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Qui veut saboter la collaboration entre la FAO et l’AIEA ?

jeudi 29 mai 2008, par Karel Vereycken

Par Karel Vereycken

29 mai 2008 (Nouvelle Solidarité) – Une note interne écrite par le directeur général de l’Agence International de l’Energie Atomique (AIEA), le Dr Mohammed ElBaradei, datée du 18 février 2008, s’interroge sur les conséquences catastrophiques de la décision de la FAO (L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) de fermer la division mixte entre les deux structures, en suspendantson financement.

Cette « Division mixte FAO/AIEA des techniques nucléaires dans l’alimentation et l’agriculture » a vu le jour en octobre 1964, à l’époque de la politique des « Atomes pour la paix » du Président américain Dwight Eisenhower.

L’objectif de cette division, rappelle l’AIEA, consiste à « garantir que les capacités techniques d’aussi bien la FAO que l’AIEA, soient entièrement mises au profit des pays membres, en rendant disponibles les prouesses de la recherche scientifique dans le domaine nucléaire, appliquée à l’étude des sols, à l’agronomie, à l’élevage et à la santé, ainsi qu’à la lutte contre la peste et à l’analyse des résidus agrochimiques et des aliments. Les technologies nucléaires isotopiques offrent un outil scientifique d’excellence pour garantir aussi bien la qualité, que la sécurité alimentaire. Les techniques nucléaires ont une forte valeur socio-économique, puisqu’elles sont souvent les seules capables de résoudre certains problèmes. Combinées aux biotechnologies, elles sont de la plus haute importance pour améliorer l’accès à la nourriture. »

Actuellement, la Division mixte est en charge du soutien technique de quelques 220 projets nationaux et régionaux en termes d’équipement, expertise et de formation, pour un montant de 10 à 15 millions de dollars. Le fait que le nombre de projets s’est accru de 44% entre 2002 et 2007 montre la légitimité de l’existence de cette unité. Elle prend également en charge la coordination, les communications scientifiques, les réunions de travail entre spécialistes, etc., permettant des échanges permanents reliant quelques 400 institutions de recherche et des laboratoires de terrain, où des scientifiques du nord et du sud peuvent se retrouver pour résoudre des problèmes concrets. « Les principales activités de la division conjointe répondent toutes aux besoins et aux spécifications identifiés par les pays membres de la FAO et l’AIEA. »

Parmi ceux-là, il faut retenir :

  • Le développement de milliers de variétés d’espèces améliorés pour les cultures ;
  • L’étude des sols et le développement de mesures de maintien des sols ;
  • La surveillance des épidémies qui menacent le bétail et les cultures grâce à des techniques de stérilisation des insectes et des agents de contrôle biologique ;
  • L’éradication des épidémies parmi le batail (notamment la peste bovine) grâce à la mise au point d’outils de dépistage puissants, notamment pour la grippe aviaire.
  • L’élaboration de standards internationaux pour la veille sanitaire ;
  • Les techniques d’irradiation permettant une meilleure conservation des alimentants ainsi que la protection contre la peste et d’autres maladies ;

Le directeur général de l’AIEA écrit que « l’arrêt par la FAO de sa participation au budget de la Division mixte en 2009 (évaluée à 15,2% du budget total) impliquerait une perte de 2.2 millions d’euros, argent utilisé principalement pour alimenter le budget opérationnel de six professionnels et vingt membres du staff technique, dont la majorité opère à partir du Laboratoire de biotechnologie de la FAO/AIEA de Seibersdorf (Autriche). »

Selon une source haut placée à l’AIEA, les pays qui sont fortement attaché pour maintenir ce financement, il faut compter l’Algérie, l’Afrique du Sud, la Chine, Cuba, ainsi qu’un bon nombre de pays africains et autres Etats membres du groupe des 77 pays non-alignés, tandis que les Etats-Unis et l’Europe s’empressent d’entériner la décision folle de la FAO, où l’heure est aux réductions budgétaires.

Cette décision de la FAO résulte des recommandations d’un audit « indépendant », l’Independant External Evaluation (IEE), décidé par la FAO en novembre 2005. En effet, ce fut l’IEE qui recommanda la FAO « de cesser de financer ce travail conjoint » avec l’AIEA, parce que l’audit estimait que ce long partenariat, « a cessé d’être un partenariat fournissant les résultats escomptés en termes de l’impact des investissements de la FAO ».

