Brèves

Economie, destitution, Asie du Sud-Ouest : l’analyse de LaRouche

mardi 21 novembre 2006

Lors d’une conférence tenue le 16 novembre à Washington et retransmise en direct sur Internet, Lyndon LaRouche a évoqué l’effondrement économique qui arrive à grande vitesse, les perspectives de la nouvelle majorité démocrate au Congrès américain et la façon de sortir du bourbier de plus en plus désastreux en Irak. Nous présentons ici des extraits de sa présentation et du dialogue qui s’ensuivit.

 
Pour commencer par quelques observations, le sujet principal que nous évoquerons sera l’économie, qui demande effectivement beaucoup d’attention. Je vais rédiger ce week-end, en vue de sa parution dans l’EIR et d’autres publications, une étude sur l’économie américaine et la manière de la sauver. Elle a pour titre « Sauver l’économie américaine » et recoupera en partie ce que je vais dire aujourd’hui, mais d’une façon plus approfondie. (...)

Il y a trois sujets que j’évoquerai comme points de référence, avant de revenir sur l’un d’eux, qui est l’économie.

Tout d’abord, vous savez peut-être que Robert Rubin, l’ancien secrétaire au Trésor [du président Clinton], a tenu récemment des propos intéressants : sans aller jusqu’au bout, il a averti que nous sommes face à une crise immédiate - l’effondrement imminent du système monétaro-financier actuel - et il le dit depuis un certain temps. Toutefois, il n’a proposé aucun remède à cela, il s’est contenté d’indiquer la nécessité de reconnaître la réalité de la menace, qu’il a d’ailleurs minimisée.

Mais je ne le lui reproche pas, car Bob Rubin est un professionnel du monde bancaire, et c’est pourquoi il a été nommé secrétaire au Trésor. Il est très intelligent et très courageux, mais c’est un banquier, pas un homme politique. Ce n’est pas un chef militaire de terrain. Pour ma part, je penche plus dans cette direction, comme vous le savez.

Mais je suis d’accord avec lui sur ce point, lui à sa manière et moi à la mienne. Et je n’objecte pas le fait qu’il diminue l’importance du problème et qu’il ne propose aucune solution, à supposer qu’il en ait une. Parce que sa tâche est de faire avancer les choses, de bousculer les gens pour ainsi dire, afin qu’ils reconnaissent que l’état de santé de l’économie n’est pas florissant mais plutôt lamentable. Les 80 % des familles les moins riches aux Etats-Unis, et même 90 %, sont pénalisées. Par ailleurs, tous les Etats-nations d’Europe occidentale et centrale sont entrés dans un processus de désintégration. Il y a une légère reprise dans certains pays d’Amérique du sud, mais l’ampleur de la misère est massive. La situation en Afrique est indescriptible. Et si les Etats-Unis sombrent, comme je l’expliquerai, alors la Chine en fera autant, de même que l’Inde, et le reste du monde. Il ne s’agira pas d’une dépression, mais d’un effondrement général comparable à ce qui se passa en Europe au XIVème siècle, au cours de l’« âge des ténèbres ». A l’époque, la moitié des communes en Europe furent rayées de la carte et la population fut réduite d’un tiers, en l’espace d’une seule génération.

Aujourd’hui, nous risquons de connaître une telle situation à l’échelle globale. Je ne reproche donc pas à Bob Rubin ce qu’il a dit, parce qu’il essaie de réveiller quelques poids morts, de leur faire comprendre que la situation est mortelle et nécessite des remèdes forts et exceptionnels. Heureusement, ces remèdes existent, à condition que nous ayons la volonté de les appliquer.

Sur la question du retrait de l’Irak, on a une situation similaire. Nous sommes tous favorables au retrait d’Irak, je suppose. Mais son exécution pose certains problèmes pratiques. D’une part, nous devons nous assurer que l’engagement de partir est sérieux, qu’il n’est pas mitigé, ni conditionnel. Mais nous ne pouvons pas décamper comme ça. Comme l’ont fait remarquer des généraux opposés à la guerre : il faut adopter un processus pour parvenir à se désengager sans aggraver le désastre qui existe déjà, à cause de la politique de l’administration Bush. C’est pourquoi je suis d’accord avec ceux qui sont pour un retrait immédiat, mais aussi avec ceux qui réclament un plan de retrait à la hauteur des circonstances.

La procédure de destitution

Prenons une autre question du même ordre : certains démocrates au Congrès ne parlent pas d’impeachment. Pourquoi ? Ils y sont favorables, tout comme nous. (A part, bien sûr, quelques poids morts comme Joseph Lieberman, du Connecticut, qui se dit démocrate et qui a été élu avec des voix républicaines.) Mais, de manière générale, ils ont raison. Comme vous l’expliquerait par exemple le député John Conyers, qui devra présider la Commission concernée de la nouvelle Chambre, lorsqu’on met en accusation le Président, où on est juge et partie, on ne peut pas faire aussi fonction de procureur, dès le début. Il faut appliquer la procédure en bonne et due forme ; on ne peut se permettre de bafouer la loi ni le droit à un procès équitable, même lorsque l’on vise un objectif nécessaire.

