous pouvons gagner. C’est possible, mais non probable, n’est-ce pas ? C’est à vous de le rendre probable. Certains d’entre nous ont peut-être les tripes de le faire.

Un membre de l’équipe de transition du président Barack Obama posa cette question succincte et directe : « Pour les cent premiers jours de la présidence d’Obama, quel serait votre ordre de bataille ? »

Parlons-en ensemble ! Tout d’abord, nous devons reconnaître que nous sommes en plein effondrement mondial. Le système est en chute libre. Rien ne pourra le sauver dans sa forme actuelle, rien ! Il est même probable que l’on ne puisse pas le maintenir en vie jusqu’au printemps prochain. Par conséquent, cent jours, c’est long. Nous n’aurons peut-être plus de pays d’ici là.

Si Obama veut devenir un héros national, poursuivit LaRouche, il devrait « s’adresser immédiatement à la Russie, la Chine et l’Inde, et leur dire qu’il veut faire exactement ce que je viens de vous exposer et que j’ai décrit en bien d’autres occasions ». A savoir, mettre le système monétaire en redressement judiciaire et créer un nouveau système international basé sur le crédit, à taux de change fixes, en vue d’investissements massifs dans des projets d’infrastructure destinés à relancer très vite l’économie mondiale.

Cependant, ajouta LaRouche à l’adresse d’Obama, « avant de le faire, assurez-vous une bonne sécurité, parce que [les Britanniques] pourraient venir vous chercher.

Vous trouverez alors une réponse favorable de la part de la Russie. Ils seront peut-être méfiants au début, parce qu’ils ont déjà entendu tellement de promesses de ce type dans le passé, mais allez les voir. Discutez avec les dirigeants chinois, qui sont préoccupés par ces problèmes. Parlez aux Indiens. Dites-leur que vous êtes prêt à vous engager sur un projet similaire, s’ils se joignent à nous.

En agissant ainsi, le Président américain pourrait devenir « un héros mondial ». « C’est la chose la plus intelligente à faire », conclut LaRouche. Ce serait un bon point de départ pour la nouvelle administration Obama, alors que « les ressources des Etats-Unis, dans le cadre du système monétaro-financier actuel, sont pratiquement inexistantes », après trois présidences Bush. « Après douze ans dans la brousse (bush en anglais), on peut perdre tout contact avec la civilisation.

Si vous commencez par cela, vous convaincrez le peuple américain de votre sérieux absolu. A partir de là, vous aurez le soutien requis. Ils ne vous l’accorderont pas automatiquement, mais ils écouteront. Et ils vous accorderont le bénéfice du doute. (...) Si vous parvenez à obtenir ce genre de coopération, même sous forme d’un accord préliminaire, je peux vous assurer qu’il sera soutenu par le Japon, la Corée, la France et l’Italie, entre autres. Vous voulez réussir en tant que Président des Etats-Unis ? Faites cela, et vous y parviendrez. Mais n’oubliez pas d’esquiver les balles.

Un éditeur et intellectuel chinois lui demanda :
« M. LaRouche, vous dites que les travailleurs chinois sont sous-payés et que le gouvernement chinois mène cette politique afin d’être compétitif sur le marché international du travail en produisant à moindre coût. Mais la hausse des coûts de la main d’oeuvre a déjà provoqué la faillite de nombreuses entreprises, par conséquent, comment éviter le chômage qui touche la population chinoise ? »

Ce ne sont pas les travailleurs chinois qui sont sous-payés, mais la Chine dans son ensemble, répondit LaRouche. Il y a eu un transfert massif de la production, notamment américaine, vers la Chine. Mais ce qui est versé à la Chine pour cette production est d’un montant inférieur à ce qui aurait été payé si on l’avait produite aux Etats-Unis. C’était l’argument justifiant cette politique : les Chinois et la Chine travaillent à moindre prix.

