Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Zéro

jeudi 27 juin 2002

C’était hier : les Bleus arrivaient en Asie avec grand bruit et grand fracas, Zizou-Volvic en tête et Barthez-shampoing en queue, on allait voir ce qu’on allait voir et TF1 toucher le jackpot. Début juin, patatras ! Tout ce beau monde reflue en France sans avoir gagné un seul match, sans avoir marqué un seul but, ni avec le pied, la tête, l’épaule, la fesse ou même la main, zéro, zéro pointé, une fois, deux fois, trois fois zéro.

Aujourd’hui, l’été venu, sous les applaudissements médiatiques fatalement réservés au vainqueur, une Chambre bleue rentre sur le terrain avec une modestie calculée. Raffarin-Jacques Vabres et Chirac-Téfal ont dégagé l’horizon : avec 33 % des suffrages au premier tour, l’UMP obtient 65 % des sièges au second, tandis que l’abstention atteint 39 % et que 51,7 % des électeurs de la présidentielle (ceux de Le Pen, Mégret, Besancenot, Laguiller, Saint-Josse, Lepage, Chevènement, Mamère et Hue) se trouvent refoulés à 25 sièges. Les aiguilleurs de voix et de signatures d’élus tiennent bien un ciel électoral d’où la comète Le Pen a « disparu ».

Il ne nous resterait donc plus qu’à oublier les vaincus et saluer les vainqueurs.

Voire. Car il y a bel et bien un seul et même état de disgrâce qui plane sur l’hexagone. Contrairement à l’équipe nationale de football, la chambre bleue est presque exclusivement composée de Blancs et aucun député musulman n’y siège. L’équipe rentrée sur le terrain politique est donc bien moins complète que l’autre. En Corée, nos joueurs étaient rassasiés et starisés par trop d’honneurs officiels et trop d’argent facile, avec une tactique plus téléphonée que la baisse des actions de France-Télécom. Au Palais Bourbon, plus des deux tiers des élus ont déjà eu des membres de leur famille employés dans la maison, et les émigrés de Coblence - les Olivier Dassault, Jean-François Mancel, Alain Marsaud, Jean Kiffer ou Henri Novelli - ne sont plus de première fraîcheur. Juppéistes jusqu’aux godillots, ils parcourent le terrain avec des airs avantageux, promettant de mettre le ballon dans les filets sécuritaires alors que depuis plus de vingt ans, ils tirent à côté de la cage. Majorit&eacute : Balladur, Juppé, Gaudin, Debré. Opposition : Fabius, Lang, DSK. Projet mobilisateur : zéro. Nouveaux joueurs : quasiment pas de salariés du secteur privé ni d’entrepreneurs.

Il faudra pourtant jouer dans les conditions extrêmes de la crise financière mondiale, de la fragmentation sociale et du maccarthysme qui monte aux Etats-Unis.

Espérons, contre tout espoir, que face au défi, l’opposition se refonde et la majorité actuelle, contrairement à celle de la « gauche plurielle », défende au moins ceux qui l’ont élue. Pour notre part, nous sommes prêts à aiguillonner l’équipe en place et sa remplaçante, et même à les encourager, si elles se réveillent. Sans opportunisme personnel car il y a urgence, mais sans complaisance, en affûtant en même temps la « troisième équipe ».