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A la lumière des récentes injections massives de liquidités par la Réserve fédérale américaine, la Banque centrale européenne et autres banques centrales dans les circuits financiers internationaux, et de la menace d’hyperinflation qui en découle, il est urgent de revoir les fondements de la doctrine prônant l’indépendance de ces institutions par rapport aux pouvoirs politiques, et de définir les grandes lignes d’une réforme de leur statut.
L’objectif ultime d’une telle réforme est d’instaurer la notion du crédit productif comme « service public », afin d’aider les gouvernements de ce monde à mettre en œuvre un ambitieux programme d’investissements visant à sécuriser les besoins fondamentaux de la population mondiale pour les cinquante années à venir.
Nos concitoyens ne sont pas habitués ou n’ont même jamais songé à considérer l’émission monétaire comme un service public, ou plus exactement comme un instrument de crédit devant servir l’intérêt général, comme il en va d’ailleurs pour l’électricité, l’eau, l’énergie, la santé, l’éducation ou les transports publics.
L’émission de monnaie-papier est une technique développée par les banques italiennes au XVe siècle pour faciliter les échanges commerciaux entre les grandes villes d’Europe. L’usage de « billets » (des reçus délivrés contre dépôt de pièces d’or et d’argent) émis par ces banques était réservé à leurs clients privilégiés, des marchands actifs dans quelques unes des plus grandes villes commerçantes de l’époque.
Avec la création de la Banque d’Angleterre en 1694, les autorités publiques ont renoncé à prendre en main le privilège d’émettre de la monnaie-papier (alors que le droit de frappe de pièces métallique était depuis longtemps réservé au Roi), « en échange » d’une prise en charge partielle par la banque de la dette publique. La plupart des pays ont ensuite copié la décision de l’Angleterre. Aujourd’hui encore, les Etats confient l’émission de leur monnaie nationale à des intérêts privés, à condition qu’ils puissent en retour emprunter auprès d’eux, alors qu’ils pourraient tout aussi bien émettre eux-mêmes de la nouvelle monnaie pour financer directement leurs investissements. Ils éviteraient ainsi de payer des intérêts sur des emprunts inutiles.
Cette deuxième possibilité, que l’on pourrait qualifier d’émission monétaire directe, est toutefois habituellement rejetée, sous prétexte que le versement d’intérêts par l’Etat aux actionnaires des banques est le prix à payer pour maintenir la valeur de la monnaie. L’argument est le suivant : si l’Etat pouvait se dispenser de l’obligation de s’endetter (et par conséquent de payer des intérêts qui sont censés jouer ici un rôle dissuasif) il aurait trop facilement recours à l’émission monétaire pour combler son déficit courant, ce qui aurait pour effet de dévaluer la monnaie en circulation. Par conséquent, les intérêts que l’Etat verse aux milieux financiers détenteurs de la dette seraient un « service » rendu à la collectivité !
Nous avons assisté ces deux dernières décennie à un durcissement de cette position, avec d’abord l’« autonomisation » de la Banque de France sous le gouvernement Balladur en 1993, puis la mise en place d’une Banque centrale européenne indépendante des pouvoirs publics, un statut qui risque d’être de fait « constitutionnalisé » si le Traité de Lisbonne vient à être ratifié par la totalité des pays membres de l’UE. En effet, la tendance actuelle vise à inscrire - tout à fait abusivement - des impératifs financiers dans des textes constitutionnels : c’est le statut de la BCE à l’échelle européenne tout comme le principe de l’équilibre budgétaire dans notre propre constitution.
L’argument avancé en défense de l’indépendance des banques centrales est fallacieux et ne correspond pas à la réalité historique, comme nous allons maintenant le démontrer.
Benjamin Franklin et la révolution de la monnaie-papier
Le premier exemple d’une utilisation générale et prolongée de monnaie-papier ayant cours légal (c’est-à-dire des billets que tout individu ou commerce est obligé d’accepter, par la loi, comme instrument de paiement) remonte à 1723, dans les colonies américaines, plus particulièrement en Pennsylvanie, au New Jersey et à New York [1].
