Pandémies, armes biologiques, biosécurité

Pour l’interdiction des recherches gain de fonction

mardi 3 décembre 2024, par Karel Vereycken

Tel Icare volant trop près du soleil, certains scientifiques s’aventurent à créer dans leurs laboratoires des agents pathogènes (des microbes ou virus qui vous rendent malade), plus dangereux que ceux existant dans la nature. Tragiquement, une grande partie de ce type de recherche n’est soumise à aucune surveillance nationale ou internationale.

Face à cela, une partie de la communauté scientifique réclame une meilleure surveillance et, dans certains cas, l’interdiction de cette approche sur des agents pathogènes hautement susceptibles de provoquer une pandémie (Potential pandemic pathogens - PPP), par intention ou par erreur.

La controverse éclata en 2005 avec la « reconstruction » du virus de la grippe A H1N1 (ou « grippe espagnole »), qui avait fait entre 20 et 50 millions de morts en 1918, à partir de la séquence du virus pandémique.

Gain de fonction

La recherche sur le gain de fonction (Gain of function, GoF en anglais, ou GdF en français, consiste à doter un microbe (bactérie ou virus) de capacités accrues (fonctions) qu’il ne possède pas normalement dans la nature.

Transformer d’inoffensives bactéries en machines à fabriquer de l’insuline peut certes apparaître comme bénéfique pour traiter le diabète, bien qu’il existe d’autres solutions. Et surtout, lorsqu’il s’agit d’accroître la virulence d’un virus mortel et de forcer son passage d’une espèce animale vers une espèce proche de l’homme (par exemple du canard vers le cochon), ou de faire en sorte qu’il puisse se transmettre rapidement par aérosols, il faut sans doute prendre le temps d’y réfléchir à deux fois. Et la perspective de mobiliser l’Intelligence artificielle (IA) pour des recherche GdF et la fabrication d’armes biologiques, en réalité déjà en cours, fait froid dans le dos.

Nul besoin d’être virologue pour comprendre que lorsqu’un agent pathogène acquiert la capacité de se propager facilement entre mammifères, le risque qu’il se propage à l’homme augmente. Sans oublier que les fuites de laboratoire sont hélas une réalité.

Ron Fouchier (à droite), primé pour ses recherches.

Le problème n’est plus théorique. Des expériences de GdF, réalisées aux Pays-bas en 2011 par Ron Fouchier et Yoshihiro Kawaoka sur un virus de la grippe aviaire (H5N1), apparu pour la première fois à Hong Kong en 1997 à partir d’oiseaux infectés, ont montré qu’il est possible de rendre ce virus extrêmement contagieux chez les mammifères, alors que la souche sauvage ne se transmettait qu’entre oiseaux, voire d’oiseaux à humains, mais difficilement entre humains. Or, avec un taux de létalité d’environ 56 %, le virus H5N1 de la grippe aviaire est beaucoup plus mortel que celui du Covid-19, le SARS-CoV-2, dont le taux de létalité est estimé à moins de 2 %.

Fouchier voulait voir (hypothèse certes fascinante) quelles mutations le virus devrait subir pour déclencher une pandémie. Il choisit le furet comme animal d’expérience, parce qu’il est sensible aux virus de la grippe et peut développer une maladie respiratoire grippale, comme l’homme. Les expériences ont été réalisées dans un laboratoire de niveau de biosécurité 3 (BSL-3), un cran en dessous des laboratoires de confinement les plus élevés (BSL 4 ou P4) qui disposent de salles de confinement et de combinaisons spatiales.

Pour obtenir des « gains de fonction », tout chercheur peut désormais intervenir directement sur le matériel génétique grâce à des outils performants de plus en plus simple à manipuler, en particulier le CRISPR (prononcez crispair), un « ciseau moléculaire » permettant de modifier l’ADN avec une précision inégalée. Ses découvreuses, Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna, ont reçu le prix Nobel de chimie en 2020. Pourtant, leur invention rend beaucoup plus facilement accessible à des Etats voyous ou des mafias l’équivalent d’une arme biologique.

