Les éditoriaux de Jacques Cheminade

8 mai

mardi 17 mai 2005

Le 8 mai 1945, jour de la capitulation nazie, a pris cette année un sens, en France et dans le monde, que personne n’aurait prévu il y a trente ans. Valéry Giscard d’Estaing avait alors décidé - sans succès - d’en supprimer la commémoration. Aujourd’hui, l’événement ouvre un débat d’une brûlante actualité. Je suis convaincu qu’en rédigeant la « Constitution » européenne, notre ex-président de la République a fait une erreur du même type que celle qu’il s’apprêtait à commettre hier : prendre les vessies de ce qui paraît moderne pour les lanternes de l’histoire.

En 1975, quelques années après 1968 et dans l’illusion d’une paix perpétuelle, les combats de la Seconde Guerre mondiale paraissaient témoigner d’un autre âge. Aujourd’hui, dans la crise mondiale et une génération plus tard, le tragique est de nouveau face à nous.

Le 8 mai 1945 divise Poutine et Bush. Ce dernier, à la veille de son départ pour Moscou, a qualifié la Biélorussie de « dernière dictature d’Europe », promettant de travailler avec « les pays libres du monde pour que des élections libres s’y déroulent ». Avant d’arriver en Russie, à Riga, en Lettonie, Bush a encouragé les Etats baltes à polémiquer avec leur ancien occupant. Après son séjour, il a continué son voyage et ses provocations en Géorgie. Il entend étendre partout l’emprise d’une OTAN à sa botte.

D’un point de vue russe, il s’agit d’une provocation vitale. Aussi, Poutine a, de son côté, procédé à une réhabilitation de l’Armée rouge. Dans un climat de crise monétaire et financière internationale, marquée par des rumeurs sur la chute de hedge funds, les conditions d’un affrontement se mettent ainsi en place.

En France, le 8 mai rappelle les « événements » de Sétif et de Guelma, au cours desquels l’Armée française procéda à des opérations coloniales - exécutions sommaires, tirs dans la foule, mitraillage de villages par l’aviation, opérations de milices et de la Légion - ayant abouti à un carnage omis dans nos livres scolaires. Les quelque 15 000 à 20 000 morts d’alors sont aujourd’hui de nouveau parmi nous, après la comparaison faite par un Président algérien pourtant modéré entre « les fours de la honte installés par l’occupant dans la région de Guelma » et « les fours crématoires nazis ».

Par-delà les polémiques, le défi posé est celui de la mémoire vivante. La vraie réparation ne consiste pas dans une repentance plus ou moins hypocrite, mais à travailler pour l’avenir afin que les crimes commis ne se reproduisent pas. Il faut construire en Europe un Pont terrestre eurasiatique pour la paix par le développement mutuel, et offrir à l’Afrique un nouveau plan Marshall, la justice et la croissance sans arrièrepensées dominatrices. Transcender le passé exige de semer des germes de justice pour l’avenir et de dire la vérité aux générations nouvelles, car enseigner la vérité sur les drames passés permet de ne pas en être prisonnier. Le traité de Westphalie, en 1648, fondait déjà la paix sur l’avantage d’autrui. Il n’est pas de fondement meilleur.