

Critique de livre :
Le changement climatique n’est plus ce qu’il était – vrais risques et attitudes rationnelles
Judith Curry
Éditions L’Artilleur
Octobre 2024
23 €
Par Pierre Bonnefoy
Après Daniel Husson et Steven Koonin, c’est au tour de Judith Curry, autre scientifique du climat bien connue aux États-Unis, de produire un ouvrage grand public pour réfuter le consensus officiel sur la question du réchauffement climatique, consensus basé sur les rapports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat).
Ayant elle-même suivi autrefois ce consensus, elle a décidé depuis de se battre pour l’ouverture d’un véritable débat scientifique contradictoire dans ce domaine. Elle a pris cette décision au moment du scandale du Climategate, en 2009, lorsque furent divulgués des emails entre le GIEC et un certain nombre de climatologues renommés, révélant des manipulations de données expérimentales en vue d’accréditer la thèse du catastrophisme climatique.
Renoncer à juger par soi-même, sous la pression sociale de l’entourage, est aussi fréquent dans les milieux scientifiques qu’ailleurs, en particulier en climatologie. En effet, la climatologie n’est pas une véritable science, mais plutôt une « méta-science », compte tenu du large éventail de disciplines scientifiques en jeu pour comprendre le fonctionnement du climat.
Aucun scientifique ne maîtrisant toutes ces disciplines, beaucoup auront donc tendance à adopter des positions consensuelles sur le climat dans les nombreux domaines qui ne relèvent pas de leur spécialité. Étant donné que le but du GIEC est justement de fabriquer du consensus à l’usage des décideurs politiques sur un sujet où l’incertitude est très grande, cette institution devient ainsi un obstacle au véritable esprit critique scientifique.
Bien que Judith Curry ne nie pas que les émissions de CO2 aient un impact sur le climat, elle s’insurge contre les impasses provoquées par l’actuelle campagne contre ces émissions : non seulement cette propagande omniprésente éclipse d’autres problèmes probablement plus graves et plus pressants à résoudre pour l’humanité, mais en plus, rien ne prouve que l’impact du CO2 soit aussi important sur l’évolution du climat que d’autres causes négligées dans la recherche.
En particulier, on ne sait pas grand-chose sur les causes de la variabilité naturelle du climat. Du fait que l’on pose le CO2 comme la cause quasi-exclusive du changement climatique, les modèles informatiques sur lesquels le GIEC base ses rapports, sont conçus de manière à ignorer cette variabilité naturelle. Il en découle un certain nombre de conséquences fâcheuses.
D’une part, on s’est rendu compte récemment que les modèles « surchauffaient » dans leurs prévisions. On a dû abandonner certaines prévisions climatiques extrêmes, considérées récemment encore comme des quasi-certitudes.
D’autre part, on en est venu à présenter tout épisode météorologique extrême comme résultant du changement climatique anthropique, alors que la nature a toujours produit de tels événements inhabituels. Cependant, un chercheur incapable par principe de tenir compte de la variabilité naturelle du climat, ne pourra pas leur attribuer d’autre cause que le « dérèglement » d’origine humaine. CQFD.
Il résulte de tout ceci que les pays pauvres sont les principales victimes, non pas du changement climatique, mais des mesures préconisées par le GIEC pour y faire face :
Sous la double bannière du développement durable et de l’atténuation du changement climatique, la diplomatie internationale et les ressources sont redirigées pour lutter contre le réchauffement en réduisant les émissions, privant de même coup l’Afrique des fonds dont elle avait besoin pour son réseau électrique et l’Asie du Sud des ressources nécessaires pour réduire sa vulnérabilité aux événements météorologiques extrêmes et pallier l’insuffisance des ressources en eau.
Et plus loin :
En 2015, de nombreux pays avaient, d’un commun accord, établi une liste de dix-sept objectifs liés entre eux pour le développement durable. En voici quelques-uns par ordre d’importance :
1. Supprimer la pauvreté.
2. Éradiquer la faim.
7. Disposer d’une énergie abondante et propre.
13. Agir pour le climat.
« Un élément du treizième objectif, lié au zéro net émissions, devrait-il l’emporter sur les objectifs plus prioritaires d’éradiquer la pauvreté et la faim et de donner à tous accès à l’énergie ? Pas si le bien-être et la prospérité des êtres humains sont les objectifs.
Dans la logique consistant à réduire le plus rapidement possible les émissions de CO2, les pays développés
feront donc pression sur les pays du Sud pour qu’ils n’utilisent pas les ressources en énergie fossile dont ils ont besoin pour leur propre développement et dont ils disposent en abondance. Ce qui revient à empêcher ces pays de se développer, puisqu’ils n’ont pas d’autre moyen de se procurer une énergie bon marché, abondante et stable.
Quelqu’un a dit « néocolonialisme » ?
Pointer du doigt le changement climatique crée un narratif de crise bien commode politiquement pour détourner l’attention des politiques médiocres ayant créé et perpétué la vulnérabilité sociale et physique.
« Le développement économique exige une énergie abondante et peu coûteuse. Or, les fonds de développement internationaux ne sont plus consacrés à la lutte contre la pauvreté et à l’accroissement de la résilience, mais à la réduction des émissions de CO2. (…) Limiter le développement des projets de combustibles fossiles entrave profondément le développement en Afrique qui manque désespérément d’énergie.
Souhaitons qu’à l’exemple de Judith Curry, davantage de scientifiques suivent leur jugement personnel, plutôt qu’un confortable consensus.