Narcotrafic

La sénatrice Nathalie Goulet balance Deutsche Bank, Crédit Suisse, Bifinance

mardi 4 mars 2025, par Christine Bierre

Le 4 février le Sénat a adopté à l’unanimité, la proposition de loi contre le narcotrafic qui prévoit la création d’un parquet national contre la criminalité organisée (PNACO) basé sur le rapport présenté par les députés Etienne Blanc (LR) et Jérôme Durain (PS), le 10 décembre 2024. Le texte a été désormais transmis à l’Assemblée nationale où il sera examiné au mois de mars. Le Pnaco, qui devrait voir le jour en janvier 2026, sera chargé des crimes les plus graves, dont le blanchiment de l’argent de la drogue. Il coûtera à l’État 130 millions d’euros.

Voici la transcription de l’intervention en séance très courageuse de la sénatrice du groupe Union Centriste, Nathalie Goulet, qui, le 4 février 2025, n’a pas hésité à nommer les noms de certains de ces acteurs du plus haut niveau.

« Monsieur le président, Messieurs les ministres, Madame la présidente rapporteure, mes chers collègues,

L’Office des Nations unies contre la drogue et le crime a déclenché en 2021 son rapport
annuel : l’état des lieux est terrifiant : 300 millions de consommateurs, la majorité des usagers consomment du cannabis, 60 million des opioïdes, 30 millions des amphétamines, pour un chiffre d’affaires consolidé de 50 milliards de dollars.

Dans ce contexte, la situation en Syrie, terre du Captagon, doit être vraiment retenue et attirer notre vigilance. Face à ceci, il est impératif de prendre de mesures fortes contre le narcotrafic, c’est précisément l’objet du texte qui marque des avancées significatives.

Nous nous félicitons que plusieurs amendements défendus par notre groupe aient pu être adoptés
Nous saluons l’adoption d’un amendement de notre collègue Pascal Martin, permettant le bannissement des ports français des navires impliqués dans le trafic des stupéfiants et par extension, des compagnies qui les utilisent. Moins de drogue au Havre, c’est moins de drogue, Monsieur le président, dans l’Orne.

Plusieurs dispositions ont été adoptées contre le blanchiment, c’est le sujet que je vais traiter maintenant.

1) L’article 3 impose aux sociétés de vente et de location de véhicules de luxe de se conformer aux obligations de lutte contre le blanchiment et financement du terrorisme.
2) Autorise les maires à signaler au préfet les commerces suspectés de blanchiment.
3) Élargit l’accès des forces de sécurité aux fichiers de données juridiques immobilières et aux services d’immatriculation des véhicules.
4) Renforce l’obligation de déclaration des bénéficiaires effectifs.

Plusieurs amendements ont été aussi adoptés en séance.

5) L’article 3 bis permet aux douanes d’accéder aux données des opérateurs de transports.
6) L’article 4 instaure une procédure d’injonction pour richesse inexpliquée.
7) La commission a également interdit le recours à des mixeurs de crypto-actifs, une mesure un peu théorique parce que je vous rappelle que les distributeurs demeurent autorisés.

Plusieurs amendements ont été adoptés à l’initiative de Mme Vermiller pour renforcer le rôle des douanes.
Quant à l’article 5, il instaure une procédure de gel judiciaire des avoirs des narcotrafics.

Monsieur les ministres, mes chers collègues, le blanchiment d’argent est la mère de tous les vices.

La lutte contre le narcotrafic et la criminalité organisée repose sur les mêmes circuits de délinquance financière.

« Le compte n’y est pas, pour l’instant »

Je salue, Monsieur le garde des Sceaux, votre engagement dans la lutte contre le blanchiment, et Monsieur le ministre de l’Intérieur, votre détermination. De ce point de vue seulement, le compte n’y est pas. Il n’y est pas, pour l’instant. ( ...)

Car, comment expliquer un million et demi d’espèces trouvées au Parlement européen dans un dossier totalement enterré ?

Comment ne pas évoquer le rôle des banques dans l’enquête réalisée par le Consortium international des journalistes dans l’affaire des Panama Papers, et en 2023, la Deutsche Bank impliquée dans un scandale de blanchiment d’argent, impliquant plus de 200 milliards de sa filiale estonienne ? En 2023, c’est le tour du Crédit suisse, impliqué dans l’affaire du blanchiment des fonds du trafic de drogue, qui a accepté — il ne faut pas imaginer le montant de la fraude pour que le Crédit Suisse accepte une amende 2 milliards d’euros ! En 2023, c’est Bifinance, avec des crypto-actifs, qui a été condamnée et a accepté une condamnation de 4 milliards d’euros.

Et à qui se fier, Monsieur le garde des Sceaux, Monsieur le ministre de l’Intérieur ? Le Vatican a été impliqué dans une affaire de 200 millions de dollars provenant d’un détournement des fonds des œuvres de charité du denier de Saint-Pierre. J’ai une bonne nouvelle à vous indiquer, le Pape François a décidé de créer un petit Tracfin au Vatican. Nous progressons. Enfin, mais oui, mais oui, tout le monde n’en meurt pas, mais tout le monde est un peu touché, c’est la raison pour laquelle le blanchiment est quand même le sujet.

Restent les secteurs du sport, dont le football. Je vous ferai grâce des faux prix de transferts et du blanchiment lié au football, pour vous expliquer quand même qu’on a bien fait de ne pas voter la niche FIFA l’année dernière [destinée à attirer la FIFA, basée en Suisse, vers la France].

Des initiatives mondiales ont été prises et, Messieurs les ministres, la solution ne viendra évidemment que d’une solution internationale et d’une meilleure coopération.

L’UE a récemment franchi une étape importante avec la création de l’Autorité européenne de lutte contre le blanchiment des capitaux. Le siège est à Francfort, la présidente est italienne. Messieurs les ministres, comment comptez-vous insérer l’influence de la France dans ce nouvel organisme européen dans lequel, a priori, nous n’avons aucun poste de direction.

Le temps des voleurs n’est pas le temps des législateurs, encore moins le temps des législateurs européens. A la longue liste des failles, il faut ajouter : les ports francs, les paradis fiscaux, nos amis des monarchies du Golfe qui ont leurs propres modèles économiques... et, Monsieur le garde des Sceaux, c’est tout à fait intéressant d’avoir été aux EAU pour voir les efforts que ces pays faisaient aujourd’hui pour être maintenus en dehors de la liste grise du GAFI. Néanmoins, les trous dans le dispositif sont quand même extrêmement importants…

Donc la solution ne sera que celle de la coopération internationale. La solution ne viendra que de la lutte internationale contre le blanchiment mais aussi contre la fraude et l’évasion fiscale.

Le travail parlementaire va se poursuivre. Vous l’aurez compris, le groupe de l’Union centriste va voter avec enthousiasme ce texte, qui est un modèle d’excellence de travail parlementaire, excellent sujet de commission d’enquête, excellente proposition, excellente « dream team » au banc des rapporteurs et ministres à l’écoute, voire à l’affût, de nos propositions.

Tout cela va se poursuivre avec la Commission d’enquête qui va être menée par le groupe de l’Union centriste sur la criminalité organisée et la violation des sanctions internationales, qui viendra utilement compléter ce texte sur le narcotrafic. Je sais que vous y serez tout à fait aussi attentifs et je vous remercie. Et le groupe de l’Union centriste votera avec enthousiasme ce texte. »