Les éditoriaux de Jacques Cheminade

En passant par la Lorraine...

vendredi 8 mars 2002

J’étais hier soir, le 1er mars, à une réunion de mes amis lorrains qui se battent depuis plusieurs années et qui ont tenu 172 jours sur le toit de la mairie de Moyeuvre-Grande, pour que justice soit faite aux victimes d’affaissements miniers. Avec un immense plaisir, j’y ai rencontré un esprit combattant, d’hommes et de femmes qui savent dire « non » à l’intolérable et refusent de se soumettre aux pouvoir établis, avec les moyens démocratiques de la non-violence organisée.

Je pensais à eux en lisant ce matin l’entretien d’Hubert Védrine paru dans Libération, lui aussi le 1er mars. Il y dénonce une nouvelle fois »l’unilatéralisme américain » et exprime la « perplexité » de l’Europe face à la politique de l’administration Bush. C’est bien, et c’est surtout mieux que Jacques Chirac, qui assure en bon saboteur du gaullisme que la France et les Etats-Unis sont « exactement sur la même ligne » dans la lutte géographiquement et politiquement indéfinie contre le terrorisme-prétexte. « Nous acceptons toutes leurs demandes », a déclaré le bon élève, lors d’une conférence de presse commune avec le chef du gouvernement provisoire afghan, Hamid Karzaï, l’ex-agent sur place de la compagnie pétrolière Unocal.

Védrine nous offre donc de belles paroles. Mais ce n’est plus assez. Nous attendons des actes. Par exemple, des coopérations industrielles avancées dans des buts de défense et de développement de l’économie civile entre Etats européens. Par exemple, une grande politique européenne de « paix par le développement mutuel », brisant les barreaux de la cage de Maastricht et du pacte de stabilité européen. Les paroles coulent, rien ne vient encore.

Alors, ceci a-t-il quelque chose à voir avec les sinistrés de Lorraine ? Oui, absolument. Car là aussi l’Etat français a livré quelques belles paroles et indemnisé, jusqu’à présent, mal ou pas du tout. Comment ? En offrant 126 000 francs pour une maison de sinistré ! Comment ? En s’apprêtant à livrer l’eau déversée dans les mines à Vivendi-Environnement et à torpiller les régies municipales du traitement de l’eau dans le bassin thionvillois.

Il et vrai que le député Jean-Yves Le Déau a écrit un excellent rapport d’évaluation au gouvernement, exigeant le remboursement des sinistrés au prix réel de leur bien, et tout de suite, en reconsidérant l’évaluation malhonnête des Domaines.

Reste que cet homme a parlé parce que le combat a été et reste mené par les victimes, pour dénoncer la magouille financière de Vivendi et les relations incestueuses entre milieux financiers et Etat, en réaffirmant sans jamais se décourager que « l’Etat qui a cassé doit payer ».

M. Védrine et les dirigeants français, qui savent ce qui se passe dans nos régions, en France et dans le monde, devraient peut-être passer par la Lorraine, pour prendre exemple d’un courage agissant.