Pourtant, les Chinois, et particulièrement les travailleurs, n’ont ni les qualifications ni les infrastructures comparables à celles des Américains ou des Allemands. « En réalité, aucune partie du monde ne pourrait produire, à long terme, à meilleur marché que les Etats-Unis et l’Allemagne, car nous avons des technologies supérieures. Si l’on délocalise la production en Chine sous prétexte que cela coûte moins cher qu’aux Etats-Unis, qu’est-ce que cela signifie ? Que le revenu de la Chine, en échange de sa production, est inférieur au coût de production.

De manière générale, avec les délocalisations, les coûts épargnés représentent ce qui n’est pas payé pour le développement de l’infrastructure au niveau économique, poursuivit LaRouche. On transfère la production dans un autre pays sans pour autant assurer son développement infrastructurel. Pour ce qui est de la Chine, l’infrastructure dans son ensemble est insuffisamment développée pour que le pays ait un niveau de productivité similaire à ce qu’il était jadis aux Etats-Unis.

En même temps, pour des catégories entières de biens, nous avons fait baisser les prix au-dessous du coût réel de production, par exemple en supprimant les investissements qui auraient été nécessaires pour l’infrastructure et les composantes essentielles de la production. » C’est ainsi que l’on ne veut plus boire l’eau du robinet aujourd’hui aux Etats-Unis, parce que les investissements dans les infrastructures nécessaires pour avoir de l’eau propre ont été supprimés du budget, constata LaRouche.

En Chine, le prix payé ne couvre pas le coût réel de la production physique. La Chine travaille à perte. Ce n’est pas seulement le travailleur, mais la Chine en tant que nation qui est sous-payée. Et le pays est très vulnérable, car il lui manque l’infrastructure. Ses recettes à l’exportation ne suffisent pas à lui donner le type de croissance qu’elle voudrait. Certes, la Chine construit des voies ferrées et d’autres équipements, pour son réseau hydrographique par exemple, avec des barrages, comme celui des Trois Gorges. Ce sont des projets utiles, mais insuffisants par rapport aux besoins de sa population.

Cela implique que nous devrions, au niveau mondial, augmenter les prix à la production pour qu’ils correspondent aux coûts réels de la production pour la société. Autrement dit, il faut considérer l’ensemble de la société dans laquelle s’effectue la production, car c’est le coût de son maintien qui importe, pas le coût de la production en tant que telle. » Pour diminuer le coût réel de la production, insista LaRouche, il faut accroître la productivité physique par personne, et investir dans les hautes technologies.

Si vous examinez le cas des Etats-Unis, vous voyez qu’ils perdent de l’argent depuis 1967-68. C’est à partir de là que l’on a réduit les dépenses pour les infrastructures, vers fin 1968. Depuis 40 ans, les Etats-Unis, en termes physiques, fonctionnent à perte. Nous avons un déficit dans l’infrastructure, l’industrie et l’ensemble des secteurs. Il nous faut accroître la productivité du monde en augmentant les prix aux dépens d’autres dépenses inutiles, afin de couvrir les coûts réels de la production mondiale.

Energie

Si nous disposons d’énergie nucléaire à grande échelle, nous pourrons accroître la productivité et diminuer les coûts de production, tout en disposant d’une eau de meilleure qualité. Nous devons développer les transports en commun plutôt que les véhicules personnels. Les coûts du transport seront alors moindres, et l’on évitera de perdre des heures dans les transports, ce qui aura des effets heureux sur la vie familiale. Nous devons penser en ces termes, sans nous laisser piéger par ce que l’on appelle habituellement les coûts de production, et instaurer un système pouvant satisfaire tous les besoins de la société.

Pour cela, nous avons besoin de la Chine ! Nous allons devoir augmenter ses revenus et sa production pour qu’elle puisse subvenir à ses propres besoins. Pour y arriver, nous devons conclure un accord rooseveltien à long terme avec la Chine, l’Inde, la Russie et d’autres. Des accords successifs de 5 à 6 ans permettront de sortir progressivement de cette crise qui, autrement, nous mène au chaos.