Dans un rapport à l’Assemblée de Pennsylvanie en 1753 [2], Benjamin Franklin rappelle qu’une première émission de monnaie-papier de £15 000 fut votée en 1723 par les autorités de la colonie sous forme de prêts garantis par des terres, par l’intermédiaire d’une banque publique appelée Land Bank. Comme l’explique Franklin, étant donné que « les conséquences néfastes redoutées par certains, liées à la nature d’une telle devise, ne sont pas apparues, mais qu’au contraire des avantages importants et manifestes pour l’intérêt public furent immédiatement ressentis, le gouvernement de la colonie fut amené à passer un second acte la même année, pour l’émission d’une somme supplémentaire de £30 000. L’expérience démontrant toujours plus le bénéfice découlant de l’utilisation de cette devise dans la province, par l’accroissement du commerce et de la démographie et l’amélioration des terres, et la somme de £45 000 n’étant plus jugée suffisante pour les besoins du commerce, l’Assemblée générale fit, en 1729, émettre une somme supplémentaire de £30 000, et en 1739 une autre petite somme supplémentaire, amenant le total à £80 000. »
Année | Nombre de vaisseaux |
---|---|
1721 | 130 |
1722 | 110 |
1723 | 85 |
1730 | 171 |
1735 | 212 |
1749-52 | 403 par an en moyenne |
Dans ce même rapport, Franklin fait le bilan des effets bénéfiques produits par l’émission de monnaie-papier en Pennsylvanie au cours de cette période. Il rappelle qu’avant 1723, le commerce stagnait et la population diminuait dans la colonie. Le nombre de vaisseaux entrant dans le port de Philadelphie était passé de 130 en 1721 à 110 en 1722, puis à 85 en 1723, avant d’augmenter de manière régulière par la suite (voir tableau.) Avant 1723, plusieurs maisons étaient inoccupées et les gens étaient pauvres. Les terres restaient inexploitées. Mais au cours de la période suivante, jusqu’en 1752, la population a constamment augmenté, de même que le commerce avec les marchands anglais, contredisant les dires du Board of Trade britannique, qui affirmait que l’émission de monnaie-papier dans les colonies avait porté préjudice à ses membres.
Les expériences dans les colonies du New Jersey et de New York montrent des effets bénéfiques similaires.
Deux formes différentes d’émission monétaire directe furent pratiquées dans les colonies. La première, utilisée en temps de guerre, permettait à l’Etat de payer directement les fournisseurs pour l’équipement et l’armement des troupes, avec des billets neufs ayant cours légal et pouvant circuler librement par la suite dans l’ensemble de la colonie. La valeur de ces billets étaient garantie par des rentrées fiscales ultérieures, et les billets étaient ensuite graduellement retirés de la circulation lors du paiement des taxes, avec un quota annuel et une date de rappel finale pour la totalité de l’émission monétaire. Mais étant donné que la plupart des guerres auxquelles étaient confrontées les colonies à cette époque étaient des guerres d’agression [3], les sommes émises furent souvent plus importantes qu’il n’aurait été souhaitable et les billets associés à ce type d’émission furent l’objet d’une forte dévaluation.
L’autre mécanisme d’émission, par voie de prêts, fut plus largement utilisé en temps de paix. L’assemblée coloniale votait l’émission d’argent sous forme de prêts garantis par des terres, par l’intermédiaire d’un système de loan office ou land bank public, comme nous l’avons exposé précédemment. Franklin explique qu’en Pennsylvanie, la limite de 100£ par famille assurait que l’argent était disponible pour tout le monde, les intérêts de 5 ou 6 % annuels procurant des revenus au Gouvernement et permettant de diminuer les impôts perçus. L’argent était reprêté dès qu’il était remboursé, évitant ainsi d’imprimer trop de monnaie-papier, ce qui aurait pu en déprécier la valeur. Les Etats qui s’en sont tenus à ce type d’émission ont subi de très faibles dévaluations et ont bénéficié d’une évidente prospérité économique.
De plus, contrairement à la situation actuelle, l’émission monétaire était source de revenu pour l’Etat et non pas pour des intérêts financiers privés.
