
Chronique stratégique du 30 août août 2023 (pour s’abonner c’est PAR ICI)
Le couteau du FMI sous la gorge
Ce simple fait illustre bien le dilemme de l’Argentine : tandis que le président argentin Alberto Fernandez était absent à Johannesburg, le ministre des Finances Sergio Massa, également candidat du parti péroniste aux élections présidentielles, se trouvait à Washington, D.C., pour négocier un accord avec le bourreau de l’ancien système, c’est-à-dire le FMI.
Deux semaines plus tôt, à la surprise générale, le libertarien Javier Milei du parti Freedom Advances, soutenu par les églises évangéliques, est sorti grand gagnant des élections primaires présidentielles, avec 30% des voix, devant Sergio Massa à 21% et Patricia Bullrich, de la coalition de droite de l’ancien président voyou Mauricio Macri, à 17%.
Massa, qui espérait une meilleure performance, a immédiatement promis de rassembler une « nouvelle majorité » dans le pays, appelant les secteurs progressistes et les électeurs mécontents à se joindre à lui pour s’opposer au programme de Milei visant à démanteler l’économie et la nation à lutter pour les emplois, une économie productive et la croissance réelle, et à « résoudre le problème du FMI ».
Au lendemain des élections, la Banque centrale argentine a annoncé qu’elle abandonnait la « parité rampante » de longue date par laquelle le peso était dévalué très progressivement, et l’a dévaluée de 22%, fixant le taux de change officiel à 350 pesos pour un dollar, contre 268 quelques jours auparavant. Dans le même temps, la banque a relevé de 21 points les taux d’intérêt, déjà extraordinairement élevés de 97%, passant à 118% — ce qui place le crédit hors de portée pour quiconque, sauf pour les très riches. Ce nouveau taux de change est censé ne rester en place que jusqu’aux élections présidentielles du 22 octobre, afin de contrecarrer le marché noir, ou « dollar bleu », dont la valeur avait atteint 600 pesos pour un dollar à la fin début août.
Le 16 août, Sergio Massa a déclaré aux journalistes que le FMI avait imposé comme condition de l’accord cette dévaluation soudaine de la monnaie nationale. Le ministre des Finances a même expliqué que le FMI avait d’abord insisté sur une dévaluation de 100% comme condition pour tout accord, avant de redescendre la barre à 60%, puis d’accepter finalement la dévaluation de 22% annoncée le 14 août. « Le pays est dans la tourmente à cause des effets inflationnistes de cette dévaluation ; Imaginez, a-t-il dit, ce qui se serait passé si le peso avait été dévalué à 100% ! »
Javier Milei et les réseaux fascistes du libre-marché
Javier Milei est un personnage excentrique, ancienne rock star reconverti dans la politique spectacle, se proclamant « professeur de sexe tantrique », et paradant déguisé en super-héros dans les talk shows argentins. Sa campagne « anti-système » attire un grand nombre de jeunes, avec ses propositions pour la dollarisation, l’économie ultralibérale de Friedrich von Hayek et le démantèlement de l’État ; il promet notamment de « cramer » la Banque centrale et de se débarrasser de « la caste politique inutile, parasitaire et criminelle qui coule le pays », au premier rang desquels les partisans de la vice-présidente Cristina Fernández de Kirchner, ou « Kirchnerismo ».
Bien sûr, Milei n’est pas un simple phénomène argentin. Il est lié aux réseaux libertaro-fascistes associés à l’ancien président brésilien Jair Bolsonaro, à son ami Steve Bannon et à des co-penseurs en Espagne et au Chili. Eduardo Bolsonaro, fils de Jair, qui travaille en étroite collaboration avec Bannon, est l’un des amis proches de Milei. Le 10 août, Jair Bolsonaro a envoyé à Milei une vidéo d’encouragement, disant : « Mon cher Javier (…), nous avons tellement de choses en commun. Nous défendons la famille, la propriété privée, le libre marché. (…) Nous voulons bien sûr être grands, être à la hauteur pour notre peuple et notre territoire. Je vous souhaite donc la meilleure des chances en Argentine. Si Dieu le veut, je viendrai bientôt vous rendre visite ».