La Chine a besoin d’aide et les Etats-Unis devraient lui en fournir ; mais en partant de cette méthode pour accroître le progrès physique et établir un consensus plus équitable sur la nature des activités qui priment.

Les quatre grandes puissanceset Sarkozy

Une jeune participante danoise posa à son tour cette question :
dans le cadre de l’accord que vous avez mentionné entre les quatre puissances – Etats-Unis, Russie, Chine, Inde –, quel rôle l’Europe peut-elle jouer ? Quel pouvoir les Européens ont-ils et que devraient-ils faire ? Dans ce contexte, pouvez-vous expliquer la différence entre le système américain et le système parlementaire européen ?

Le système européen n’est plus indépendant, il n’exerce plus de pouvoir politique sur lui-même et n’a plus la capacité de créer du crédit. L’émission de crédit ne luiest plus permise. Vous pouvez toujours aller demander à Trichet, mais vous perdrez votre temps. L’Union européenne, en tant que groupe de nations, a abandonné sa souveraineté.

Mais la situation peut changer. « Actuellement, la tendance est de ne plus respecter les Accords de Maastricht. Mentionnez le nom de Trichet, et bientôt toute la salle éclatera de rire, car on ne le prend plus au sérieux. Les gouvernements européens sont dans une situation d’urgence et font ce qu’ils ont à faire dans le court terme, mais ils n’ont aucune solution. L’Europe n’est donc pas un facteur déterminant dans ces décisions internationales.

Il subsiste néanmoins un facteur clé : la relation entre la Russie et la France. Il y a clairement une connexion avec Sarkozy. Le Président français menace de jouer un rôle indépendant, ce que la plupart des gens ne comprennent pas, mais c’est la réalité. Ainsi, Sarkozy est le seul chef d’Etat européen, en dehors de la Russie, qui pèse vraiment dans cette situation. Et il est possible qu’il en vienne à jouer un rôle important.

Par exemple, si la Russie, la Chine et l’Inde approchent les Etats-Unis sur la base des principes que j’ai indiqués, alors le rôle de Sarkozy en Europe deviendra crucial. Sarkozy peut même être un facteur pour inciter à une telle coopération. En dehors de lui, je ne vois pas un seul gouvernement européen qui puisse actuellement jouer un rôle significatif à ce niveau. » Nicolas Sarkozy pourrait en particulier servir de catalyseur, de par ses discussions avec les Chinois et les Russes en particulier.

L’essentiel aujourd’hui pour briser les règles du jeu, c’est la relation directe entre les Etats-Unis, la Russie, la Chine et l’Inde ; un accord entre eux est fondamental et aurait le potentiel de pouvoir changer les choses. Alors, dans cette dynamique, l’Europe peut changer, mais sans cela, l’Europe ne peut pas se substituer à l’un des quatre. Il faut absolument que les Etats-Unis, la Russie, la Chine et l’Inde se mettent d’accord, et je pense que c’est possible. D’autres pays peuvent jouer un rôle bénéfique mais n’ont pas la capacité d’en être les initiateurs. Parmi les pays auxquels je pense, la France de Sarkozy est le plus à même, en dehors des quatre, d’exercer une influence significative sur ce groupe.

L’industrie automobile américaine n’est pas viable

Un autre membre de l’équipe de transition de Barack Obama fit observer que la direction de General Motors avait réclamé un renflouement public, car une mise en redressement judiciaire ne suffirait plus à ce stade. Il demanda à LaRouche de préciser la différence entre les deux procédures, et d’évaluer la viabilité du secteur automobile.

L’industrie automobile américaine, en tant qu’industrie, n’est absolument pas viable ! C’est une perte d’argent. Cependant, je m’intéresse depuis quelques années à deux aspects de cette industrie.

