Les analyses de Jacques Cheminade

Socialistes, Réveillez-Vous !

vendredi 25 mai 2007

Par Jacques Cheminade

La situation politique est désastreuse. Parrainé par ses amis de l’oligarchie financière et leurs médias, Nicolas Sarkozy s’est emparé de la France. Le désastre n’est cependant pas un désastre français. Il s’agit d’un désastre mondial

Par Jacques Cheminade

La situation politique est désastreuse. Parrainé par ses amis de l’oligarchie financière et leurs médias, Nicolas Sarkozy s’est emparé de la France. Le désastre n’est cependant pas un désastre français. Il s’agit d’un désastre mondial. Nous devons donc mobiliser toutes nos énergies pour déjouer les manoeuvres de Nicolas Sarkozy mais surtout articuler notre politique intérieure avec un projet de politique internationale aux dimensions de l’effondrement économique, de la désintégration financière et de la dislocation sociale que le monde subit. Or que fait le Parti socialiste ? Il n’est pas en ordre de marche, comme le répète François Hollande, mais il a passé la marche arrière. La confusion des sentiments, des courants et des ambitions n’aboutit qu’à l’espoir d’empêcher Nicolas Sarkozy d’obtenir une large majorité aux élections législatives. De tels espoirs sont mortifères car ils n’ont jamais fait rêver ni vivre personne.

Ce qu’il faut à la gauche, c’est sortir du verbiage et des schémas pour passer à la réalité qui les engendre : établir d’où vient le désastre et entamer le combat pour faire face. C’est surtout rejeter une mentalité autodestructrice de perdant.

En ne prenant pas en compte les enjeux internationaux, en surenchérissant sur l’administration Bush-Cheney en ce qui concerne l’Iran, en ne comprenant pas le lien entre développement du nucléaire, vraie croissance physique et justice sociale, en demeurant attachée à la realpolitik mitterrandienne, Ségolène Royal a embourbé une campagne qui avait pour mérite de remettre en cause la tutelle des éléphants. Il ne faudrait pas que les législatives soient l’occasion de leur retour. Au contraire, nous espérons que la brèche ouverte par Ségolène apportera l’air frais du ressourcement dont le parti a besoin pour redevenir celui de Jaurès et de la Résistance.

Alors, tout redeviendrait possible. Imaginons que ses dirigeants expliquent qu’un nouvel ordre financier et monétaire international, s’appuyant sur le développement de l’Eurasie, de Paris à Pékin, est la seule voie pour échapper à l’effondrement et enclencher une logique anti-guerre par le développement mutuel. Imaginons qu’ils apportent tout leur soutien à ceux qui veulent tracer de nouvelles routes de la soie et construire un tunnel sous le détroit de Béring, unissant l’espace eurasiatique aux Amériques. Imaginons qu’ils dénoncent la politique de l’administration Bush-Cheney en montrant qu’elle mène aujourd’hui à la guerre et en désignant Nicolas Sarkozy comme leur complice. Imaginons qu’à partir d’une nouvelle politique de Pont terrestre eurasiatique, prenant avantage des déclarations de Poutine en faveur d’une politique rooseveltienne de grands travaux, les socialistes proposent un plan de paix pour toute l’Asie du Sud-Ouest, stabilisant Israël et la Palestine par un développement mutuel. Imaginons l’enthousiasme suscité par une telle approche lorsqu’ils montreraient que par elle, par son financement audacieux, les conditions indispensables à une politique de justice sociale en France même seraient créées, renversant le choix de la rigueur autodestructrice effectué en 1983. Imaginer cela, c’est prendre le taureau là où sont ses cornes et être réellement réaliste. Chercher au contraire à limiter les conditions de la défaite, ce n’est pas être réaliste, c’est être impuissant.

Le financement ? Ah, répondra-t-on, mais la France est trop endettée ! Ce n’est pas vrai : notre dette est pour moitié une dette entre Français, et notre taux d’épargne dépasse 15 %, alors que celui des Etats-Unis est négatif et celui de la Grande-Bretagne bien plus bas. Mais ce n’est pas là l’essentiel. L’essentiel est que seule la réouverture des guichets d’un crédit productif public, accompagnée d’une politique internationale fondée sur des taux de change stables, avec un contrôle de l’orientation des flux de capitaux, est capable de financer le développement de l’Europe et de l’Asie à l’échelle voulue, non pour que l’Asie prenne nos marchés, mais pour que soient créées les conditions d’un développement mutuel, avec des marchés organisés et intelligemment protégés. C’est interdit par Maastricht et par le fonctionnement de la Banque centrale européenne ? C’est précisément cela qu’il faut changer, pour que toute l’Europe arrête de se faire hara-kiri et de dégénérer dans un conglomérat d’Etats ingouvernables, ayant livré leur souveraineté nationale au féodalisme financier.

Le système financier et monétaire international doit être réorganisé pour arrêter les spéculations prédatrices. Les socialistes doivent proposer que la France mette ce défi sur la table du monde.

Il faut faire vite, donner l’impulsion très vite. Déjà, l’industrie automobile américaine se trouve détruite, et ce sera demain le sort de la nôtre si nous ne faisons rien. Les cadences infernales de M.Ghosn ne sont en rien une solution : les suicides de Renault-Guyancourt sont le premier signe de ce à quoi aboutit une « rationalisation financière ». Déjà, nos cliniques sont achetées par des fonds d’investissement et de pension qui entendent les rationaliser, c’est-à-dire traiter les maladies les plus chères des malades les plus riches. Il y aurait beaucoup d’autres « déjà » à mentionner ici. Cependant, l’essentiel est qu’avec l’environnement du crédit productif public, qui suppose aussi le retour de l’Etat avec un Plan (les oreilles et les yeux) et une banque nationale (les bras et les jambes), il faut montrer comment on peut inverser les politiques de Nicolas Sarkozy, dont les « réformes » ne profitent qu’aux plus riches.

On pourra ainsi sauver l’Hôpital public et la Sécurité sociale, se donner une Formation professionnelle digne de ce nom et une Education nationale avec une carte scolaire pourvue réellement de moyens. Car la carte scolaire, comme la police de proximité, ont échoué faute de moyens en faveur des quartiers les plus démunis. Une justice qui soit la même pour tous, un vrai pouvoir avec les moyens pour tous d’avoir un bon avocat, ce qui suppose de multiplier par quatre l’aide juridictionnelle, doubler le nombre d’inspecteurs du travail pour assurer le suivi de leurs constats, organiser une hausse des salaires dans le nouvel environnement économique productif ainsi créé : cela s’appelle la gauche, si ce mot a un sens.

C’est ce que nous entendons défendre aux assises refondatrices de la gauche, mais il faudrait se battre pour ce projet dès les législatives d’aujourd’hui. C’est ce que font nos candidats, en tant qu’éclaireurs. Car tout raisonnement en termes de positionnement, avec ou sans le centre, avec ou sans la gauche de la gauche, est stérile et exclut qu’on parvienne à une majorité d’idées. Il faut se battre avec un projet traitant les vraies causes des choses. Le gouvernement des riches, par les riches et pour les riches que nous nous sommes donné est destructeur ; il faut un projet pour rétablir le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. En haussant le ton. Car c’est le seul moyen de retrouver l’estime de nous-mêmes et de nous réapproprier notre pays.