La méthode utilisée par le Néerlandais Fouchier faisait également appel à des procédés plus classiques. Après avoir introduit des mutations dans le virus, il effectua des « passages en série » : une forme d’élevage sélectif du virus chez le furet, afin d’obtenir de nouveaux virus mutants qui se transmettent efficacement par aérosol d’un mammifère à l’autre.

Ces expériences provoquèrent un choc. En 2014, des appels alarmants du « Groupe de travail de Cambridge », un rassemblement de scientifiques de haut niveau en faveur d’un moratoire sur la recherche sur le GoF, ont conduit le gouvernement américain à suspendre le financement de la recherche gain de fonction sur les virus de la grippe, du MERS et du SRAS.

En 2021, la spécialiste norvégienne de biosécurité Filippa Lentzos mettait en garde :

Certaines technologies utilisées pour faire le bien – créer un vaccin par exemple – peuvent être détournées pour créer des armes biologiques. Les chercheurs doivent avoir cela en tête lorsqu’ils se lancent dans une expérience ou bien publient leurs travaux. En 2017, une étude a démontré qu’il était possible de recréer le virus de la variole équine dans un laboratoire. L’objectif était d’améliorer le vaccin contre la variole humaine, mais, dans la mesure où les deux virus sont très proches, cela revenait à donner à n’importe qui la recette pour fabriquer le virus de la variole humaine !

A la question s’il faut interdire de telles expériences, elle a répondu :

Quand il s’agit de pathogènes susceptibles de déclencher une pandémie, sans doute. La connaissance que pourraient apporter certaines expériences ne justifie pas de prendre un tel risque. C’est le cas quand l’objectif est de rendre un pathogène dangereux pour l’homme encore plus dangereux. Cela dit, les expériences de gain de fonction sont couramment utilisées pour conférer à des virus de nouvelles caractéristiques, sans pour autant les rendre plus dangereux. Cela n’a donc pas de sens de bannir cette technologie « en général ».

Le cas du Dr Fauci et la militarisation de la santé

Dr Anthony Fauci.

Malgré ces mises en garde, aux Etats-Unis, le Dr Anthony Fauci et ses collègues du National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID) ont choisi de lever en 2017, sous Trump, l’embargo imposé sous Obama (qui craignait des actes de bioterrorisme) sur le financement de ce type de recherches très risquées par l’Etat américain, avant de suspendre ces travaux à nouveau, puis de les réautoriser. Pour être clair, au mieux, on a suspendu le financement fédéral. On n’a jamais interdit de telles recherches dans le privé avec des capitaux privés et la suspension du financement par l’Etat fédéral américain a encouragé des grands laboratoires civils et militaires de délocaliser ces activités controversées dans d’autres pays, notamment en Ukraine et en Chine.

A noter ici, le fait qu’à partir de 2002, donc juste après les attentats du 11 septembre, le Pentagone, au lieu de développer ses propres activités dans ce domaine, va « militariser » le ministère de la Santé. Du coup, le NIAID dont Fauci est le directeur, une composante de l’Institut national de la santé (National Institute of Health), sera financé massivement par le Pentagone pour s’occuper de la biosécurité y compris l’armement biologiques. Au lieu d’une coopération légitime entre le secteur de la santé et l’armée, la santé américaine est donc mise sous tutelle par l’armée américaine.

En avril 2002, un site officiel décrit sa mission pour le Pentagone :

Pour se défendre contre le bioterrorisme, l’Institut (NIAID) se concentre sur les principales menaces, classées comme agents de catégorie « A », c’est-à-dire la variole, l’anthrax, la tularémie, la peste, la toxine botulique et les virus de la fièvre hémorragique ; il étudie également les agents de catégorie « B » et « C », tels que l’E. coli et le staphylocoque d’origine alimentaire. L’effort prévu sera générique pour pratiquement tous les microbes susceptibles d’être utilisés dans le cadre du bioterrorisme. Le NIAID poursuit sa coopération avec l’Institut de recherche médicale de l’armée sur les maladies infectieuses, mais en accordant une attention particulière à la coopération avec le commandement de la biodéfense.