La question de la souveraineté économique
A partir de 1740 cependant, et plus brutalement encore en 1764, le parlement anglais a légiféré pour interdire l’émission monétaire directe dans les colonies américaines. La victoire de l’Angleterre au cours de la Guerre de Sept ans contre la France et les clauses du Traité de Paris de 1763 ont considérablement accru le pouvoir et l’arrogance de la faction impérialiste et financière associée à la Banque d’Angleterre, qui fit pression sur le parlement anglais pour faire voter la Loi sur la monnaie du 19 avril 1764. Sous peine d’une amende de £1000 et de révocation de leur poste, les gouverneurs des colonies, nommés par le roi, furent interdit de ratifier « tout ordre, résolution ou vote adopté par les assemblées coloniales autorisant de nouvelles émissions de monnaie ou prolongeant l’existence des billets déjà en circulation au-delà de leur date prévue de retrait ».
Lors de son séjour à Londres pour défendre le droit des colonies d’émettre de la monnaie-papier et négocier la révocation du notoire Stamp Act, Franklin remit un mémoire en 1767 à l’un des ministères anglais [4], dans lequel il argua qu’une politique d’émission monétaire adéquate allait de pair avec la souveraineté de l’Etat sur l’ensemble de ses choix économiques.
Tout au long du XVIIIe siècle, les colonies américaines étaient confrontées à l’obstructionnisme d’une métropole qui empêchait le transfert depuis l’Angleterre des technologies liées à ses manufactures naissantes et qui souhaitait cantonner les colonies dans un rôle d’exportateur de matières premières. Elles se trouvaient par conséquent dans une situation d’échange inégal et donc de déficit commercial permanent et leur économie était anémique en raison d’une pénurie chronique de pièces d’or et d’argent pour les transactions commerciales locales. L’émission de monnaie-papier avait toutefois permis de résoudre ce problème de manière satisfaisante.
Franklin insista que si l’Angleterre voulait empêcher les colonies d’émettre de la monnaie-papier, elle devait leur permettre de commercer sur un pied d’égalité avec la métropole et d’être par conséquent pleinement représentées dans les instances de décision politique et économique du Royaume. Le refus obstiné du roi George III d’obtempérer à ces demandes allait provoquer la future Guerre d’indépendance américaine. Franklin avait accordé à l’Angleterre sa dernière chance.
Franklin avait aussi compris que la valeur d’une monnaie-papier n’était pas uniquement liée aux garanties mises de côté en or, en argent, en terres, ou même en tabac, comme ce fut le cas en Virginie, mais surtout à la stratégie et au niveau d’activité économique physique du pays. C’est un point qu’il développa à plusieurs reprises dans ses multiples notes et pamphlets portant sur cette question et c’est pourquoi il déconseilla aux autorités politiques d’émettre de trop grandes quantités de monnaie par rapport aux besoins du commerce et de la production, et ceci indépendamment du montant total des garanties utilisées.
La Banque nationale d’Alexander Hamilton
Après des décennies de répression par les autorités britanniques, l’émission monétaire directe fut progressivement abandonnée dans les colonies. On n’y eut recours à nouveau qu’à partir de 1775, lorsque le Congrès continental autorisa l’émission d’une monnaie-papier commune pour financer la guerre, ce qui provoqua, bien entendu, une forte inflation.
Une fois la guerre terminée, le jeune aide de camp de George Washington, Alexander Hamilton, fut nommé comme premier Secrétaire au Trésor des Etats-Unis d’Amérique. Hamilton est aujourd’hui connu pour ses rapports au Congrès, dont ceux sur les Manufactures et la Banque nationale.
Dans sa réorganisation de la politique économique et financière du pays, Hamilton n’a pas retenu le principe d’émission monétaire directe. Il a préféré mettre en place une Banque nationale indépendante, du moins en ce qui concerne l’émission monétaire, chargée cependant d’une mission d’intérêt public et soumise à un ensemble de règles soigneusement rédigées. « Il faut considérer qu’une telle banque ne relève pas uniquement de l’intérêt privé, mais constitue une machine politique de la plus grande importance pour l’Etat », écrivit Hamilton dans son Rapport sur une Banque nationale. L’Etat détenait par ailleurs 20 % des parts de la Banque.
