Brèves

France-Liban : l’éternel retour

mercredi 11 juin 2008

Par Christine Bierre

C’est en grande pompe que Nicolas Sarkozy est arrivé le 7 juin au Liban, accompagné des principaux leaders des partis politiques français, parmi lesquels Patrick Devedjian (UMP), François Bayrou (Modem), François Hollande (PS), Marie-George Buffet (PC), Cécile Duflot (les Verts), Jean-Michel Baylet (PRG) et Hervé Morin (Nouveau centre) – histoire de « marquer l’unité de la nation française dans ce message d’encouragement ». Grand absent du voyage, Jacques Cheminade, qui, bien plus que certaines de ses personnalités, apporte depuis des années son soutien aux courants républicains de ce pays.

La France veut ainsi faire oublier son absence totale de la scène libanaise depuis décembre 2007, lorsque, suite aux pressions américaines, elle avait mis fin à la mission de paix conduite par l’équipe de Jean-Claude Cousseran, dénonçant virulemment la Syrie comme étant responsable du blocage électoral au Liban et apportant son soutien au seul camp de la majorité pro-étasunienne.

C’est la défaite cuisante des dernières tentatives d’une administration Bush/Cheney en bout de course, visant à mettre cette partie du monde à feu et à sang, qui a changé la donne à travers toute la région, permettant le retour de la France. Début mai, Dick Cheney et ses contrôleurs britanniques tentaient de plonger le Liban dans une nouvelle guerre civile, via des provo- cations lancées contre le Hezbollah par l’Arabie saoudite et les principaux dirigeants de la majorité, Saad Hariri et Walid Joumblatt.

Mais la brillante opération de flanc contre les provocateurs menée par le Hezbollah, en collaboration avec l’armée libanaise, a mis en échec cette tentative, ouvrant la porte aux accords de Doha qui ont repris l’essentiel des revendications de l’opposition libanaise. Les discours enflammés de George Bush au cours de sa tournée au Proche-Orient, en faveur d’Israël et avouant qu’il ne pourrait pas assurer la création d’un Etat palestinien avant son départ, ont fait le reste, rapprochant l’ensemble des pays modérés, Egypte et Arabie saoudite comprises, des prétendus radicaux dans un nouveau climat de coopération où la Syrie joue un rôle important.

C’est dans ce contexte que se situent les nouvelles initiatives françaises qui, pour être valables, devront être portées plus loin par la pression des amis retrouvés de la France dans la région. Le 29 mai, quatre jours après l’élection du nouveau Président libanais, Michel Sleimane, Nicolas Sarkozy a repris langue avec le Président syrien Bachar el Assad, mettant ainsi fin à une brouille qui durait depuis décembre. Le Président français a invité son homologue syrien à participer au sommet de l’Union pour la Méditerranée qui rassemblera plus de quarante pays à Paris, le 13 juillet prochain, et qui devient la pierre angulaire de la politique française dans cette région. Selon le quotidien Al Hayat, le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, et le conseiller diplomatique, Jean-David Levitte, auraient été chargés de préparer une rencontre Sarkozy/Bachar en marge du sommet, au cours d’un prochain voyage à Damas.

Notons cependant qu’ils pourraient encore rencontrer des embûches sur leur route. Nathalie Nougayrède, du Monde, rapporte que le Liban sera au menu des discussions entre Nicolas Sarkozy et le Président américain, lors de son prochain voyage en France, les 12 et 13 juin prochains. Selon cette journaliste, à Paris on commente que « les Etats-Unis « restent dans une attitude d’affrontement » avec le régime de Bachar Al-Assad et son allié au Liban, le Hezbollah. » Et bien que la France considère l’accord de Doha comme « une avancée décisive », « la lecture qu’en fait Washington, au-delà des discours publics de soutien, est plus sceptique. »

La France se mettra-t-elle en quatre pour satisfaire une administration Bush en déroute, alors que même les plus proches alliés de cette administration au Proche-Orient s’en éloignent et préparent l’avènement d’une nouvelle administration ? Rien n’est impossible, sachant que le ministre des Affaires étrangères est entouré d’un cercle de néo-conservateurs français. Mais selon la rubrique Tendances du Réseau Voltaire, Bernard Kouchner et son équipe sont si ouvertement devenus une annexe de l’administration américaine qu’ils ont fini par agacer certains de leurs collègues au Quai et même dans les cercles de la présidence ! Le Réseau Voltaire croit savoir que la France pourrait changer cette équipe après l’élection du nouveau Président des Etats-Unis.

Enfin, l’idée de sortir d’une situation de blocage en invitant le Liban, la Syrie et même l’Iran à participer à l’Union pour la Méditerranée dont Nicolas Sarkozy est l’instigateur, est une bonne initiative. Mais il faudra un sérieux lifting à cette organisation pour la rendre réellement attirante, notamment face à la concurrence de plus en plus âpre des pays eurasiatiques dans cette région, dont les ambitions en termes de projets sont bien plus importantes.

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