Le Dr Fauci déclare que l’objectif des 20 prochaines années est de passer de l’agent pathogène au médicament en moins de 24 heures. Cela permettrait de relever le défi des bioagents issus du génie génétique. Quelqu’un pourrait modifier génétiquement un microbe et le rendre résistant au traitement standard, mais si cette caractéristique est identifiée, il n’est pas nécessaire de créer un autre médicament pour la contrer. Le Dr Fauci aborde la question de la variole et certains des problèmes qui doivent être résolus dans le domaine de la vaccination à grande échelle. Les questions relatives aux systèmes de santé publique locaux et nationaux sont également abordées, de même que la recherche et la diffusion de l’information.)

Sur le plan épistémologique, Fauci a toujours été un partisan inconditionnel de la recherche GdF qu’il pense être la science médicale de l’avenir. En 2012, il estimait que :

Les scientifiques travaillant dans ce domaine pourraient dire - comme je l’ai d’ailleurs dit - que les avantages de ces expériences et les connaissances qui en résultent l’emportent sur les risques. Il est plus probable qu’une pandémie se produise dans la nature, et la nécessité d’anticiper une telle menace est une raison essentielle pour réaliser une expérience qui pourrait sembler risquée.

Pendant des mois, il s’est opposé à toute enquête sur la possibilité d’une fuite de laboratoire. Le discours officiel étant que le virus venait de la nature. Et jusqu’à son départ de la tête de l’équipe fédérale chargée du coronavirus en 2022, le docteur Anthony Fauci, en s’appuyant sur une interprétation très étroite de la notion de GdF, a juré sous serment que le gouvernement américain n’avait jamais financé de recherches de gain de fonction à Wuhan (qui n’était qu’un laboratoire parmi les 400 pratiquant les recherches GdF dans le monde).

Mais depuis, Lawrence Tabak, directeur adjoint des National Institutes of Health (NIH), l’agence que pilotait Fauci, est sorti publiquement pour confirmer que de telles recherches avaient bel et bien été financées par les NIH. Et à titre de directeur des NIH, c’était ultimement la signature de Fauci qui apparaissait sur les subventions... En juin 2024, lors des auditions au Congrès, Fauci est apparu comme un menteur.

Pourquoi se faire apprenti sorcier ?

La raison le plus souvent invoquée pour mener des recherches sur le gain de fonction est de pouvoir prédire les pandémies à venir et anticiper la production de vaccins et d’antiviraux pour y faire face.

En d’autres termes, en créant de nouveaux agents pathogènes à potentiel pandémique (PPP) en laboratoire, des scientifiques comme Fouchier seraient (en théorie) en mesure de les reconnaître dans la nature avant qu’ils ne passent de l’animal à l’homme.

Pr Antoine Danchin.

Dans les faits, la recherche de GdF ne permettra jamais de prédire les pandémies futures. Le raisonnement est erroné, affirme le chercheur et professeur français Antoine Danchin,

la démesure humaine fait que certains chercheurs se permettent d’affirmer qu’ils peuvent savoir comment vont évoluer les virus, en les faisant évoluer en laboratoire, et ainsi prétendent pouvoir nous préparer aux épidémies futures ! Ils oublient la réalité de la nature, qui fait que, dans le cas général, les chemins de l’évolution sont imprévisibles. Et, plus grave, ils surestiment leur capacité à réagir et à prévenir les accidents, alors qu’en virologie l’accident est la règle et nullement l’exception.

