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La Grande-Bretagne déclare la guerre froide à la Russie

mardi 7 août 2007

Après que le sommet de Kennebunktport ait ouvert une perspective d’entente entre George Bush et Vladimir Poutine, le gouvernement britannique et ses alliés à Washington multiplient les provocations contre la Russie. Seule la destitution de Dick Cheney peut arrêter la dynamique de guerre.

Par Helga Zepp-LaRouche

Le mardi 17 juillet, un incident militaire faillit éclater entre la Grande-Bretagne et la Russie. Le Times de Londres rapportait le lendemain que deux chasseurs britanniques Tornado avaient été mobilisés pour intercepter, le cas échéant, deux bombardiers russes qui, au cours d’une patrouille de routine sur la côte norvégienne, auraient soudainement mis le cap sur la Grande-Bretagne. Les Tu-95 ont cependant changé de direction avant de pénétrer l’espace aérien britannique.

Le commandant en chef de l’armée de l’air russe, le général Alexandre Zeline, a formellement démenti : « Les informations selon lesquelles des bombardiers russes se seraient dirigés vers l’espace aérien britannique sont contraires à la réalité », déclara-t-il. Les appareils russes effectuaient des vols routiniers au-dessus des eaux internationales, qui comme d’habitude pour ce genre d’exercice, précisa-t-il, « sont programmés avec au moins six mois d’avance, et nous avertissons préalablement tous les pays concernés ». Que cherchait donc Londres en lançant une telle provocation qui aurait pu très mal finir ?

De toute évidence, la Grande-Bretagne tente de noircir la Russie et son Président personnellement, et pour cela tous les moyens sont bons. On accuse Vladimir Poutine d’être responsable de différents attentats contre des journalistes russes, comme Anna Politkovskaïa, ou encore contre le dissident Litvinenko, un ancien garde-corps de Boris Berezovski, même si ce n’est pas Poutine qui profite de ces crimes. London demande l’extradition de l’homme d’affaires Andreï Lougovoï, l’assassin présumé de Litvinenko, mais le parquet russe refuse d’obtempérer en invoquant la Constitution russe qui, comme c’est le cas dans la plupart des pays, interdit d’extrader ses propres citoyens. En revanche, les Russes ont proposé d’intenter eux-mêmes un procès, à condition que la Grande-Bretagne puisse fournir des éléments de preuve suffisants. Là-dessus, Londres a expulsé quatre diplomates russes, et Moscou leur a rendu la pareille.

Le principal motif de la campagne anti-russe menée par la Grande-Bretagne réside dans l’opposition de la Russie de Vladimir Poutine à l’idée d’un empire anglo-américain. Au cours des années 1990, le président Boris Eltsine avait accepté que son pays soit pillé par la finance internationale et que des « oligarques » comme Berezovski ou Gousinski deviennent milliardaires du jour au lendemain, tout cela au nom de la mondialisation. Vladimir Poutine, par contre, essaie de rétablir petit à petit le statut de puissance mondiale de la Russie. La croissance économique en juin a été de 10 %, et même de 15 % pour ce qui est du secteur industriel. Par conséquent, l’humeur du pays est en passe de changer complètement : alors qu’il y a quelques années, les protestations contre les réductions budgétaires n’avaient aucun répit, aujourd’hui, 80 % de la population soutient Poutine.

La nouvelle escalade de la campagne en Grande-Bretagne et dans les médias anglophiles est motivée aussi par l’initiative stratégique que le Président russe a lancée début juillet lors de son sommet avec George W. Bush, dans la résidence de la famille Bush à Kennebunkport. En effet, Poutine a proposé d’installer un système de défense anti-missiles américano-russe, sous la tutelle du conseil OTAN-Fédération russe, qui pourrait s’avérer le début d’un partenariat stratégique dans tous les domaines entre les Etats-Unis et la Russie. Quelques jours plus tard, le vice-premier ministre Sergueï Ivanov précisa qu’un système global de défense anti-missiles serait proposé, auquel tous les pays du monde pourraient participer sur un pied d’égalité.

