Les éditoriaux de Jacques Cheminade

France

mardi 30 septembre 2003

Dans la situation internationale actuelle, ce qui va se passer aux Etats-Unis déterminera le sort du reste du monde. Le constater sans illusions ne signifie nullement que les autres pays doivent se conduire en spectateurs passifs. Tout au contraire, ils doivent peser de tout leur poids pour changer la politique de Washington.

En vue de cet objectif, le rôle de la France, aujourd’hui important, peut devenir demain fondamental. Nous sommes parvenus, en ce qui concerne l’Irak, à définir une juste politique pour le concert mondial des nations et à nous y tenir. Ce faisant, nous avons levé le tabou de l’alignement de principe de l’Allemagne sur les Etats-Unis, qui a si longtemps pesé sur les relations franco-allemandes. Paris et Berlin, avec Rome et sans doute Madrid, explorent les voies d’une initiative économique européenne de croissance, fondée sur le développement d’infrastructures, promouvant l’investissement dans la recherche et l’industrie et créatrice d’emplois qualifiés. Bref, par-delà les arrangements institutionnels de la Convention européenne, apparaît l’horizon d’un programme économique de bien commun.

Est-ce suffisant ? Non. Car il faut à la fois étendre ce programme vers l’Eurasie (Russie, Inde et Chine), en établir le financement nécessaire à la hauteur de nos ambitions et mobiliser les énergies en vue de son application. Ceci suppose des politiques intérieures cohérentes avec cette perspective, car les nôtres, toujours soumises à l’hypothèque néo-libérale, ne le sont pas, et l’adoption d’un horizon audacieux, en rupture avec plus de trente ans de pusillanimité.

Nous sommes au début de l’épreuve. Seuls le Pont terrestre eurasiatique et le nouveau Bretton Woods, que nous préconisons ici, peuvent nous permettre, avec le poids d’une Europe rassemblée, de franchir l’obstacle.

Le moment est-il propice ? Oui. Car les faucons américains, qui pourraient réagir contre nous, se trouvent affaiblis par les efforts de Lyndon LaRouche, la réaction de milieux institutionnels américains - notamment militaires - effrayés par leur extrémisme, et le retournement en cours de l’opinion d’outre-Atlantique, qui exige un retour à la régulation économique et le renoncement aux lois scélérates de John Ashcroft. Frank Lautenberg, sénateur démocrate du New Jersey, vient de publier un rapport du Congressional Research Service, mettant en cause le protecteur en chef des faucons, le vice-président Cheney. Il est prouvé que celui-ci a menti (à Meet the Press, le 14 septembre) sur ses opérations avec la société pétrolière Halliburton (détention de stocks-options, perception de salaires différés) en contradiction flagrante avec les critères éthiques fédéraux. Avec ses mensonges pour justifier la guerre contre l’Irak, les conditions sont réunies pour un scandale pire que celui du Watergate, aboutissant à sa destitution.

La France et l’Europe doivent immédiatement profiter de cet affaiblissement de leurs adversaires. Car l’histoire ne repasse pas ses plats.