Comment la narco-finance s’est emparée du processus électoral américain

mardi 12 novembre 2024, par Karel Vereycken

Une forte odeur d’argent de la drogue a infesté la scène électorale américaine. Le fait que les deux candidats aient recueilli une partie des dons à leur campagne sous forme de crypto-monnaies, l’outil favori du narcotrafic pour régler ses transactions sur le « darknet », en dit long sur la probité de « l’élite » au pouvoir.

Le 2 mars 2022, Vladimir Norov, secrétaire général de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), partenaire des BRICS, a déclaré :

Nous vivons dans un monde relativement ouvert et indépendant. A l’heure actuelle, environ 4 milliards de personnes utilisent l’internet, dont 71 % sont des jeunes âgés de 15 à 25 ans. Dans notre monde globalisé, en raison de notre large consommation de technologie et d’internet, nous constatons que ce dernier est devenu le domaine d’activités criminelles. Des logiciels particuliers [darknet], utilisés pour faciliter la vente de stupéfiants, d’armes et de matériels interdits, permettent aux jeunes d’accéder à ces produits. Ce type de logiciels garantit un anonymat qui empêche les forces de l’ordre d’agir. Selon les évaluations des spécialistes, jusqu’à 60 % des transactions portent sur des stupéfiants et les crypto-monnaies y sont utilisées pour effectuer les règlements plutôt que les espèces. Ce processus entraîne un risque de blanchiment d’argent, entrave les efforts des autorités locales pour lutter contre le trafic de stupéfiants et nuit à la stabilité des jeunes et des États.

Chez nous, plusieurs instances tentent également de sonner l’alarme. Dans son rapport de janvier 2022, le Bureau pour le Trafic de drogue international et le Respect des lois (INL en anglais) constate que

l’utilisation du bitcoin pour blanchir de l’argent est en augmentation, en particulier parmi les gangs de la drogue tels que le Cartel Jalisco Nouvelle Génération et le Cartel Sinaloa, selon les autorités du Mexique et des États-Unis.

Ces cartels, qui blanchissent leur argent à Dubaï et aux Bahamas, dans les Caraïbes, sont des acteurs majeurs du trafic mondial. Ce sont eux qui ont inondé les Etats-Unis de fentanyl et sont, avec les Colombiens, la macro-mafia néerlando-marocaine et bien d’autres, en partie à l’origine du « tsunami blanc » de cocaïne qui frappe, avec toute sa violence et ses tueurs à gages, l’Europe et la France en particulier.

Comme nous l’avons souligné dans notre« Appel à des mesures supplémentaires » :

La France compte une dizaine d’institutions financières qui facilitent les opérations en cryptomonnaies, notamment Boursorama, Fortuneo, Hello Bank ! Revolut, N26, Yuh, Banque Delubac & Cie, Société générale et Trade Republic. Chaque crypto sert de paradis fiscal et chaque paradis fiscal est un point de deal. Etouffer puis mettre un terme à leurs activités s’impose si l’on veut réellement combattre le trafic. 

Le site internet de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) traitant de l’utilisation des cryptomonnaies dans le trafic de drogue, explique bien pourquoi, pour les mafieux, les cryptomonnaies ont tout pour plaire :

Trois caractéristiques des crypto-monnaies sont essentielles pour le trafic en ligne :

1. La décentralisation : il n’y a pas de serveur central ni d’acteur spécifique responsable du système. Le transfert de fonds peut être facilement initié par le client, par exemple en utilisant une application, sans l’implication d’institutions financières traditionnelles telles que les banques et les institutions de paiement.

2. L’anonymat : bien qu’il existe un registre public des transactions, il ne contient que des numéros de compte (ce qu’on appelle des « adresses »). Il ne contient ni nom, ni numéro de téléphone, ni même d’adresse IP.

3. Le système consiste en un vaste réseau de petits revendeurs, de distributeurs automatiques de billets (ATM) et de fournisseurs de services d’échange où les crypto-monnaies peuvent être facilement échangées contre de l’argent ordinaire (dit « fiduciaire »).