En 2005, j’ai proposé des plans qui auraient pu tirer d’affaire le secteur automobile. Ce qui ne voulait pas dire produire autant de voitures que le voulaient certains. Je proposais de diviser l’industrie en deux parties, reliées par une caractéristique commune. Cette caractéristique, ce trait d’union, est l’infrastructure et la capacité de machines-outils. Les deux parties sont, d’une part, la production d’automobiles et d’autres types de véhicules et, d’autre part, la production d’autres éléments, par exemple des composants de l’infrastructure économique de base.

Car il ne fait pas de doute que l’infrastructure souffre d’un manque d’investissements. Le système fluvial en est un cas flagrant, avec certains axes nord-sud qui n’ont jamais été développés ou sont devenus vétustes. LaRouche mentionna le système d’écluses et d’aménagement de l’eau sur l’Ohio, qui est délabré et menace de mener à un désastre dans toute la région centrale des Etats-Unis, qui est aussi un important centre agricole. Le refus d’investir dans l’infrastructure a été l’une des causes majeures des dégâts de Katrina à la Nouvelle Orléans en 2005.

Le delta et la vallée du Mississippi, selon LaRouche, devraient faire l’objet d’un projet similaire à celui adopté par Franklin Roosevelt pour la vallée du Tennessee. Nous devons maintenir l’infrastructure économique de base et utiliser/reconvertir les équipements de machines-outils inutilisés chez les constructeurs pour développer ces projets, en faisant appel à leur main-d’oeuvre qualifiée. « Prenons les gens qui travaillaient avec ces machines et ces équipements dans l’industrie automobile et donnons-leur un emploi dans une autre branche de production, pour lequel ils sont parfaitement compétents, sur les mêmes sites. Sauvons les villes et les communautés où cette production se déroulait auparavant. On n’a pas besoin d’industrie de l’automobile, mais on a besoin d’emplois productifs pour les gens, près de chez eux.

Le gouvernement fédéral va devoir fournir le crédit pour financer des projets qui auront une durée de vie d’entre 30 et 50 ans. On pourra les réaliser dans l’espace de 5 à 10 ans. (...) Pour cela, il faut des capacités en machines-outils, et nous en avons perdu une grande partie aux Etats-Unis, sauf dans l’industrie automobile. Notre objectif doit donc être de rétablir cette capacité, rapidement ! En lui donnant des projets fédéraux, qui sont importants pour la nation et pour les gens.

L’art et le projet de nouvelle Renaissance

Question d’un jeune artiste classique, originaire du « au coeur de l’Europe » et appartenant à un groupe de peintres, sculpteurs, poètes et musiciens qui soutiennent les idées de LaRouche. « Nous sommes tout à fait d’accord qu’une Renaissance est la seule manière de réorienter la société vers la production physique et la recherche véritablement scientifique. A part l’étude de la nature et de ses principes, quels conseils donneriez-vous aux jeunes artistes dans cette époque de post-modernisme. Lorsque nous aurons perfectionné nos qualifications, vers quoi devrions-nous nous orienter ?

Deuxièmement, quels sont les thèmes les plus importants à couvrir dans la nouvelle littérature, l’art dramatique et la peinture ? Les grands actes, qu’ils soient bons ou mauvais, constituent un excellent matériel pour la tragédie, et comme notre projet de Renaissance pourrait se prolonger sur plusieurs générations, nous vous demandons conseil pour en poser les bonnes fondations.

A ce sujet, j’attire votre attention sur un essai que je viens d’écrire, "La mathématique n’est pas la science". Tout d’abord, aucun principe de science physique n’est déterminé par la mathématique. Par définition, tout principe de science physique réside en dehors de la mathématique, comme l’illustre parfaitement la découverte originale par Johannes Kepler du principe universel de la gravitation. Einstein, considérant cette question du point de vue de Bernhard Riemann, soulignait que le principe lui-même se trouve en dehors de la mathématique et l’englobe.

