Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Humanisme

vendredi 26 juillet 2002

Dans sa déclaration de politique générale du 3 juillet, M. Raffarin s’est réclamé avec insistance des « valeurs de l’humanisme ». N’a-t-il pas affirmé qu’il se bat pour une « Europe des hommes », à l’écart de ce tout-libéralisme et de ce tout-marché qui inspirent l’Europe de Maastricht ? Ami et lecteur de Luc Ferry, il repousse à la fois un étatisme stérile et un individualisme asocial. Il vise à intégrer tous les citoyens dans un projet « respectueux de la personne humaine « .

Mais que valent ces belles phrases face à la réalité ?

Joseph Stiglitz, ancien conseiller de Bill Clinton, montre où le bât blesse. Dans un entretien au Nouvel Observateur, il indique sans ambages que pour mettre en oeuvre ce dont nous parle M. Raffarin, les hommes politiques européens devraient « défier le Fonds monétaire international (FMI) ». Or aucun ne l’ose, car « s’attaquer aux décisions du FMI, c’est s’opposer au département du Trésor américain, donc au ministère des Finances, qui grâce à son droit de veto dirige de fait le Fonds ». « Proposer publiquement » sa remise en cause, « ce serait initier une crise diplomatique majeure avec Washington. Et ce risque, personne ne veut le prendre . »

Fidèle aux principes qu’il énonce, M. Raffarin devrait être le premier à relever le défi. Face à un krach financier historique, aux énormes scandales comptables, au nouvel impérialisme américain et à sa fuite en avant militaire, comment réagit donc le nouveau gouvernement ?

M. Chirac, le 14 juillet, fixe « trois grands chantiers » à son second mandat : sécurité routière, lutte contre le cancer et insertion des handicapés. Humain et consensuel. Mais rien sur l’Europe, rien sur la politique internationale de la France, rien sur les défis à la mesure d’un Président de la République. Pendant ce temps, M. Francis Mer fait envoyer aux banques d’affaires de la place de Paris des appels d’offre sur l’ouverture du capital d’EDF et de GDF, ainsi que sur onze autres entreprises cotées. La grosse machine des privatisations est mise en marche. EDF se voit autorisée à augmenter ses prix vis-à-vis des consommateurs français pour mener une stratégie internationale de prédateur financier. M. Perben présente un projet de loi qui permettra l’emprisonnement des mineurs à partir de 13 ans ; on élargit l’outil répressif sans s’attaquer aux causes réelles du phénomène et sans améliorer les conditions de détention. On réduit de 5 % l’impôt sur le revenu, favorisant les plus riches, tandis que 1172 ex-Moulinex restent toujours sur le carreau et que La Poste commence à fermer ses centres de tri. M. Chirac, lui, confie benoîtement son statut pénal à 12 « sages » qu’il a nommés, tous favorables à l’immunité.

Autant de mesures qui laissent mal augurer du courage politique nécessaire pour affronter le FMI...

Un catalogue de généralités ne peut en aucun cas tenir lieu de projet. Ici, au contraire, notre rôle est de définir un dessein collectif à la hauteur du rôle de notre pays. Et à nous battre pour lui. Car le mot « humanisme » mérite un contenu mobilisateur.