Les analyses de Jacques Cheminade

Areva perdant en Chine&nbsp : la défaite du mitterrando-chiraquisme

mardi 21 mars 2006, par Jacques Cheminade

Les analyses de Jacques Cheminade sont publiées tous les quinze jours dans le journal Nouvelle Solidarité, sur www.solidariteetprogres.org ainsi que www.cheminade2007.org, et consitutent le principal regard du candidat à la présidentielle de 2007 sur l’actualité française et internationale.

Il semble bien, comme l’a annoncé le journal Les Echos, qu’Areva ait perdu l’appel d’offres lancé par la Chine pour la fourniture des quatre premiers réacteurs de la troisième génération. L’entreprise française, leader mondial du nucléaire civil, aurait perdu le contrat au bénéfice de son concurrent direct, l’américain Westinghouse, racheté depuis janvier par le japonais Toshiba.

Les principales raisons de cette défaite sont révélatrices de la faiblesse et de l’incohérence de notre politique économique et de notre politique étrangère.

  1. Westinghouse aurait fait le choix de céder intégralement les plans de son réacteur AP1000 aux autorités chinoises. Areva n’a au contraire voulu transférer qu’une partie de sa technologie. Il semble que nous ayons été incapables de mettre au point une formule d’entente avec les Chinois, qui veulent de plus en plus contrôler les cycles industriels et technologiques, comme il est naturel dans un pays qui se développe.
  2. Areva et les autorités françaises auraient pu engager une discussion élargie en incluant dans les négociations d’Etat à Etat, parallèles à l’appel d’offres, les réacteurs HTR (à haute température) de la quatrième génération. Le problème est qu’Areva et l’ensemble du lobby nucléaire français veulent exploiter ce qui existe, sans prendre le risque d’explorer des technologies nouvelles plus efficientes, risque pris par les Chinois ou les Africains du Sud !
  3. Face à une politique étrangère française de plus en plus à la remorque de l’administration Bush-Cheney, les autorités chinoises ont préféré l’original à la photocopie.

Il est parfaitement désolant qu’on en soit arrivé là. Car le vainqueur de cet appel d’offres sera sans doute le principal partenaire de la Chine pour développer son parc nucléaire futur (au moins trente réacteurs), appelé à devenir le plus vaste du monde. D’autant plus désolant qu’on vient d’apprendre qu’Areva a nommé à la direction de sa filiale états-unienne Spencer Abraham, ancien secrétaire à l’Energie de l’administration Bush et co-fondateur de la Federalist Society, une société de « réflexion » de la droite impériale américaine inspirée par les conceptions du juriste du Reich nazi, Carl Schmitt. Anne Lauvergeon, présidente d’Areva et ancienne protégée de François Mitterrand, vante sa « connaissance et son autorité uniques ».

Les méthodes de l’Etat mitterrando-chiraquien atteignent ainsi le point où le cynisme moral rejoint l’incompétence politicienne.