Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Schizophrénie française

lundi 19 février 2001

Une schizophrénie suicidaire frappe la classe politique française. La gauche et la droite officielles, qui se sont toutes deux engagées dans le système financier anglo-américain, ne veulent pas voir venir sa crise finale. Elles refusent de revenir à l’économie réelle comme ces convertis de fraîche date qui s’accrochent à leurs nouvelles croyances contre tous les témoignages de leur raison. Le pire est que ceux qui les critiquent soit s’égarent dans un anarcho-malthusianisme suicidaire, préférant leurs états d’âme romantiques et des actes irresponsables à un projet cohérent, soit proclament - comme le fait un Jean-Pierre Chevènement - que seules des circonstances extérieures, après un certain temps et même un temps certain, pourront nous permettre d’éventuellement changer l’ordre des choses.

Aucune volonté ne s’exprime, personne n’est là pour « prendre l’imprudence comme méthode de pensée ». Le pire est de voir des « auteurs brillants » , des « gens majoritairement de gauche », exiger au pire moment que la réforme libérale aille en France jusqu’au bout. Roger Fauroux et Bernard Spitz (Notre Etat, Robert Laffont), avec le pire travers de notre idéologie, c’est-à-dire en accumulant des critiques justifiées, parviennent à une solution d’ensemble désastreuse, faute d’une idée claire sur ce qui se passe dans le monde.

Car les facteurs de la crise ne sont pas en France, dans notre Fonction publique ou ailleurs. Ils sont à l’échelle de plus de trente ans d’erreurs dans le monde, adoptées chez nous comme parole d’évangile. Même les Laurent Mauduit, dans Le Monde, les Olivier Blanchard, dans Libération, ou les Daniel Cohen, encore dans Le Monde, qui ne sont pourtant pas des esprits caustiques et hardis, s’aperçoivent qu’il ne s’agit pas aujourd’hui d’un « trou d’air » en France ou d’un « trou conjoncturel » aux Etats-Unis. Ce qui se passe en Californie, dans les télécoms, dans toute la « haute technologie » nord-américaine et européenne, sur l’ensemble des marchés financiers, est désormais de nature à réveiller les morts.

C’est à croire que nos « responsables » sont plutôt des sépulcres blanchis. Ils ne voient pas le rôle que la France, si elle combattait pour défendre sa souveraineté et celle des autres, pourrait jouer dans le monde. Ils ne voient rien, parce que leurs yeux sont tournés vers leur passé ou leur nombril. Ici, nous voyons avec les yeux du futur.

P.S. : Comme je finis d’écrire ces lignes, Washington et Londres viennnent de bombarder des installations irakiennes sans même nous en avoir avertis. Par-delà le Moyen-Orient, nous nous trouvons bien face à un défi d’ensemble à relever.