Un article récent confirme que c’est bien le cas. En 2023, le Bulletin for Atomic Scientist rapporte que d’après le journal The Lancet Microbe, une équipe internationale de chercheurs a recensé tous les cas d’infections contractées en laboratoire, ou lorsqu’un agent pathogène s’était accidentellement « échappé » d’un laboratoire. Ils ont trouvé « dans la nature » 309 infections provenant d’expériences de laboratoire ; huit de ces cas se sont avérés mortels, dont un cas de maladie de la « vache folle ».

Les pratiques à bannir

Les inquiétudes concernant la recherche gain de fonction ont incité l’Académie nationale américaine des sciences (NAS) à publier en 2004 un rapport intitulé Biotechnology Research in an Age of Terrorism (Recherche en biotechnologie à l’ère du terrorisme), énumérant sept « pratiques préoccupantes », reconnues comme les « sept péchés capitaux », qui ne devraient pas être poursuivies si elles sont susceptibles de créer des agents pathogènes qui ne sont pas déjà présents dans la nature.

D’après Laura Kahn, chercheuse de Princeton, ces pratiques sont les suivantes :

  1. Démontrer comment rendre un vaccin inefficace ;
  2. Développer la résistance d’un agent pathogène aux antibiotiques ou aux agents antiviraux ;
  3. Améliorer la virulence d’un agent pathogène (sa létalité) ou rendre létal un microbe qui ne l’est pas ;
  4. Augmenter la transmissibilité d’un agent pathogène (par exemple, rendre transmissible par aérosol un agent pathogène qui ne l’est pas) ;
  5. Modifier la gamme d’hôtes d’un agent pathogène en augmentant le nombre d’espèces qu’il peut infecter ;
  6. Permettre à un agent pathogène d’échapper aux tests de diagnostic ;
  7. Autoriser la militarisation d’un agent biologique ou d’une toxine.

Les études sur le virus de la grippe aviaire (H5N1), menées aux Pays-Bas par Ron Fouchier sur des furets, violaient clairement les pratiques 4 et 5 de la liste. Selon le NAS, ces expériences n’auraient jamais dû avoir lieu !

Origine de la Covid

Pr Patrick Berche.

Dans le cas du SRAS-CoV-2, l’agent responsable de la pandémie de COVID-19, on ne sait toujours pas comment le virus s’est développé ni comment il s’est propagé naturellement de l’animal à l’homme.

En France, le Pr Patrick Berche précise sur le site de l’Académie de Médecine, le 18 avril 2023 :

Trois ans après l’émergence du COVID-19, l’origine du SARS-CoV2 d’emblée très contagieuse reste un mystère. Il existe deux scénarios pour expliquer son émergence. Les partisans de l’origine naturelle avancent que le virus de la chauve-souris aurait pu infecter directement l’homme, se propageant silencieusement à un faible niveau chez l’homme pendant des années, sans éliminer l’existence d’hôtes intermédiaires non détectés. Cela n’explique pas l’origine à Wuhan, loin des réservoirs naturels de virus.

Également en France, l’épidémiologiste Renaud Piarroux, mène l’enquête. Le 22 juin 2022, sur France Culture,il note, lui aussi :

À ce jour, aucune preuve n’invalide ni ne confirme les hypothèses de la transmission par l’animal ou de la fuite de laboratoire. Mais nous savons que des expériences de "gain de fonction", qui modifient génétiquement des virus, ont fabriqué des coronavirus de chauve-souris plus transmissibles, plus virulents. Dans quelle mesure le SRAS-CoV-2 pourrait être une "chimère" créée artificiellement ?

Pr Laura Kahn.

Allant dans le même sens, le Dr Laura H. Kahn, chercheuse de Princeton et spécialiste d’une approche holistique à la santé intégrée homme-animal-environnement, constate, dans le Georgetown Journal of International Affairs, que

contrairement au SRAS et au MERS, ni le virus du SRAS-CoV-2, ni les anticorps dirigés contre le virus, n’ont été signalés chez les animaux ou les travailleurs du secteur animal. Aucune étude portant sur des échantillons cliniques n’a été publiée dans la littérature médicale et ne remplit les critères d’une propagation naturelle.

