Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Jospin II

vendredi 7 avril 2000

Lionel Jospin vient donc de recycler deux éléphants du mitterrandisme - Jack Lang et Laurent Fabius - en compagnie d’un nouveau Vert, d’un nouveau communiste, d’un vieux PRG et de trois socialistes dont un de la Gauche du même nom. Cet inventaire à la Prévert indique deux choses. La première est que le Premier ministre ressoude la famille socialiste - mieux vaut qu’ils soient dans le magasin plutôt qu’ils cassent de la porcelaine dehors - et témoigne de sa bienveillante attention aux partenaires de la « gauche plurielle » en vue des échéances électorales. La seconde est bien plus dangereuse : Jospin se condamne ainsi ou bien à l’immobilisme stratégique d’ici 2002, ou bien, pire encore, il installe un « euroblairisme » au sein même de son gouvernement.

En effet, Laurent Fabius multiplie depuis des mois des prises de position plus proches de celles de Tony Blair que de Lionel Jospin. Il a tour à tour prôné la généralisation des stocks-options, défendu la création de fonds de pension (pardon, de « fonds partenariaux de retraite »), appelé à une baisse des impôts généralisée qui favoriserait les plus aisés, ce que n’ose même pas faire la droite, refusé une progressivité de la CSG qui favorise les plus démunis et suggéré un système d’intéressement des fonctionnaires indexé sur les économies réalisées dans les administrations. L’ensemble est tout à fait cohérent : Fabius partage le credo des libéraux (par exemple, d’un Guy Sorman), suivant lequel la France souffre de « rigidités structurelles » et « étouffe sous le poids des dépenses publiques ». Electoralement, il pense, comme Al Gore ou Tony Blair, que les élections se gagnent « au centre, avec les classes moyennes ». Evidemment, lesté de ce boulet, Jospin ne combattra pas, pendant deux ans, la ligne fixée par les Quinze à Lisbonne (cf. notre article en première page).

Le veut-il même ? L’on peut en douter si l’on croit, avec le bras droit de Laurent Fabius, Henri Weber, que « Lionel et Laurent sont tous les deux obnubilés par la nécessité de réussir le passage à la société de l’information ». Ce serait tragique que ces deux hommes s’accordent ainsi sur un dangereux fantasme, sans rien comprendre à la différence entre économie physique et économie virtuelle.

Le plan de travail pour la présidence française de l’Union européenne, de juillet à décembre, laisse lui aussi mal augurer d’une quelconque volonté de résistance. Ne serait-il pas temps de rappeler à Jospin son discours de Malmö, juste après sa victoire ? Contre les palinodies de l’économie virtuelle et du « faux-cul » social, l’Europe et l’Eurasie des grands travaux reste au contraire ici notre horizon. C’est le meilleur outil pour convaincre les Français et gagner.