Cependant, l’IEE suggère que, bien sûr, là où des fortes synergies existent, les collaborations en cours pourraient se prolonger à l’intérieur d’autres programmes de la FAO.

Bien que les organes de décision de la FAO n’ont pas encore finalisé leur décision sur la question, le directeur général de la FAO, Jacques Diouf, dans une lettre daté du 29 novembre 2007, a donné à l’AIEA un délais d’un an, pour fermer la Division conjointe…

Pour sa part, le directeur général de l’AIEA affirme que la fermeture de la Division mixte « mettrait gravement en péril la capacité de répondre aux besoins des pays membres, en particulier en ce qui concerne l’amélioration des cultures et l’étude des sols ; la gestion des terres et de l’eau ; le contrôle et l’éradication des insectes ainsi que les maladies qui frappent les cultures et le bétail ; l’élaboration des standards sanitaires internationaux ainsi que la possibilité de faciliter le commerce international. Sur le terrain, la fermeture de la division aura un impact très négatif sur le travail du laboratoire FAO/AIEA Agriculture et biotechnologie de Seibersdorf. »

La suppression de cette unité de recherche condamnera fatalement un projet pilote majeur sur la lutte contre la mouche tsé-tsé en Ethiopie. Le retard dans la formation de personnel qualifié dans cette expérience aura des conséquences dommageables pour toute l’Afrique. Car la formation d’experts qualifiés dans la conservation des aliments grâce aux technologies d’irradiation, dans l’analyse des résidus des pesticides, dans la sélection des meilleures espèces de cultures et de lutte contre la grippe aviaire, cessera.

Une enquête préliminaire sur l’équipe qui a conseillé la FAO à procéder à cette décision folle, dévoile le rôle néfaste d’écologistes radicaux et malthusiens.

Par exemple, à la tête des « experts » qui ont procédés à l’audit, on trouve le norvégien Leif E. Christoffersen, un économiste « vert » qui vend depuis 28 ans ses services à la Banque Mondiale. Il est également très impliqué dans le programme des Nations unies sur l’environnement (UNEP). Le CV de Christoffersen montre aussi qu’il siège dans le conseil d’administration de plusieurs institutions environnementales, notamment l’Université de la terre du Costa Rica. Il fit aussi des audits pour évaluer les performances du Global Environmental Facility (GEF) et de l’International Union for the Conservation of Nature (IUCN).

Dans un long article paru en 1997 pour le Green Globe Yearbook, Christoffersen se montre un activiste chevronné de l’IUCN, une organisation fondée à Fontainebleau en France en 1948. L’IUCN, dit-il, « n’est pas très connue du grand public. Parmi ses membres se trouvent la plupart des organisations environnementales de la planète, mais peu de médias ou d’agences extérieures mentionnent son existence. L’IUCN a exercé une influence considérable dans les débats sur les législations environnementales, mais elle s’est exercée en coulisse ».

Il n’est donc point étonnant que Christoffersen n’a pas une grande passion pour les techniques nucléaires capables de combattre la peste aviaire ou la mouche tsé-tsé. Il affirme lui-même que le but de l’IUCN est de « mobiliser un soutien international pour sauver les espèces menacés et la protection de leur habitat. Protéger la nature contre les interventions néfastes des activités humaines a été un thème majeur ».

Dans une chronologie sur la genèse de l’IUCN, Christoffersen mentionne aussi le fait qu’en 1961, « après des années difficiles sur le plan financier pour l’IUCN, plusieurs personnalités éminentes sur le plan scientifique et du monde des affaires, ont décidé de créer un organisme parallèle mais complémentaire : le Fonds mondial pour la nature (WWF), afin de pouvoir se focaliser sur la collecte de fonds, sur les relations publiques et sur un vaste soutien parmi la population ».

On s’en doutait, Christoffersen n’oublie pas de rendre honneur à un de ses maîtres à penser : « Le scientifique Britannique Sir Julian Huxley, un des partisans du début de l’IUCN, estimait lui aussi qu’il fallait disposer d’une bonne base scientifique pour l’UNESCO dont il fut le président quand l’IUCN a vu le jour en 1948 ».

L’économiste anti-malthusien américain Lyndon LaRouche, dans sa conférence internet du 7 mai 2008, a souligné l’importance des techniques nucléaires et de la science des isotopes pour réussir une nouvelle révolution verte, révolution indispensable pour doubler la production alimentaire mondiale d’ici 2050, quand 9 milliards d’individus peupleront la terre.

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