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Week-end d’étude à Rennes

Contre la servitude volontaire, des révolutions scientifiques et des révolutions politiques

mardi 15 avril 2008

par Bruno Abrial (LYM, Rennes)

Samedi 5 et dimanche 6 avril, une trentaine de sympathisants et une douzaine de militants de SP étaient réunis afin de saisir les véritables enjeux de la crise existentielle de notre civilisation, tapie derrière la faillite du système financier mondial, ainsi que la mobilisation politique à entreprendre pour y faire face.

De Gaulle disait que le problème de la France est qu’il n’y a pas d’identification aux processus collectifs : chacun est dans son trou à défendre sa conception des choses, avec sa marotte. On ne voit pas l’ensemble. Jacques Cheminade exposa donc l’intention des tenants du système, à un moment où celui-ci, en phase finale de désintégration, entraîne le monde dans une hyperinflation meurtrière. Selon Barroso, le but de l’Union européenne est de « s’adapter à la mondialisation financière », en instaurant « un empire non impérial » sans employer nécessairement la force, en avançant pas à pas, à l’aide d’une culture inspirée du cirque romain.

Sur les traces de Pasteur, il nous faut donc un vaccin pour soigner ce qu’il y a en nous de Nicolas Sarkozy qui, à travers son récent voyage à Londres, incarne la servitude volontaire de tout un pays. Nous sommes réduits au rang de sujets d’empire, obsédés par leur ego et leur image, spectateurs d’un théâtre mis en scène (le roman-photo de Nicolas et Carla). Le vaccin consiste à identifier ce qui cause le passage d’un univers à un autre , apparemment incommensurable, que ce soit dans le domaine de la géométrie physique ou celui de la science de l’économie physique : qu’est-ce qui a permis à la société humaine de passer d’un niveau d’organisation limitant sa capacité d’accueil à quelques millions d’individus, à un autre, lui permettant d’en faire vivre plusieurs milliards ?

Frédéric Bayle nous présenta un « chic type » : Jean Zay, ministre de l’Education du gouvernement Blum, qui avait courageusement dénoncé le libéralisme monétaire et avait milité pour un nouvel ordre économique mondial, fondé sur l’investissement dans la production, afin de relancer l’emploi et de redonner une « armature technique » au pays. Mais au moment crucial, au lieu de s’évader de la prison de Riom pour rejoindre la Résistance, il préféra se complaire dans sa situation : on lui permettait de cultiver un jardin et de voir régulièrement sa famille, et il n’osa pas risquer tout cela, restant ainsi un « chic type ». Son esprit ne s’était pas réellement libéré de l’étouffement oligarchique, de la « servitude » intériorisée.

Odile Mojon exposa l’effrayante réalité de la réforme de l’éducation, engagée depuis des décennies par l’OCDE au niveau européen, et qui vise à adapter l’école à « l’esprit du temps ». L’idée de service public a disparu, et le savoir, comme la santé, est considéré comme un produit que l’on vend. Apparaissent alors de drôles de bêtes : le « E-learning » et les « E-universités », où l’on cherchera l’efficacité afin de mieux répondre aux attentes du business. Ce sont les « écoles du futur » de Microsoft, testées dans plusieurs villes du monde dont Amiens, où l’on ne parle plus d’élèves mais de « digital natives ». Ces « indigènes tactiles » ne viennent plus à l’école pour comprendre l’univers dans lequel ils vivent, mais pour former leur cerveau afin de s’adapter à la société du E-business.

Changement constant dans la manière de penser

Comme le démontra Sébastien Drochon, à trois niveaux d’hypothèses réalisés par l’esprit humain correspondent trois types d’organisation de la société : 1/ L’hypothèse simple, où l’on ne fait que déduire en fonction de la perception des sens : la société se condamne à rester au même niveau technologique, à épuiser les ressources, puis à s’effondrer. 2/ L’hypothèse supérieure, où l’on fait l’hypothèse d’un principe physique jusque-là inconnu, et que l’on valide par des expériences cruciales : la société, changée de manière fondamentale par cette révolution scientifique, invente alors de nouvelles technologies utilisant de nouvelles ressources, et augmente sa capacité d’accueil. Mais comment assurer que ces révolutions scientifiques surviennent au rythme nécessaire pour hausser constamment ce que Lyndon LaRouche appelle le potentiel de densité démographique relative ? C’est, 3/ l’hypothèse de l’hypothèse supérieure, où l’on découvre et maîtrise les processus mentaux qui engendrent de telles révolutions.

Maël Gautier retraça comment Lyndon LaRouche, face aux injustices économiques, ne se contenta pas de rester au niveau de l’hypothèse simple : il remonta aux causes premières, en identifiant les axiomes erronés des théories économiques dominantes. En outre, alors qu’il était soldat en Inde, il identifia la nature et les méthodes de l’Empire britannique. C’est ce qui le mena à une découverte majeure, puis à l’élaboration d’une méthode de prévision économique à long terme, qui s’est avérée correcte jusqu’à aujourd’hui, contrairement aux prévisions des « experts » économiques.

En son temps, Kepler avait eu la même démarche. Maëlle Mercier et Chérine Sultan nous expliquèrent comment il réfuta les modèles de Ptolémée, Copernic et Brahe, en montrant que certaines observations contredisaient leurs modèles ; il fallait écarter leurs axiomes – les mouvements circulaires et réguliers – et faire l’hypothèse supérieure de l’existence d’un principe physique, où le soleil serait la source du mouvement elliptique irrégulier des planètes.

Théo Génot, Alexandre Noury et Jenny Beuve, en s’appuyant sur la Monadologie de Gottfried Leibniz, construisirent un pont entre ce dernier et Kepler. Kepler avait laissé à la science un problème irrésolu : comment calculer la position d’une planète en fonction du temps ? Leibniz, entre 1672 et 1676, répondit au défi en inventant le calcul infinitésimal. Une grande querelle s’ensuivit : les cercles de la Royal Society de Londres et leur représentant Isaac Newton accusèrent Leibniz d’avoir plagié le calcul de Newton. La polémique toucha rapidement une question de fond, concernant la nature de l’univers : est-ce une machine que Dieu remonterait de temps en temps, et dans laquelle l’homme ne serait qu’un rouage dont la condition ne change pas ? Ou bien, comme le pensait Leibniz, l’univers est-il animé par un processus continu de création, auquel l’homme prendrait part en améliorant sa propre condition et celle de la nature ?

L’enjeu était éminemment politique, comme nous le montra Théodore Rottier, puisqu’il s’agissait de savoir si l’Angleterre allait devenir une république, d’inspiration leibnizienne, ou un empire de type vénitien. La nature du système impérial libéral qui domine le monde depuis quatre décennies atteste de l’issue de cette bataille. En effet, en 1714-1715, le vent tourna contre les cercles républicains leibniziens : Jonathan Swift, qui avait pu influer sur la politique de la reine Anne, fut écarté, Leibniz mourut en 1716 et les guerres continuèrent à diviser le sol européen, au profit de l’oligarchie. Il faudra attendre plus d’un demi-siècle pour voir se réaliser une partie d’un projet politique de Leibniz, avec la création de la République souveraine des Etats-Unis d’Amérique, désolidarisée de l’Empire britannique.

Suite à ce week-end d’étude, plusieurs participants s’inscrivirent pour prendre part avec nous aux révolutions scientifiques et politiques de l’histoire passée, présente et future, histoire de ne pas se retrouver tondus comme des moutons.