Outre Bolsonaro, il faut noter que Milei a également reçu de chaleureuses félicitations de la part de Santiago Abascal, le chef du parti fasciste espagnol Vox, de l’admirateur chilien de Pinochet José Antonio Kast, et de beaucoup d’autres de leur acabit.
Une torpille anti-BRICS
Javier Milei a déclaré haut et fort que s’il était élu, il couperait tous les liens commerciaux avec la Chine, proclamant « je ne fais pas d’affaires avec les communistes », et aussi avec le Brésil, dont il accuse le président « socialiste » Lula da Silva de côtoyer « les dictateurs et les autocrates ». Dans une interview accordée le 16 août à Bloomberg-TV, Milei a également promis de retirer l’Argentine du Marché commun du Sud (Mercosur), un important vecteur d’intégration régionale auquel l’Argentine appartient, avec le Brésil, l’Uruguay et le Paraguay.
Le Brésil est le plus grand partenaire commercial de l’Argentine, suivi de la Chine, qui a récemment apporté au pays un swap de devises équivalent à 18 milliards de dollars (130 milliards de yuans). Chacun des deux derniers paiements du gouvernement Alberto Fernández au FMI a été partiellement effectué en yuans à partir de cet échange. La Chine a investi des dizaines de milliards de dollars dans le pays, y compris dans d’importants projets d’infrastructure.
Les analystes rationnels ont qualifié les déclarations de Javier Milei de « suicidaires » et impossibles à mettre en œuvre, pour la raison évidente qu’elles impliqueraient la violation de plusieurs contrats légaux signés avec des entreprises et des banques chinoises, et dont la rupture entraînerait d’importants préjudices financiers. Le candidat a été contraint de revenir quelque peu sur ses remarques initiales, affirmant qu’il laisserait au secteur privé le soin de décider de maintenir ou non des liens commerciaux avec la Chine, et ajoutant qu’il respecterait les contrats existants avec les entreprises chinoises.
La City de Londres trépigne
Du côté des marchés financiers anglo-américains, tout en prenant des airs de vierge anti-fasciste effarouchée, on ne cache pas son enthousiasme à l’idée que l’Argentine revienne dans le droit chemin ultralibéral. Le 15 août, le Financial Times (FT), porte-voix de la City de Londres, a publié coup sur coup un éditorial signé par son comité de rédaction, intitulé « Le chemin périlleux de l’Argentine vers la stabilité économique », puis un article intitulé « L’Argentine lutte pour éviter l’effondrement économique après une victoire primaire choquante ». Le message de la City est clair : la victoire surprise du fanatique néolibéral de la dollarisation Javier Milei aux primaires présidentielles, devant le candidat de la coalition au pouvoir, montre qu’une majorité d’Argentins sont ouverts à accepter un programme sauvage de libre marché. Les jeux sont donc ouverts contre l’État argentin !
Ainsi, en dépit de la « morosité » actuelle, observe le journal des banquiers londoniens, certains investisseurs « restent optimistes » quant aux perspectives à moyen terme de l’Argentine. « Ils considèrent l’effondrement du vote péroniste comme la preuve que les Argentins sont prêts pour une réforme profonde et douloureuse du marché libre ». Après tout, les deux tiers des électeurs du 13 août ont choisi des partis de droite ou d’extrême droite « qui veulent réduire l’État-providence, supprimer les contrôles artificiels des changes, mettre fin à l’impression monétaire de la banque centrale et libérer les entreprises ». Le FT omet toutefois de mentionner que la participation électorale à cette primaire a été la plus faible jamais enregistrée, avec une abstention 30 %.
La City de Londres lorgne également sur les richesses naturelles de l’Argentine qui ne demandent qu’à être pillées : « l’extraction du lithium, la production de pétrole et de gaz de schiste en expansion rapide et les puissantes exportations agroalimentaires soutiennent l’hypothèse selon laquelle les fondamentaux de l’Argentine sont solides », peut-on lire. Néanmoins, si Milei remportait la présidence, le FT reconnaît que sans majorité au Congrès, il serait confronté à une tâche « herculéenne » consistant à mettre en œuvre son programme, à faire adopter des « réformes douloureuses » et à restaurer la confiance dans l’économie.
# Dany
• 11/09/2023 - 14:34
Franchement, je ne sais pas qui a écrit ce pavé d’inépties, mais ça ne me donne plus envie de militer chez S&P..
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