Cependant, nous, qui ne sommes pas membres de la Chambre ni du Sénat, nous avons la responsabilité d’exiger les destitutions que nous savons nécessaires, à commencer par celle de Dick Cheney. A nous, donc, de faire pression ; à eux de faire avancer la procédure. Tant que leur progression correspond à nos pressions, l’affaire s’annonce à peu près bien.

Voilà la nature de la fonction de leadership : on a une perspective stratégique de ce qu’il faut faire, une compréhension du problème à résoudre. Mais on doit aussi respecter la procédure, de façon à ne pas détruire l’objectif visé avant de l’avoir atteint. (...)

Il y a une autre raison, sur laquelle je reviendrai. Mais le fait est que Bob Rubin n’a pas de solution. Aucune des autorités financières importantes, et bien intentionnées, que ce soit aux Etats-Unis, en Europe occidentale ou plus généralement dans le monde, n’a la moindre conception de comment résoudre la crise monétaro-financière internationale et la crise physique qui s’abattent sur nous. Aucune ! Mais moi, j’en ai une. Par conséquent, il est de mon devoir d’expliquer franchement quelle est la solution et d’identifier la nature du problème auquel on doit administrer ce remède, ce médicament, afin de guérir le malade. Si nous ne prenons pas certaines des mesures que je sais être nécessaires, en tentant de traiter la crise, nous allons aggraver le problème. Et si nous aggravons ce qui est déjà une crise bien plus grave que celle de la période 1929-33, nous entrerons dans un âge des ténèbres. (...)

C’est à moi qu’il appartient de dire quelles mesures prendre, parce que les autres ne savent pas quoi faire. Même Bob Rubin, qui est l’un des plus intelligents aux Etats-Unis, ne le sait pas. L’ancien président Bill Clinton non plus, ni les dirigeants des commissions du Congrès. Les meilleurs d’entre eux sont prêts à faire quelque chose, mais ne savent pas quoi. Mon rôle est de leur expliquer la solution. En espérant qu’ils seront d’accord, pour le bien de nous tous et des générations à venir.

Dénonçant virulemment le système oligarchique ou impérial, LaRouche a fustigé les dirigeants démocrates qui ont courtisé les 3 % les plus riches de la population, dont les amis de Felix Rohatyn, pour qu’ils financent la campagne du parti, tout en ignorant le reste de la population.

Alors que la préoccupation du politique doit se porter sur les 80 % des ménages les moins riches - leur niveau de vie, leurs conditions de vie et l’état des communes dans lesquelles ils vivent. (...) Regardez ce qui a permis de gagner cette élection. Notre rôle, en particulier le rôle du Mouvement des jeunes larouchistes, a été décisif dans les dernières semaines de la campagne pour assurer la victoire du Parti démocrate. D’où sont venues les voix ? En grande partie, de jeunes de 18 à 29 ans et d’une forte participation de ceux âgés entre 25 et 35 ans. C’est une couche de la population à laquelle la campagne démocrate officielle ne s’est pas du tout adressée. Les dirigeants l’ont tout bonnement ignorée.

C’est là que nous avons joué un rôle, et nos jeunes y sont allés très fort. Nous avons déclenché une réaction parmi la population générale, grâce aux méthodes utilisées pour créer un effet de masse. Il ne s’agit pas de « conversions » personnelles, mais d’un effet de masse. On propage des idées. On déploie ses forces de façon à disséminer des idées parmi la population. Ceux qui les trouvent attractives améliorent entre eux leurs relations sociales, et ceux qui ont développé de meilleures relations à cause des idées deviennent influents dans la communauté. Voilà ce qui s’est passé !

Une stratégie de sortie d’Irak

La première question a été posée par un groupe d’officiers à la retraite, récemment entré en contact avec le mouvement politique de Lyndon LaRouche :

« Le rapport de la Commission Baker-Hamilton doit être rendu public bientôt. Certains d’entre nous aux Etats-Unis se sont dits préoccupés par la possibilité que des considérations politiques intérieures puissent l’emporter sur une approche stratégique globale à la crise irakienne, qui évolue rapidement vers une guerre civile sectaire, voire pire. Comment répondriez-vous à cette préoccupation, et quelles mises à jour ou modifications comptez-vous apporter à votre doctrine pour l’Asie du Sud-Ouest, élaborée en 2004 ? » Un extrait de la réponse de LaRouche :

Ce n’est pas une simple question militaire, c’est une question stratégique du plus haut niveau ! Nous sommes arrivés au point où il n’est plus possible de mener une guerre générale. Nous sommes dans l’ère des armes nucléaires et les conceptions stratégiques traditionnelles ne fonctionnent plus, à part pour la défense, dans certaines situations particulières. On peut se défendre, mais on ne cherche pas à faire durer la guerre, on veut y mettre fin le plus rapidement possible. Après, on rentre ! De l’autre côté, l’une des raisons pour lesquelles la guerre traditionnelle ne fonctionne plus, c’est la guerre asymétrique, la guerre irrégulière à une échelle de masse. Aucune force militaire ne peut tenir comme force d’occupation permanente face à ce type de guerre asymétrique.