Pr Etienne Decroly.

Pour sa part, le Pr Etienne Decroly, virologue et chercheur au CNRS, note que

bien que la majorité de la communauté scientifique privilégie actuellement une origine zoonotique du Sars-Cov-2, le rôle éventuel de ce type d’expériences dans l’émergence du Sars-Cov-2 n’est pas tranché à ce jour, et cette hypothèse, initialement écartée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), est aujourd’hui considérée comme envisageable.

Pourtant, il est impératif pour l’humanité de comprendre les origines du virus afin d’élaborer des politiques et des procédures susceptibles de réduire efficacement la probabilité qu’une telle catastrophe se reproduise. Un vaste débat comme celui-ci exige une enquête approfondie sur les origines du virus, autant aux Etats-Unis, en Ukraine qu’en Chine, d’autant plus qu’il n’existe aucune preuve convaincante d’un débordement naturel.

Pour prévenir de futures pandémies catastrophiques suite à des fuites de laboratoires, des chercheurs proposent d’améliorer les protections aux niveaux national et international dans les domaines de la biosécurité et de la gestion des biorisques.

Aux États-Unis, jusqu’à récemment, il n’existait pratiquement aucune réglementation, mais uniquement des directives en matière de biosécurité. Il existe une loi sur la biosécurité appelée « Select Agent Rule », mais elle ne s’applique qu’à quelques douzaines d’agents pathogènes pour l’homme, le bétail et les cultures, ainsi qu’aux toxines biologiques considérées comme présentant un risque élevé d’utilisation en tant qu’armes biologiques.

La situation a changé en novembre 2023, lorsque la Chambre des représentants des États-Unis a approuvé l’interdiction du financement fédéral de la recherche GoF sur les agents pathogènes susceptibles de provoquer une pandémie.

Des voix courageuses

En dehors de la communauté scientifique, peu de personnes ont eu le courage de soulever cette question, sans doute par peur d’apparaître comme d’horribles « conspirationnistes ».

TULSI GABBARD

Tulsi Gabbard.

Parmi ces rares exceptions, la candidate Tulsi Gabbard, ancienne militaire et ex-membre du Congrès américain, désormais pressentie par Donald Trump pour diriger le Renseignement américain, a fait preuve d’un sens aigu de la nature des enjeux. Lorsque le conflit éclata en Ukraine en 2022, elle appela à une coopération immédiate entre l’Ukraine, les Etats-Unis, la Russie et l’ONU pour fermer au plus vite les 46 laboratoires de recherche biologique implantés dans la zone de guerre. En effet, un seul missile frappant un laboratoire de ce type suffirait pour provoquer une pandémie mortelle emportant des millions de vies, a-t-elle souligné dans un clip vidéo.

ROBERT R. REDFIELD

Plus récemment, le 8 mars 2023, en conclusion à sa communication devant la sous-commission de la Chambre des représentants sur la crise du coronavirus, le Dr Robert R. Redfield, ancien patron du Center for Disease Control (CDC) américain, déclarait :

Comprendre les origines de COVID-19 est essentiel pour l’avenir de la recherche scientifique, en particulier parce que cela affecte le débat éthique en cours sur la conduite de la recherche sur le gain de fonction. Cela fait longtemps que le gain de fonction est controversé au sein de la communauté scientifique et, à mon avis, la pandémie de COVID-19 constitue une étude de cas sur les dangers potentiels de ce type de recherche. Alors que beaucoup pensent que la recherche sur le gain de fonction est essentielle pour devancer les virus en développant des vaccins, dans ce cas, je pense qu’elle a eu le résultat exactement inverse, en libérant un nouveau virus sur le monde sans aucun moyen de l’arrêter et en entraînant la mort de millions de personnes.