Pour Londres, il s’agit d’une grave menace pour la relation spéciale entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni, fondée sur la mondialisation. Depuis, la Grande-Bretagne est passée à la vitesse supérieure, présentant Poutine comme un nouveau dictateur, torpillant le partenariat stratégique américano-russe et s’efforçant d’attirer dans son camp l’Europe continentale dans un conflit orchestré contre la Russie. Si de Gaulle vivait aujourd’hui, il aurait reconnu là « la perfide Albion ». Ou, comme le dit un commentateur de La Voix de la Russie : « Il y a quelque chose de pourri dans le Royaume uni ! »

Un Etat policier aux Etats-Unis

Dès le retour de George W. Bush de Kennebunkport, le vice-président Dick Cheney s’est empressé de rétablir son emprise sur lui. Bien que le Président américain ait tout d’abord exprimé son intérêt pour l’initiative russe - reflétant la pression exercée par son père qui était, lui aussi, présent au sommet -, dès sa prochaine conférence de presse, il avait déjà retrouvé son rôle de va-t-en-guerre, attaquant l’Iran, la Syrie, le Hamas et le Hezbollah. Retombé sous l’influence de son vice-Président, Bush se montra incapable de reconnaître la situation catastrophique en Irak, malgré les menaces émanant de son propre camp (« Nous maintenons le cap »).

L’ancien sous-secrétaire aux Finances du gouvernement Reagan, Paul Craig Roberts, vient de lancer un avertissement solennel : le président Bush a déjà signé les ordres nécessaires pour transformer les Etats-Unis en Etat policier, suite à la déclaration d’un état d’urgence - qui pourrait suivre un attentat terroriste orchestré. Comme le note Roberts, il est notoire que les Etats policiers montent de toutes pièces des attaques sur leur propre territoire, en les attribuant à l’ennemi, pour parvenir à des fins autrement irréalisables. « A moins que le Congrès ne destitue immédiatement Bush et Cheney, les Etats-Unis pourraient devenir, d’ici un an, un Etat policier en guerre contre l’Iran », écrit l’ancien membre du gouvernement Reagan.

C’est exactement le même argument invoqué par Lyndon LaRouche dans son appel aux démocrates, qui pensent pouvoir attendre les élections de novembre 2008 pour obtenir le départ de Bush et Cheney, sans se rendre compte de tout ce qui peut changer d’ici là. Sans destitution, il pourrait très bien ne pas y avoir d’élections, si les plans de Cheney et Cie se réalisent. L’acuité du danger de guerre a été soulignée par le chroniqueur Pat Buchanan qui, comme LaRouche, met en garde contre les « canons d’août », une référence au livre de Barbara Tuchmann sur la Première Guerre mondiale, qui éclata en août.

La guerre en août ?

Une guerre contre l’Iran en août n’est pas à exclure du fait que le Congrès sera en congé. Mais un nouvel incident de type « Golfe de Tonkin » a peut-être déjà été mis en place, puisque le général Kevin Bergner a accusé l’Iran, début juillet, d’être à l’origine de l’attentat de Kerbala qui tua cinq soldats américains en janvier 2007. Le Sénat américain vient d’approuver (à 97 voix contre 0), l’amendement proposé par le sénateur Joe Liebermann accusant l’Iran de complicité. Et le Congrès a enterré une résolution qui aurait obligé la Maison Blanche à obtenir l’approbation du Congrès, avant de lancer une guerre contre l’Iran. Dans ces circonstances, on se demande si les élus peuvent se permettre de prendre des vacances, laissant ainsi Bush et Cheney lancer une troisième guerre en Asie du Sud-Ouest.

La mèche d’une nouvelle guerre mondiale asymétrique est donc allumée - à moins que Cheney ne soit forcé de quitter le pouvoir et qu’un président Bush ainsi libéré ne réponde positivement aux propositions de Vladimir Poutine en vue d’une collaboration stratégique.

Jusqu’ici, George Bush ne semble pourtant pas disposé à revenir sur les projets d’installation d’éléments d’un bouclier antimissiles en Pologne et en République tchèque. Il en a discuté le 15 juillet avec le président polonais Kaczynski, lors de sa visite à Washington.

Le même jour, le chef d’état-major des Forces armées russes, Youri Balouïevski, a mis en garde la Pologne contre l’illusion de sécurité que ces systèmes pourraient créer. En réalité, ils représentent un danger pour tout pays où ils sont installés, car en cas de destruction de missiles, les débris et éléments tomberaient sur leur territoire. Les dégâts sont d’autant plus graves lorsqu’il s’agit de missiles dotés d’ogives nucléaires et d’armes de destruction massive. C’est d’ailleurs bien pour cela que les Américains cherchent à stationner ces systèmes le plus loin possible de leur propre territoire.