Les Israéliens ont été battus au Liban à cause de la guerre asymétrique. Certes, ils ont bombardé massivement, avec leur puissance aérienne, mais que faire ? C’est sur le terrain que les gens vivent, pas dans un avion. A quoi s’est heurtée l’Union soviétique, en Afghanistan ? A la guerre asymétrique. Et les Etats-Unis en Indochine ? A la guerre asymétrique. Et en Irak, c’est une guerre asymétrique aggravée, compliquée par le fait que l’idiot qui était aux commandes lorsque les Etats-Unis contrôlaient encore la situation, a démantelé l’armée irakienne et le parti Baas. Au regard des règles militaires courantes, Bremer a tout faux : normalement, on accepte la reddition, on coopte les forces du pays qu’on vient de battre, on les laisse diriger le pays dans le cadre d’un accord destiné à déboucher sur un traité de paix. On n’essaie pas d’obtenir un changement de régime. C’est le changement de régime qui a rendu inévitable la guerre asymétrique. Nous perdons en Palestine et en Israël, la situation est de plus en plus impossible. Nous nous trouvons devant la perspective d’une guerre sunnite-chiite dans la région, entraînant une déstabilisation maximale.

Nous devons donc passer à un niveau supérieur, au-dessus des questions militaires. Bien sûr, il faut une politique de sortie. Mais nous devons engager toute la région d’Asie du Sud-Ouest dans une approche de sortie globale. Cependant, tant que l’actuel président des Etats-Unis sera au pouvoir, ce sera impossible. Les généraux ont raison, d’une certaine manière, mais cela ne marchera pas tant que ce Président restera. Non seulement lui, et Cheney, mais tout son appareil, déjà profondément ancré dans les institutions de gouvernement des Etats-Unis ; il va falloir beaucoup de travail pour se débarrasser des rats qui ont été introduits dans l’administration Bush. Ils y sont maintenant depuis six ans, ils ont déposé leur poison, détruit des institutions et semé des agents partout. En outre, les Etats-Unis ne seront pas respectés dans le monde tant que Bush restera Président et que Cheney restera influent. Si les Etats-Unis veulent faire quelque chose en Asie du Sud-Ouest, ils doivent vider cette peste de la Maison Blanche et se donner un porte-parole crédible ! (...)

Je participe à l’exploration des options diplomatiques. Que devrions-nous faire ? Nous devrions négocier directement avec l’Iran, non pas sur de quelconques conditions, mais du point de vue d’une relation diplomatique générale. Cela permettrait de changer la dynamique. Nous devons présenter le problème à la Turquie, parce que c’est nous, dans un sens, qui créons le problème du Kurdistan. Nous devons dire fermement aux Israéliens qu’ils doivent conclure un accord avec les Palestiniens, dès maintenant. Point final. Il faut être aussi dur sur le plan diplomatique, à cet égard, qu’on le serait dans une guerre. Si l’on est suffisamment ferme, pour la bonne cause, on peut gagner la guerre sans avoir à la mener.

Pour ce qui est du désengagement, le problème est de réunir les facteurs nécessaires pour le faire. A mon sens, la situation s’est détériorée au point où une simple procédure ne marchera pas. Il n’est désormais plus possible de rallier les forces de la région autour d’un accord permettant de désengager les forces américaines d’Irak. (...) Il faut donc changer la dynamique dans cette région, et je crois que nous pourrons le faire. Nous pouvons y arriver avec la Russie, avec l’Allemagne, (avec la France, c’est plus difficile), avec la Turquie, en négociant un accord diplomatique ouvert et global avec l’Iran, sans conditions. On y fait entrer l’Inde, le facteur pakistanais aussi. Il faut éviter de créer un désastre au Darfour, comme le prévoient certains : on évite la déstabilisation de l’Egypte. Et nous devons imposer au gouvernement israélien une paix palestino-arabo-israélienne. Nous allons l’obtenir ! (...)

On a raison de vouloir le retrait d’Irak, mais lorsqu’on commence à définir une alternative, on se trouve devant un sacré problème : on se dit qu’avec ce Président et ce vice-Président au pouvoir, on n’y arrivera jamais. De l’autre côté, on a la proposition Baker-Hamilton, qui soulève d’importants facteurs à prendre en compte, et en ce sens, elle est positive. Mais sommes-nous véritablement prêts à gagner la guerre, et pas seulement à faire semblant de faire un geste en ce sens ? Il faut avoir les tripes de réfléchir à fond à cette question. Je pense qu’on pourra le faire. Si j’étais Président des Etats-Unis, je le ferais, mais je le suis pas. Voilà le problème !