C’est pourquoi je suis d’avis que nous devrions demander un moratoire sur toute recherche sur le gain de fonction, jusqu’à ce que nous puissions avoir un débat plus large et parvenir à un consensus en tant que communauté sur la valeur de ce type de recherche. Ce débat ne doit pas se limiter à la communauté scientifique. Si l’on décide de poursuivre la recherche sur le gain de fonction, il faut alors déterminer comment et où la mener de manière sûre, responsable et efficace.

ROBERT F. KENNEDY JR

Selon l’ancien candidat indépendant à la présidence américaine, pressenti pour devenir le prochain ministre de la Santé de Trump (et dont certaines positions sont par ailleurs discutables) :

Il est désormais évident que le Covid a commencé par une fuite de laboratoire. Ce fait a été délibérément étouffé par Anthony Fauci [ex « M. COVID » de la Maison-Blanche] et ses acolytes, avec la complicité de la communauté des chercheurs en armes biologiques. Nous devons dès maintenant mettre un terme à ce type de recherche.

Enfin, après l’avoir nié pendant des années, Fauci a fini par reconnaître que les Etats-Unis avaient financé des recherches GdF dans le monde entier, y compris en Chine. Précisons immédiatement que vu le nombre de laboratoires civils et militaires pratiquant ce type de recherche dans le monde, le fait qu’il y en ait en Chine ne prouve en rien que le virus soit originaire d’un de leurs laboratoires, surtout qu’il existe de fortes incertitudes autant sur le lieu que sur la date d’apparition des premiers cas. Vu que le sujet a été « militarisé » dans le cadre d’un affrontement géopolitique, le sujet est sensible.

PR ETIENNE DECROLY
En France, le virologue et chercheur au CNRS estime à juste titre que

la conduite de ce type d’expériences devrait être limitée au maximum et seules les expériences dont le bénéfice escompté pour nos sociétés est très supérieur au risque devraient pouvoir être conduites. Il est souvent possible d’utiliser des méthodes alternatives au gain de fonction, et l’utilisation de ces méthodes, moins dangereuses, devrait systématiquement être privilégiée. La communauté scientifique ainsi que la société civile devraient s’emparer de cette question relative aux risques liés à l’utilisation de ces nouveaux outils biotechnologiques pour réfléchir et définir plus strictement ce que la science peut et ne peut pas faire.

Dans une tribune publiée le 4 juin 2024 dans Le Monde, il précisa :

Si les expériences de GdF doivent être pensées, débattues et réalisées dans des conditions confinées en labo P4 lorsqu’elles concernent des virus respiratoires à potentiel pandémique, forcer le passage de barrière d’espèce vers l’homme devrait être interdit. Il est urgent d’harmoniser les réglementations internationales de biosécurité car les virus n’ont pas de passeport. Comme pour l’aviation, la communauté internationale pourrait envisager l’utilisation de « boîtes noires biologiques » aux laboratoires P3 et P4, et se doter d’une agence internationale régulant la biosécurité, à l’image de l’Agence internationale de l’énergie atomique dans le domaine du nucléaire.

Faisant fi de toute considération éthique, certains scientifiques affirment sans sourciller que, la curiosité intellectuelle étant la valeur suprême, toute hypothèse est bonne à vérifier par l’expérience...

Rappelons qu’en 1947, au procès de Nuremberg, des médecins et chercheurs nazis furent condamnés pour avoir mené des expériences douloureuses et souvent mortelles sur des milliers de détenus des camps de concentration, considérés comme des sous-hommes. On injecta des sérums expérimentaux dans les veines de prisonniers juifs, homosexuels ou communistes, cobayes idéaux pour tester la prévention et le traitement de maladies contagieuses telles que paludisme, typhus, tuberculose, fièvre typhoïde, fièvre jaune et hépatite. A Auschwitz, le Dr Mengele tenta même de déterminer comment les différentes « races » résistaient à diverses maladies contagieuses, tandis qu’à l’Université de Strasbourg, August Hirt tenta d’établir « l’infériorité raciale des Juifs ».

« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » disait déjà François Rabelais, et ça le reste.