Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Euro-11 et système monétaire international

vendredi 9 juin 2000

A l’occasion de la conférence monétaire internationale (CMI) qui s’est tenue à Paris, Jacques Chirac, Lionel Jospin et Laurent Fabius ont proclamé leur volonté de renforcer le rôle de l’Euro-11, c’est-à-dire la coordination économique et monétaire à l’intérieur de la zone euro. Accueillie « avec réserve » à Londres et au siège de la Banque centrale européenne (BCE), cette volonté inspirera des propositions concrètes que M. Fabius rendra publiques, soit au mois de juin, lors du sommet franco-allemand de Mayence, soit début juillet, lorsque la France prendra la présidence de l’UE.

Il s’agira sans doute de transformer la présidence de l’Euro-11, dont le mandat serait rallongé, en voix politique de l’euro. Le principe - autorité politique, à partir d’une « coopération renforcée » franco-allemande, sur les organes financiers et monétaires (BCE) - est juste. Cependant, en prétendant insérer ce principe dans l’ordre international actuel, sans réflexion approfondie sur un contenu répondant aux défis de l’époque, nos dirigeants se condamnent à l’échec.

Ils font « comme si » des réformes institutionnelles pouvaient être une solution, sans définir les actions concrètes nécessaires pour faire face à l’effondrement du système. Ils entendent ainsi que le nouveau Comité monétaire et financier international du FMI soit « le véritable organe de direction stratégique » de l’économie mondiale (M. Jospin) et « reconnaissent désormais qu’il est de leur intérêt commun que l’OMC soit forte » (Pascal Lamy, commissaire européen chargé du commerce, à Lisbonne).

Or ce n’est pas dans de vieilles outres qu’on peut faire du vin nouveau. Les réformes de l’Euro-11 ne peuvent avoir de sens que si elles constituent un pas vers un nouveau Bretton Woods, c’est-à-dire une révolution dans l’ordre financier et monétaire international.

Pour cela, le contenu concret doit être défini : l’émission de crédits à long terme et faible taux d’intérêt pour de grands projets infrastructurels, afin de remettre les économies européenne et mondiale sur pied. L’objectif est de sauver l’économie productive - travail et industrie - de la désintégration monétaire et financière, et d’établir un ordre politique juste qui arrête net les dérives vers un nouveau type de fascisme. Les intérêts spéculatifs doivent, pour cela, être mis en règlement judiciaire, et les banques nationales coordonner la politique de crédit pour le développement. Sans nettoyage des comptes, en effet, il n’y a pas de place pour un renouveau.

Nous sommes loin de cette perspective. Les dirigeants français et leurs collègues européens qui se disent « de gauche », devraient enfin tirer les conséquences de ce qui se passa après 1929. Refonder un projet politique, par delà les soumissions, les compromissions et les adaptations passées, est le défi à relever.