Il en va de même pour le principe de la créativité artistique. Prenons le cas du théâtre classique, notamment de la tragédie classique. Il n’existe aucun personnage dans le drame classique que l’on puisse qualifier de figure individuelle tragique. Commençons par ce que nous savons de l’histoire européenne, par le premier drame classique célèbre, attribué à Homère, l’Iliade. Voilà le modèle du drame classique européen. Quelle est ici le sujet de la tragédie ? A l’exception d’un personnage qui agit la plupart du temps comme un héros individuel, tous les dieux et demi-dieux sont des bons à rien, et les pauvres gens écoutent les conseils de ces dieux et ces déesses, qui s’affairent à leur chuchoter à l’oreille diverses combines, etc. Et c’est le carnage qui s’ensuit.

Toute la tragédie grecque classique s’appuie sur le modèle de l’Iliade. "Des voix, venues de l’extérieur, m’ont transmis ce message mystérieux et je dois agir en conséquence. Aaaah !"

Le principe de la tragédie classique, c’est qu’il n’existe pas de héros tragique, aucun individu ne peut être tenu pour coupable de la tragédie ; cette idée est une baliverne romantique. La tragédie réside dans les chuchotements, dans le fait que la société est incapable d’agir de manière rationnelle parce qu’elle est prise au piège des conseils qu’elle reçoit de ces dieux fous, ou de ce qu’elle imagine être des dieux. "Nous ne pouvons pas faire ça." "Ne le faites surtout pas, sinon il vous arrivera quelque chose." "Non, je vous en prie, ne le faites pas !" Piégée par ses craintes mystérieuses, comme dans des fils barbelés ou un enclos électrifié, la société est incapable d’agir.

« De temps à autre, un personnage arrive et dit : "Assez de balivernes. Je vais agir pour des raisons rationnelles, je n’écouterai pas les voix des dieux." Et il agit, en tant que héros, pour sauver la société d’elle-même. Mais d’habitude, et même dans des cas récents, le Président, même doué, est un crédule qui écoute les chuchotements : "Tu n’auras aucun succès si tu fais cela. Nous ne t’aimerons pas, nous ne t’aiderons pas, si tu le fais." Il se transforme alors en lâche cherchant un expédient.

Puis boum ! La société s’effondre. Le héros existe, mais le cas tragique n’existe pas, pas en tant qu’individu. Un héros est une personne qui parvient à convaincre la société – comme le firent Roosevelt, ou Lincoln – de faire ce qui est nécessaire, sans se soucier des craintes irrationnelles des gens qui chuchotent avec les dieux.

Ce qui est tragique, c’est la société en tant que telle. Une société de gens qui écoutent les chuchotements : "Ne dites pas ça. Papa a dit non ; le gars d’à côté, qui est très bien informé, pense que ce n’est pas une bonne idée. Ils pourraient te prendre." C’est cela qui tue.

Prenons le cas du Wallenstein de Schiller. Ce drame est une tragédie, mais pas celle de Wallenstein. Lui-même est incapable d’envisager une solution en dehors du cadre qu’on lui a donné. On a un sens de cela dans la première partie, Le camp de Wallenstein, où cette immense armée s’assemble pour s’engager dans ce qui va devenir une guerre de religion, détruisant tout. La trilogie se termine avec la mort de Wallenstein, mais la guerre de Trente ans ne se termina pas pour autant. Schiller fonda cette pièce sur son étude non seulement de la guerre de Trente ans, mais aussi de celle des Pays-Bas.

La tragédie réside dans la société, pas chez l’individu. La plupart des Présidents des Etats-Unis ne furent tragiques que dans la mesure où ils écoutèrent les puissances qui contrôlent ce pays, les chuchotements des dieux et des déesses, et les gens de la rue. Alors que la raison leur dicte d’agir autrement, ils se laissent dissuader par la peur de ce que dira leur famille, ou leur femme.