Contrairement à la Banque d’Angleterre, sa raison d’être n’allait pas se limiter à prêter de l’argent à l’Etat. Sa mission était de permettre d’accroître « le capital actif et productif du pays » en facilitant, par l’émission de monnaie-papier, la circulation générale de l’argent ; ses billets, ayant cours légal, devaient faciliter la perception des taxes et droits de douane ; l’intégration, dans son capital, d’une partie des bons du trésor nouvellement émis suite à la réorganisation des vieilles dettes de la Guerre d’indépendance, devait permettre de rétablir le crédit des Etats-Unis [5] ; son capital de dix millions de dollars, une somme considérable pour l’époque, permettrait d’accroître considérablement le volume des prêts et d’accélérer le développement des manufactures.
Ainsi, si Hamilton était partisan de l’émission monétaire indirecte (c’est-à-dire en passant par une banque nationale relativement indépendante), cela ne signifie pas qu’il fut libéral pour autant. Il était avant tout un colbertiste, comme le montrent sa promotion de mesures protectionnistes et sa réfutation des thèses physiocrates dans son Rapport sur les manufactures. Les physiocrates, dont le principal représentant aux Etats-Unis était Thomas Jefferson, étaient opposés à l’intervention de l’Etat, de même qu’à l’existence de la monnaie-papier et des banques commerciales. Leur vision agraire de l’économie reposait avant tout sur le libre-échange des céréales (à l’instar des partisans de l’OMC aujourd’hui) et exigeait que le revenu de l’Etat soit seulement constitué d’une taxe levée sur la terre [6]. Cette doctrine, qui avait été élaborée quelques décennies auparavant en France en réaction, peut-être, à la bulle de John Law, était en réalité dirigée contre le colbertisme et la dîme royale de Vauban [7].
Retour à l’émission monétaire directe
La reconstitution, depuis les années 60, d’un puissant cartel financier international associé aux intérêts de la couronne britannique [8] exige aujourd’hui la mise en place d’une opposition efficace, sous la forme d’institutions monétaires étroitement contrôlées par l’Etat. La puissance de ce cartel est beaucoup plus grande qu’à l’époque d’Alexander Hamilton, et demande par conséquent une plus grande vigilance de la part des défenseurs des intérêts nationaux. Par ailleurs, les graves abus commis par les banques privées au cours des trois dernières décennies ont récemment conduit les banques centrales à s’engager dans une tentative désespérée de renflouement des actifs par une explosion de crédits à court terme, tout en exigeant des pouvoirs publics une politique d’austérité draconienne pour rééquilibrer le budget de l’Etat. C’est l’intégrité même de nos sociétés qui est en danger.
Par conséquent, nous devons rapidement, en plus d’une réorganisation générale des dettes des institutions bancaires et financières, redonner au Trésor de chaque pays la prérogative de l’émission monétaire directe, comme le propose l’économiste américain Lyndon LaRouche. Le besoin urgent de canaliser d’importantes quantités de crédit à long terme dans les secteurs productifs de l’économie, de même qu’une meilleure compréhension, par rapport aux premières expériences du XVIIIe siècle, du rôle de la technologie et de l’infrastructure dans le développement économique, justifient la réhabilitation de cette manière d’émettre la monnaie, avec quelques ajustements.
L’émission et la mise en circulation du nouveau crédit productif se fera en utilisant la procédure suivante : d’abord, à la demande du Trésor, l’assemblée législative sera invitée à voter l’émission d’une quantité déterminée de monnaie nouvelle.
Ensuite, une partie de cette somme sera déposée dans une banque nationale contrôlée par l’Etat, puis prêtée aux banques commerciales privées par une « fenêtre d’escompte » qui permettra à la Banque nationale d’avancer, jusqu’à hauteur d’un certain pourcentage, des sommes d’argent sur une partie des prêts préalablement accordées, et selon des critères prédéfinis, par les banques commerciales aux entreprises. Ce couplage de l’argent neuf avec celui déjà en circulation en vue d’objectifs stratégiques permettra d’obtenir un effet maximal avec une émission monétaire minimale.
