Les éditoriaux de Jacques Cheminade

P.P.P. et respect d’autrui

samedi 5 juillet 2008, par Jacques Cheminade

par Jacques Cheminade

Le projet de loi sur les contrats de partenariat public-privé (PPP) est en cours d’examen à l’Assemblée nationale. Que la majorité la vote des deux mains n’est pas une surprise, mais qu’une fois de plus, l’opposition fasse preuve d’une discrète mansuétude est proprement scandaleux. Rappelons que les PPP ont été une technique de gestion de la chose publique dans l’Italie mussolinienne et qu’aujourd’hui, aux Etats-Unis, le fascisme financier de Wall Street, celui des Rohatyn et des Bloomberg, entend en faire son arme et son instrument de dépeçage de l’Etat.

Qu’en est-il chez nous ? Introduit par l’ordonnance du 17 juin 2004, sous l’impulsion du très libéral Alain Madelin, le contrat de PPP permet à une collectivité publique de confier à un seul opérateur privé le financement, la conception, la réalisation, l’exploitation et/ou la maintenance – en bref, tout – d’un équipement public. En contrepartie, la collectivité qui s’est dépouillée de son initiative doit verser à l’opérateur un « loyer » sur une période généralement comprise entre 10 et 40 ans. En somme, l’Etat privatise les autoroutes, perdant ainsi une source de loyer régulier et sûr, et aliène des équipements publics en payant lui-même un loyer !

Jusqu’à présent, le recours à ce type de contrat était limité à des situations spécifiques, telles que l’urgence et la complexité du projet (critères fixés par la décision du Conseil constitutionnel du 26 juin 2003). Cependant, du coup, seuls vingt-cinq contrats ont été conclus depuis 2004. Le gouvernement Sarkozy veut donc plus, pour davantage et plus vite.

Ainsi, la nouvelle loi ajoute un autre critère d’éligibilité : la Communauté peut faire appel à un PPP lorsque cette procédure « présente un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable que ceux des autres contrats de la commande publique ». On peut interpréter... Pire encore, elle autorise, jusqu’au 31 décembre 2012, des secteurs prioritaires à recourir aux PPP sans avoir à justifier de l’urgence. Il s’agit en vrac des projets pour les universités et la recherche, la police et la gendarmerie, les implantations militaires, les prisons, la santé, les transports concourant au développement durable (trains, voies fluviales), la rénovation urbaine, l’accessibilité des handicapés et l’efficacité énergétique des bâtiments publics. Les PPP seront en outre exonérés de diverses taxes et deviendront éligibles aux mêmes subventions que les marchés publics.

L’espace public est ainsi livré au profit des « gros » qui, seuls, peuvent intervenir pour les marchés importants – les Bouygues, les Vinci et les Eiffage – en spoliant les PME, les agences d’architecture moyennes et les « petits » dans tous les domaines. Les « gros » réunis en groupe écartant les « petits isolés » ? N’est-ce pas la loi-même du communautarisme ? Avec l’esprit des PPP, il n’y a pas de France black-blanc-beur, mais la privatisation et la guerre de tous contre tous.

Sans exagérer, ne peut-on pas dire que ce qui s’est passé à Vitry-le-François ou rue Petit, à Paris XIXème, est une conséquence de l’abandon du vouloir-vivre en commun ? Antisémitisme, islamophobie ? Oui, mais quel type de société pousse au feu ?