Ce sont les problèmes du politique, de la vie réelle, qui sont traités dans un véritable drame – un grand dramaturge n’est pas un bon à rien qui s’imagine des intrigues, isolé dans un grenier. Les vrais dramaturges, comme les vrais poètes, regardent la réalité et cherchent à en tirer les moyens de montrer aux gens la réalité dans laquelle ils vivent. Pourquoi ils se comportent de telle ou telle manière, pourquoi la société se comporte ainsi. Ce n’est pas pour vous titiller avec une histoire passionnante. C’est pour vous donner un sens de ce qu’est la société.

En tant que spectateur, vous arrivez et vous voyez se dérouler sur la scène une situation que vous ne comprenez pas, que vous ne pouvez pas résoudre. Et si le dramaturge a bien fait son travail, et les acteurs aussi, vous sortez avec le sens non pas d’avoir complètement compris le problème, mais de pouvoir éventuellement le traiter. Cela vous rappelle une situation dans la vie réelle, que vous seriez peut-être à même de résoudre. C’est la société à grande échelle.

Voilà la relation. Voilà la science. La science concerne la tentative de l’homme de maîtriser l’univers, comme il est dit dans le premier chapitre de la Genèse. Seuls l’homme et la femme peuvent comprendre le processus de création et intervenir pour le changer. Notre tâche consiste à comprendre l’univers, à comprendre l’environnement et les conditions qui façonnent nos vies et nos nations, et à utiliser l’esprit humain — ses pouvoirs créateurs – pour découvrir comment changer ces situations pour le plus grand bien de l’humanité.

C’est ce que fit Franklin Roosevelt, c’est ce que fit Abraham Lincoln, de même que George Washington et John Quincy Adams. Bismarck aussi, dans un certain sens, et Lazare Carnot. De nombreux grands scientifiques furent des héros dans la mesure ils réussirent à répondre à un défi. Martin Luther King fut l’un des grands héros des États-Unis. Ce fut un homme de principe qui accomplit quelque chose que nul autre que lui n’aurait pu accomplir. Il aurait dû être Président. C’est probablement pourquoi ils l’ont tué. Il avait une qualité qui faisait défaut aux autres, il était unique, un vrai héros.

Voilà ce qu’il faut tenter de comprendre dans la tragédie. L’attitude qu’il faut avoir envers l’art classique est la même que pour la science : comment est organisé l’univers ? Cela implique de se hisser à un état d’esprit supérieur, comme par exemple le groupe de personnes dont parlait mon interlocuteur. Elles ont un certain niveau de qualification. Elles savent certaines choses. Peuvent-elles franchir le prochain pas ? Pouvez-vous réellement comprendre votre sujet, tel qu’il s’applique à la vie réelle ? Voilà le défi. C’est le même défi qu’en science physique.

Le drame classique est l’un des meilleurs moyens. Dans l’un de mes derniers écrits, je fais référence au dernier paragraphe de En défense de la poésie, de Shelley, qui résume dans quel état d’esprit doit se trouver l’individu, un état d’esprit créateur, qui est la fonction de la poésie, afin de comprendre ce que vous devez faire pour tenter d’amener la société à résoudre ses problèmes. C’est cette attitude que l’on retrouve dans l’art de peindre de Rembrandt. Il y a le merveilleux tableau avec la buste d’Homère qui regarde le spectacle ridicule d’Aristote. Voilà ce qu’il faut percevoir.

Vous devez vous comparer, du point de vue de l’art, à un scientifique. Vous essayez de mieux comprendre l’humanité, en regardant les plus grandes oeuvres des plus grands artistes et voyant ce qu’ils vous donnent vraiment. Qu’est-ce qui fait que ce sont de grands artistes ? Qu’est-ce que Léonard a de grand, à part ses connaissances scientifiques, dans certains de ses tableaux ?

La motivation, ou la gratification, c’est que vous sortez de cette expérience content de vous-même, parce que vous avez compris l’humanité un peu mieux qu’auparavant – et vous-même aussi. Le sentiment qui anime la science physique et le grand art classique est exactement le même.