Le secret de la réorganisation bancaire de Franklin Delano Roosevelt

mercredi 8 octobre 2008

par Richard Freeman

Voici un extrait d’un rapport spécial, L’économie : la fin d’une illusion, publié en avril 2002 par le comité de campagne de Lyndon LaRouche aux Etats-Unis. Nous le reprenons ici parce qu’il montre que les mesures adoptées par le président Franklin Roosevelt en 1933 sont la seule source d’inspiration valable pour résoudre la crise actuelle, contrairement au "plan Paulson", ce gigantesque renflouement de Wall Street, parfaitement inconstitutionnel, qui vient d’être adopté par Washington.

1933. Le plan du président Roosevelt pour affronter ce qui semblait un effondrement bancaire insurmontable, nécessita de libérer le système de crédit américain de l’emprise de l’oligarchie financière. En effet, la City de Londres et Wall Street avaient canalisé le crédit, presque exclusivement, vers la spéculation. Roosevelt formula une série de mesures « protectionnistes », accroissant le contrôle souverain de l’Etat américain sur leurs opérations liées à l’économie et au crédit. La tutelle de l’économie américaine fut délibérément reprise des mains de Wall Street et de la City de Londres, et remise au service de la production plutôt que de la spéculation.

Les premières actions de Roosevelt accomplirent, avec certaines limites, une réorganisation bancaire substantielle. Mais par son action rapide et décisive, il rétablit la confiance.

Après trois ans de faillites bancaires en cascade, apparemment impossibles à endiguer, Roosevelt réussit en trente-et-un jours à faire en sorte que 75% des banques puissent fonctionner normalement.

Le 5 mars 1933, deuxième jour de son mandat, recourant à une disposition du Trading With the Ennemy Act (loi sur le commerce avec l’ennemi) de 1917, il passa un ordre exécutif déclarant un United States bank holiday, c’est-à-dire la « vacance » de toutes les banques à l’échelle nationale, aussi longtemps que nécessaire. En réalité, cela ne dura que du 6 au 10 mars 1933. Il s’agissait d’empêcher le retrait massif des dépôts dans la précipitation et la panique, qui aurait ruiné le pays. Cet ordre donna également au secrétaire au Trésor le contrôle de toutes les transactions en or et en devises étrangères. Roosevelt devait agir vite. Durant cette semaine, il réunit fréquemment ses conseillers financiers, sous la houlette du secrétaire au Trésor William Woodin, et les représentants de l’administration sortante de Hoover, emmenés par l’ancien secrétaire au Trésor Ogden Mills. Aux aurores du 9 mars, une loi bancaire est élaborée : la Loi bancaire d’urgence.

Celle-ci institue la Reconstruction Finance Corporation (RFC), une agence gouvernementale en charge de financer la reconstruction économique en reprenant, dans des conditions très strictes, certaines actions et titres des banques en difficulté. Ces rachats les recapitaliseraient sans aggraver leur endettement.

La loi identifie trois cas d’espèce : les banques en bonne santé qui peuvent fonctionner sans aide de l’Etat, celles qui ont besoin d’un certain afflux de capitaux de la part de la RFC et les banques insolvables qu’un curateur liquiderait. Le 9 mars à midi, Roosevelt envoie un message au Congrès affirmant qu’« il ne peut assez souligner au Congrès la nécessité évidente d’une action immédiate » concernant la Loi bancaire d’urgence.

L’historien William Leuchtenburg décrit la scène tumultueuse qui suit : « Peu après treize heures, le message de Roosevelt sur les banques était lu, alors que des congressistes fraîchement élus se débattaient encore pour trouver leurs sièges. La Chambre [des représentants] n’avait pas de copies du projet de loi ; l’orateur [de la Chambre] récitait le texte à partir du seul brouillon disponible, barbouillé de corrections de dernières minutes au crayon. »

Au cours du débat, « le porte-parole [de la Chambre Henry] Rainey [démocrate, Illinois] observa que la situation rappelait la Guerre mondiale, lorsque, des deux côtés de cette Chambre, les mesures suggérées par le gouvernement pour la grande guerre furent soutenues presque à l’unanimité… Aujourd’hui, nous sommes engagés dans une autre guerre, et même plus sérieuse quant à ses caractéristiques et présentant de plus grands dangers pour la République. »

Selon les rapports, Bertrand Snell, le dirigeant (républicain) de la tribune, déclara : « La maison brûle et le président des Etats-Unis dit que c’est le moyen d’éteindre le feu. »

La Chambre vota unanimement en faveur de la Loi, puis le Sénat, par 73 voix contre 7. (Quelques sénateurs disaient qu’elle renforcerait le rôle des banques de New York.) Le vote au Sénat se termina à 19h52. Roosevelt y apposa sa signature à 20h37. L’ensemble du processus, de la première introduction de la loi à la signature finale, avait pris huit heures. Cela démontre un point vital : la réorganisation bancaire d’urgence que Lyndon LaRouche propose aujourd’hui peut être adoptée, dans des conditions d’extrême urgence, et avec un bon coup de pied au bon endroit, le Congrès peut agir immédiatement, au mépris même des axiomes auxquels il s’accroche tant.

Le dimanche 12 mars au soir, Roosevelt organise sa première Fire chat (discussion au coin du feu) radiodiffusée, pour une audience estimée à 60 millions d’Américains (la moitié de la population des Etats-Unis) sur la situation bancaire, où il explique notamment comment « certains de nos banquiers (…) ont utilisé l’argent qu’on leur avait confié pour des spéculations ».

Il présente alors le contenu de sa loi bancaire et promet la réouverture des banques le lendemain à l’aube. Les banques autorisées à rouvrir obtiennent un supplément de liquidités. Ainsi, et rien n’illustre mieux la profonde confiance que Roosevelt avait inspirée à la population, ce jour-là et les suivants, les citoyens américains déposèrent plus d’argent dans les banques qu’ils n’en retirèrent.

Dès le 15 mars, ce sont 70% des 18399 banques agréées par l’Etat qui reprennent leurs activités sans réclamer aucune aide de la RFC et 76% sont opérationnelles dès le 12 avril.

Au cours de l’année 1933, les administrateurs procèdent à la liquidation judiciaire de 1100 banques reconnues insolvables. 3115 autres banques agréées par l’Etat, connaissant de grosses difficultés sans toutefois être insolvables, mettent la clé sous la porte. Au départ, pensant pouvoir s’en sortir toutes seules, ces banques avaient refusé les injections de liquidités de la RFC, mais cela changea bientôt. En juin 1935, la RFC investit 1,3 milliards de dollars dans l’achat d’actions et de capitaux de 6800 banques, ce qui signifie que la RFC se retrouve avec plus d’un tiers des impayés de tout le système bancaire américain. Estimant alors que les banques sont stabilisées, la RFC commence à se désengager peu à peu.

Cette réorganisation n’aurait jamais réussi sans l’application parallèle de la loi Glass-Steagall, instaurant une séparation hermétique entre banques de dépôts, banques d’affaires et compagnies d’assurance.