Editoriaux de Jacques Cheminade

EDF « libéralisée »

samedi 7 juillet 2007

Les éditoriaux de Jacques Cheminade sont publiés tous les quinze jours dans le journal Nouvelle Solidarité, sur www.solidariteetprogres.org ainsi que www.cheminade-le-sursaut.org.

Le fait que Nicolas Sarkozy ne soit pas un Président issu d’une dynamique intérieure à la France, mais l’émanation d’un conglomérat d’intérêts financiers internationaux, apparaît très clairement dans les politiques que suit notre pays vis-à-vis d’EDF.

Depuis le 1er juillet, la France a achevé le processus de libéralisation de l’électricité. Après les entreprises et les professionnels, l’ouverture à la concurrence est désormais appliquée aux particuliers. Il ne s’agit que de la stricte application des règles édictées par Bruxelles.

Le bilan de cette « ouverture », là où elle a été pratiquée, s’est avéré catastrophique. Entre 2001 et 2006, les prix du marché se sont envolés de 39 % en Espagne, 49 % en Allemagne, 81 % au Royaume uni et 92 % au Danemark. Chez nous, les entreprises qui ont choisi de quitter les tarifs réglementés de service public ont vu leur facture d’électricité augmenter en moyenne de 76 % au cours de la même période.

En clair, l’Etat, à partir du 1er juillet, s’est privé à terme du pouvoir d’exiger d’EDF le maintien de tarifs inférieurs à ceux du privé. EDF va donc pouvoir augmenter ses tarifs et réaliser de gros bénéfices - au détriment des consommateurs, en particulier les plus modestes. En ce qui concerne l’électricité, en effet, la loi sur les orientations de la politique énergétique, votée le 13 juillet 2005, ne garantit pas les tarifs bon marché au-delà du 1er juillet 2010. Auparavant, un abonné qui a renoncé aux tarifs réglementés ne pourra pas y revenir.

Il s’agit d’une politique de pillage : les clients d’EDF ont, pendant des dizaines d’années, déboursé en réglant leur facture les dizaines de milliards de francs et d’euros nécessaires au financement de la construction de nos 58 réacteurs nucléaires, qui permettent à EDF de produire à un coût inférieur de plus d’un tiers du prix actuel du marché. Cependant au nom de la dérégulation, Bruxelles prive ces anciens clients d’EDF du retour sur investissements que leur facture a financé. Qui en bénéficie ? EDF, et les actionnaires privés qui monteront en puissance dans son capital. C’est pourquoi l’action EDF a augmenté de 150 % depuis son introduction en Bourse, en 2006. Et aussi les nouveaux fournisseurs, comme Poweo, à qui on a laissé construire une centrale au gaz dont l’électricité pourra être vendue à EDF au prix fort, alors qu’EDF lui vendra son électricité issue du nucléaire à un prix bien plus faible.

Nous nous trouvons donc bel et bien face à un démembrement du service public (même prix et même traitement pour tous) dans le domaine de l’électricité comme, par ailleurs, dans celui de la sécurité sociale. La loi du plus riche et la loi du plus fort s’imposent ainsi plus que jamais avec Nicolas Sarkozy, en bon relais des marchés financiers. Telle est la France de 2007. Nous ne voulons plus qu’elle reste ce relais indécent. Elle peut devenir un exemple d’une logique qui ne soit pas la rentabilité financière à court terme, mais l’intérêt des êtres humains à moyen et long terme. Battons-nous pour qu’il en soit ainsi.