Le général Balouïevski a indiqué sur une carte les sites des bases militaires américaines, toutes implantées près des frontières russes et dirigées contre la Russie. C’est pourquoi les Russes parlent d’encerclement militaire. Ces questions touchent le continent européen tout entier et devraient être débattues au niveau multilatéral, estima le chef d’état-major russe dans son interview à Trybuna. Il y a des semaines déjà, le président Poutine a expliqué que le stationnement de ces systèmes en Europe de l’Est était inacceptable. Comme les missiles peuvent être très vite dotés de têtes nucléaires et atteindre Moscou en trois minutes, il s’agit d’une provocation stratégique très grave.

Manifestement, la Russie en a tiré les conséquences. Le porte-parole des forces aériennes russes a annoncé qu’un système de défense anti-missiles S-400-Triumph serait installé autour de Moscou fin juillet. La portée des missiles, 400 kilomètres, est deux fois celle des missiles américains Patriot.

Au-delà de la Russie

Cette stratégie d’encerclement ne concerne pas seulement la Russie, mais aussi la Chine et l’Inde, ce qui ne leur a pas échappé. « Les préoccupations russes au sujet de leur sécurité s’intensifient et il faut bien le comprendre », écrivait dans Le Quotidien du Peuple Wang Baofu, directeur adjoint de l’Institut chinois pour les Etudes stratégiques de l’Université nationale de la défense. La Russie perd patience, comme en témoigne le gel du Traité sur les forces conventionnelles.

Si les Etats-Unis devaient réellement attaquer, les historiens futurs verront dans les développements cités ici les prémices de la Troisième guerre mondiale. On déplace des pions sur un échiquier alors que la plupart des joueurs sont fous. Considérons, par exemple, le commentaire du néo-conservateur Bill Kristol dans le Washington Post, où il propose que les Etats-Unis s’attaquent aux réseaux d’Al-Qaida au Pakistan, sans prendre la peine de consulter au préalable le gouvernement pakistanais ! Que se passera-t-il si le Pakistan, sixième nation de la planète avec ses 164 millions d’habitants, tombe dans l’escarcelle des fondamentalistes ? Al-Qaida sévit aujourd’hui en Irak, alors que sous Saddam Hussein, ce réseau était inconnu. Et comment se fait-il qu’aucun gouvernement européen n’ait cru bon de démentir les déclarations de Avigdor Liebermann selon lesquelles les Européens soutiendraient une frappe israélienne contre l’Iran ?

Ici, en Europe, on ferait bien de suivre le conseil du général Balouïevski et de participer au débat sur l’ordre de sécurité futur pour le monde, puisque notre survie physique est littéralement en jeu. Jusqu’à présent, seuls le Premier ministre de Bavière, Edmund Stoiber, et le ministre azéri des Affaires étrangères Aras Asimov ont soutenu la proposition de Poutine de système anti-missiles conjoint. De son côté, l’ancien président américain Bill Clinton avait suggéré à Yalta, début juillet, de reprendre l’Initiative de défense stratégique proposée par Ronald Reagan en 1983 - proposition élaborée à l’époque par Lyndon LaRouche. Les hommes politiques qui n’ont pas de courage ou se laissent porter par le courant par opportunisme font partie du problème et non de la solution.

Il reste cependant l’espoir qu’aux Etats-Unis, le mouvement politique de Lyndon LaRouche mobilise suffisamment de pression en faveur de la destitution (ou de la démission) de Dick Cheney pour éviter la catastrophe. Selon les derniers sondages, la population américaine a une position beaucoup plus tranchée que ses représentants, puisque 54 % des Américains interrogés souhaitent que Cheney fasse l’objet d’une procédure de destitution, dont 76 % de démocrates et 17 % de républicains.

Dennis Kucinich, candidat présidentiel démocrate, qui a déposé une résolution à la Chambre prévoyant l’impeachment de Cheney, est accueilli par des applaudissements soutenus à toutes ses réunions publiques, pendant que ses concurrents choyés par les hedge funds ont été plus que discrets sur le sujet. Si Hillary Clinton devait se joindre aux efforts pour obliger Cheney à partir, elle pourrait très bien gagner la présidentielle. Si elle se refuse à le faire, il est permis de douter fortement de ses qualités de leadership.

Quoiqu’il en soit, ici sur le continent européen, nous devons faire clairement comprendre que la Grande-Bretagne ne parle que pour elle-même. Un débat sur les propositions du président Poutine est maintenant plus qu’urgent.