Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Pour sortir de la guerre

mercredi 6 novembre 2002

« C’est le Président français qui constitue aujourd’hui le plus grand obstacle à l’ordre mondial », « plus que des snipers ou des terroristes tchétchènes », vitupère Tim Hames, dirigeant des Républicains d’outremer, dans le London Times du 18 octobre. Edward Luttwak, dans Le Point du 1er novembre, menace : « Il y aura des représailles américaines contre la position adoptée par Chirac aux Nations unies, de même qu’il y en aura contre Schröder, qui a fait sa campagne électorale sur notre dos. »

Cette levée de boucliers de divers représentants officieux de l’administration Bush est-elle justifiée ? Oui et non en même temps.

Oui, parce que jusqu’à présent, avec la Russie, la France a pris la tête de l’opposition à la « guerre préventive » de Bush. Oui, parce qu’une entente franco-allemande semble renaître, consacrée par l’accord sur la politique agricole commune, le 25 octobre à Bruxelles, et que cette entente prendra, si elle s’étend, une direction politique et économique nécessairement différente de celle de l’oligarchie anglo-américaine. Oui, parce que Tony Blair, le supplétif des va-t-en-guerre américains en Europe, s’est trouvé ainsi marginalisé, d’abord sur la question irakienne, ensuite sur la renégociation de la ristourne britannique (7,5 milliards d’euros remboursés à la Grande-Bretagne pour la seule année 2001). Ce dernier point est particulièrement important, car l’initiative de Jacques Chirac remet en cause « l’exception britannique » admise par ses prédécesseurs.

Non, fondamentalement non, car la France ne paraît pas prête à exercer son veto contre la « guerre américaine » au Conseil de sécurité des Nations unies. Ce qui ouvre la voie à un compromis exploitable par les faucons de Washington, en poussant à la faute le régime irakien par des exigences absolument contraires à sa souveraineté nationale.

Non, bien plus encore, car la France n’offre pas d’option de sortie de guerre. Il faut bien voir ici que cette guerre dépasse de très loin le cas particulier de l’Irak. Comme le ministre de la Défense américain, Donald Rumsfeld, l’a lui-même déclaré, il s’agit d’une réaction face à l’effondrement du système financier et monétaire. Le but est de mettre en place l’ordre militaire et policier d’un « nouvel empire américain » (Richard Haas) ou d’un « fascisme universel » (Michael Ledeen).

La seule vraie solution est que la France endosse la proposition de Lyndon LaRouche et de moi-même pour un nouvel ordre économique et monétaire international, un ordre de progrès et de développement mutuel, définissant, à la racine, un environnement durable anti-guerre.

Le gouvernement français est presque au milieu du gué ; s’il n’avance pas dans cette direction et s’il ne fait pas de cette avancée le fondement d’une politique franco-allemande renouvelée, il se condamnera à la soumission et à la « rigueur », perdant sa crédibilité internationale et le soutien des Français.