L’Election américaine

Le 12 octobre 2024, le blog de OneSafe a publiéun article intitulé « Kamala Harris reçoit un don de 1 million de dollars en cryptomonnaie : ce que cela signifie pour le financement politique ».

L’article souligne que « dans un geste historique, Chris Larsen, le cofondateur de Ripple, a fait des vagues dans le financement politique en donnant 1,75 million de XRP à un super PAC [Political Action Committee] soutenant la campagne présidentielle de Kamala Harris ».

Ce don « pourrait bien marquer un point de basculement, qui pourrait non seulement remodeler la façon dont les campagnes sont financées mais aussi, potentiellement, influencer les futures politiques entourant les crypto-monnaies elles-mêmes. Au fur et à mesure que l’acceptation grandit, nos cadres doivent s’adapter en conséquence ». En clair, le début d’une acceptation généralisée d’un moyen de paiement échappant au contrôle des Etats et clairement sous influence de la narco-racaille qu’on prétend vouloir éradiquer.

OneSafe se présente comme « une plateforme financière de premier plan conçue pour les startups du monde entier, offrant un mélange de services financiers traditionnels et web3 ». Bien qu’il ne s’agisse pas d’une banque traditionnelle, OneSafe est une société technologique offrant des services de compte complets, adaptés aux entreprises qui opèrent à la fois en monnaie fiduciaire et en crypto-monnaies.

Le Trump PAC a également recueilli au moins 7,5 millions de dollars de dons en crypto-monnaies depuis le début du mois de juin. À l’origine critique virulent du bitcoin, Trump a depuis opéré un virage à 180 degrés et défend désormais les crypto-actifs.

Tout en affirmant vouloir maintenir le dollar américain comme monnaie de réserve mondiale (face aux BRICS, qui veulent diversifier), la plateforme du Parti républicain de 2024 ne cache pas son penchant pour les crypto-monnaies :

Les Républicains mettront fin à la répression illégale et anti-américaine opérée par les démocrates contre les crypto-monnaies et s’opposeront à la création d’une monnaie numérique de banque centrale. Nous défendrons le droit de miner du bitcoin et veillerons à ce que chaque Américain ait le droit d’assurer lui-même la garde de ses actifs numériques et d’effectuer des transactions à l’abri de la surveillance et du contrôle du gouvernement.

Plus éloquent encore, dans un discours prononcé le 25 mai devant la Convention nationale libertarienne, le candidat Donald Trump avait promis de commuer, dès le premier jour de son élection, la peine de prison à perpétuité de Ross Ulbricht en « peine purgée ».

Fondateur de Silk Road, une plateforme en ligne de trafic de stupéfiants et d’activités criminelles annexes, Ulbricht avait été arrêté en octobre 2013 par le FBI et Silk Road mise hors ligne. Le 5 février 2015, il avait été reconnu coupable de sept délits : distribution de stupéfiants, distribution de stupéfiants par le biais d’internet, conspiration en vue de distribuer des stupéfiants, participation à une entreprise criminelle continue, conspiration en vue de commettre un piratage informatique, conspiration en vue de trafiquer de faux documents d’identité et conspiration en vue de blanchir de l’argent. En plus de la prison à vie, Ulbricht avait été condamné à une amende de 184 millions de dollars.

Enfin, le 15 octobre, la famille Trump a lancé sa propre crypto-monnaie, World Liberty Financial. Ce projet de finance décentralisée, qui prétendait « révolutionner la finance », a été un flop retentissant. Mais après la victoire de Donald Trump, la valeur du bitcoin a atteint un niveau record, dépassant pour la première fois les 75 000 dollars (70 000 euros). D’autres crypto-actifs ont également vu croître leur valeur.

« Les États-Unis seront la capitale mondiale des crypto-monnaies », a assuré Donald Trump le 27 juillet, lors de la conférence sur le bitcoin à Nashville, devant une foule en liesse.

Et si on construisait un mur contre la crypto-narco-finance ?