Une autre partie de cet argent neuf sera prêtée aux agences gouvernementales - à travers un fonds d’équipement - chargées de développer l’infrastructure d’intérêt général dans le domaine des transports, de l’énergie, de l’eau, etc., ainsi que dans le domaine de la recherche scientifique fondamentale.
En aucun moment cependant, la monnaie nouvellement émise servira à financer les dépenses courantes de l’Etat. Cette dinstinction entre dépenses d’équipement et dépenses de fonctionnement constitue un élément de sécurité contre la dévaluation liée aux abus d’émission monétaire.
La principale sécurité sera cependant de faire en sorte que l’argent neuf soit utilisé de manière à induire des gains de productivité maximaux, tant par le développement de l’infrastructure que par l’introduction de technologies nouvelles dans les secteurs liés à la production de biens tangibles. Plus les technologies seront avancées, plus les gains de productivité seront élevés.
Ce sont ces gains de productivité qui permettront ensuite de contrer les effets intrinsèquement inflationnistes à toute forme d’émission monétaire, directe ou indirecte. Voilà le secret d’une politique monétaire compétente.
Notes
1. En fait, dès 1690, quatre ans avant la fondation de la Banque d’Angleterre, la Colonie de la Baie du Massachusetts avait autorisé l’émission de bills of credit, la première monnaie-papier d’Amérique. Le célèbre patriote Cotton Mather publia en 1691 un pamphlet intitulé Considerations on the bills of credit pour défendre l’initiative. Les quantités d’argent émises ici, de même qu’en Caroline du Nord en 1703 et dans d’autres colonies dans les années qui suivirent n’ont pas été aussi importantes qu’en 1723.
2. Pennsylvania Assembly Committee : Report on the State of the Currency. Philadelphie, le 19 août 1752.
3. Les français encourageaient systématiquement les indiens à s’attaquer aux colonies anglaises d’Amérique dans le cadre de la French and Indian War de 1754 à 1763, le théâtre nord-américain de la Guerre de sept ans.
4. The Legal Tender of Paper Money in America, Benjamin Franklin, Londres, le 13 février 1967.
5. Hamilton fit en sorte que les actions de la nouvelle banque soient payées pour un quart en or et en argent, et pour les trois quarts restants avec des bons du trésor. Ce qui eut pour effet de revaloriser ces bons et d’assurer que la souscription de départ put atteindre la somme souhaitée de dix millions de dollars, dans une économie naissante dépourvue de monnaie et de capitaux.
6. « Ce n’est donc pas par le plus ou moins d’argent qu’on doit juger de l’opulence des Etats : aussi estime-t-on qu’un pécule égal au revenu des propriétaires des terres, est beaucoup plus que suffisant pour une Nation agricole où la circulation se fait régulièrement, et où le commerce s’exerce avec confiance et une pleine liberté. » François Quesnay, Tableau économique, version de 1766.
7. La Banque générale privée de John Law fit faillite en 1720, trois ans seulement avant que l’usage de la monnaie-papier ne s’étende dans les colonies américaines. Le succès de cette entreprise d’émission monétaire directe en Amérique, en comparaison avec la fraude de Law en France, montre bien que l’indépendance de l’institution émettrice n’est pas le seul critère de la stabilité d’une monnaie. Ce qui est déterminant est l’intention de ceux qui dirigent la banque : servir l’économie physique, productive, par l’émission de crédit-monnaie, ou bien favoriser la spéculation à court terme.
8. Peu de gens perçoivent le rôle central de la City et des institutions financières britanniques dans ce cartel. Or, sur les 10 000 fonds d’arbitrage (hedge funds) existant dans le monde, 8 000 sont basés dans les Iles Caïman, paradis fiscal situé dans les Caraïbes et étroitement lié aux banques de la City. Ces hedge funds sont les nouveaux pirates des Caraïbes, apparemment autonomes mais dont les raids sur les économies des Etats-nations bénéficient essentiellement aux institutions britanniques.