Editoriaux de Jacques Cheminade

Socialisme

lundi 28 avril 2008, par Jacques Cheminade

par Jacques Cheminade

Le principal atout de Nicolas Sarkozy demeure l’absence d’une opposition digne de ce nom. L’extrême-gauche joue les faire-valoir utiles, jusque dans les lucarnes de Michel Drucker, et le Parti socialiste est tout entier livré à ses échéances internes, depuis sa convention nationale du 14 juin jusqu’à son élection d’un nouveau premier secrétaire, le 13 novembre. Personne, sur la scène officielle, ne veut considérer la tragédie qui se noue sous nos yeux en France et dans le monde : effondrement du système financier et monétaire international, émeutes de la faim, destruction de ce qui reste de notre justice sociale. Le Parti socialiste, il est vrai, vient de publier une « déclaration de principes ». Mais il s’agit d’une adaptation à la règle du jeu dominant.

Le plus terrible est son manque de souffle. Henri Weber, passé de la LCR au beau monde rose, proclame que les « expériences qui nous intéressent le plus sont celles des socialistes scandinaves, notamment suédois », comme si la Suède n’avait pas enterré le rôle incitateur de l’Etat et accompagné la progression des inégalités sociales découlant de la mondialisation financière. Il y a pire. Manuel Valls préfère Clemenceau à Jaurès, Clemenceau qui n’hésita pas à faire appel à l’armée pour briser une grève et à écarter les offres de paix pour prolonger la boucherie de la Grande Guerre.

Rien qui traite de ce que Jaurès appelait « la réalité du monde sensible ». Rien sur la domination du monde par l’Empire de la City et de Wall Street, rien sur ce que Pascal Lamy, un autre socialiste, fait à la tête de l’Organisation mondiale du commerce, rien sur ce qu’encore un autre socialiste, Dominique Strauss-Kahn, fait ou ne fait pas au Fonds monétaire international, rien sur la politique de la Banque centrale européenne, qui impose l’austérité aux pauvres et aux classes moyennes et sauve les établissements financiers fautifs du marasme, en reprenant leurs créances pourries contre du bon argent frais ou des emprunts d’Etat. « Les socialistes sont partisans d’une économie sociale et écologique de marché, une économie de marché régulée par la puissance publique… » « Réguler » un pitbull sans muselière ? « Nous avons besoin pour ce faire du renforcement des Nations unies et du poids de l’Union européenne », disent-ils, alors qu’on voit venir un Traité de Lisbonne qui empêche le démarrage des grands travaux nécessaires à une reprise et une Europe trafiquée vouée aux « déploiements hors zone » de l’OTAN.

Les uns et les autres appellent à une « gauche avenir », une « nouvelle gauche », des « forums de l’unité » et à « un rassemblement de toutes les cultures de la gauche ». Pour quoi faire ? Il faut d’abord le dire, si l’on veut bâtir « une véritable alternative prenant appui sur les intérêts indissociables de la France et du monde du travail ». Et commencer par enterrer le pacte faustien de François Mitterrand, celui de 1983, conclu pour garder le pouvoir en conjuguant cynisme des actes et moralisme des principes.