Comme hypnotisés par un colosse dont ils ne veulent pas voir les pieds d’argile, les grands médias occidentaux se focalisent ad nauseam sur les élections présidentielles américaines, alors que, plus que jamais, c’est ailleurs que se décide l’avenir du monde.
Quelques jours après le sommet des « BRICS+ » qui a réuni à Kazan, en Russie, une « majorité mondiale » décidée à ne plus se laisser dicter son destin, une forte dynamique émerge pour mettre fin à la géopolitique et au colonialisme, avec l’arrivée à maturité d’une alliance de nations basée sur le développement économique mutuel.
Rares sont les dirigeants occidentaux, comme le Premier ministre slovaque Robert Fico, à comprendre que cette dynamique représente la voie du salut pour un monde atlantique resté trop longtemps entre les griffes de l’empire militaro-financier de Londres et de Wall Street.
Progrès et coopération
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les BRICS ne sont pas un club de pays émergents en rébellion contre les puissants dominants. Comme le rapporte Sébastien Périmony, envoyé spécial de l’Institut Schiller à Kazan, la coopération ouverte proposée par les BRICS ouvre les bras non seulement aux pays sous-développés de l’hémisphère sud et d’Asie, mais aussi aux pays occidentaux.
Les Russes sont les premiers à insister sur ce point, en dépit de la campagne de diabolisation fomentée à leur encontre par les Atlantistes depuis au moins deux décennies. Dans d’une interview de 30 minutes sur la télévision des BRICS, le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, explique que les BRICS et leurs partenaires sont pleinement engagés à créer une nouvelle architecture monétaire pour des « systèmes fiables, durables et à long terme » au service de « l’économie réelle », se faisant en tandem avec la participation et le sauvetage des institutions « occidentales » actuelles.
Ces institutions établies à Bretton Woods en 1944 (FMI, Banque mondiale, dollar/or), bien qu’ayant facilité la reconstruction de l’Europe dans l’après-guerre, ne correspondaient en rien à la volonté de Franklin Roosevelt de mettre fin aux empires coloniaux (y compris américain). De nombreux pays, au Sud, se voyaient priver des technologies et des ressources nécessaires à leur légitime émancipation économique et politique. Le déclin du système de Bretton Woods n’a fait que mettre en lumière son vice congénital.
En 2008, lors du crash financier déclenché par l’escroquerie des Subprimes, les nations qui allaient devenir les BRICS, ainsi qu’un nombre croissant de pays de l’hémisphère sud, réalisant que le système auquel ils se soumettaient était en banqueroute, comprirent alors, comme l’a exprimé Lavrov, qu’un mécanisme alternatif utilisant des monnaies nationales et des mécanismes d’assurance viendrait utilement conforter leurs échanges économiques en pleine croissance.
Dans cette optique, le ministre russe a déclaré que les BRICS avaient commencé « les préparatifs pour la création de la bourse des céréales des BRICS, la préparation d’une plate-forme d’investissement et d’une plate-forme géologique – ce qui était aussi l’idée des pays africains, précédemment inclus dans les BRICS ». (Dans ce contexte, les idées du scientifique russo-ukrainien Vladimir Vernadski sur le développement de la biosphère – le rôle de l’esprit humain dans la transformation de la vie et de la vie dans la transformation du substrat matériel – constituent un cadre riche et largement inexploité.) Par ailleurs, Lavrov a également évoqué la mise en place à Kazan de groupes de travail sur les réseaux de transport et sur la médecine nucléaire.
Robert Fico : un partenariat stratégique pour la paix et l’économie
Et tandis que, tels les moutons de Panurge, la plupart des dirigeants occidentaux suivent l’empire financier anglo-américain les entraînant vers le gouffre, quelques-uns tentent d’associer leur pays à la dynamique des BRICS.
C’est ainsi que le Premier ministre slovaque Robert Fico vient d’effectuer une visite de six jours en Chine, accompagné de plusieurs membres du gouvernement et de 80 hommes d’affaires. Au cours de ce qu’il considère comme son « voyage le plus important de l’année », Fico a rencontré le Premier ministre chinois Li Qiang, puis le président chinois Xi Jinping, afin d’établir entre les deux pays un partenariat stratégique, comme le précise la déclaration conjointe publiée au lendemain des entrevues.
Auparavant, à l’issue de sa rencontre du 3 octobre avec le président chinois Xi Jinping, le Premier ministre slovaque avait déclaré partager l’opinion de Xi au sujet du conflit en Ukraine, selon laquelle « il est impossible de mettre fin aux combats tant que l’Ukraine continuera d’être soutenue militairement et financièrement par l’Occident ». Il avait également averti que la prolongation des tensions entre la Russie et l’OTAN augmentait le risque de guerre nucléaire.
La Slovaquie a ensuite rejoint la plate-forme des Amis de la paix, lancée en septembre par la Chine et le Brésil dans le but de promouvoir un règlement pacifique de la « crise ukrainienne », à laquelle participent 13 pays, dont le Kazakhstan, la Turquie, l’Arabie saoudite et la Hongrie.
Autant de prises de positions qui ont valu à Robert Fico de virulentes critiques, auxquelles il a répliqué : « Ce sont les politiciens occidentaux qui, en avril 2022, peu après le déclenchement du conflit, ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour empêcher tout accord de paix réaliste. »
Pour le dernier jour de sa visite en Chine, le Premier ministre Li Qiang a invité Fico à la septième Exposition internationale d’importation de Chine (CIIE), qui se tient du 5 au 10 novembre à Shanghai. Cette foire commerciale annuelle sert de plateforme aux pays et aux régions pour présenter leurs réalisations en matière de développement. Les représentants de152 pays, régions et organisations internationales y participent, dont le Premier ministre serbe Miloš Vucevic.
C’est ainsi que, chacun à leur manière, Robert Fico, de même que le hongrois Viktor Orban ou encore le président serbe Aleksandar Vucic, tentent d’échapper aux liens d’une Europe qui s’effondre et de sauver leur pays en développant des relations avec la Chine et le Sud. Ils ont compris que la dynamique des BRICS représente bien un basculement du monde, où la coopération se substitue à l’unilatéralité hégémonique.
Il serait temps que nos propres dirigeants le comprennent également, avant que le complexe militaro-financier de Londres et de Wall Street ne nous emporte tous dans sa folie meurtrière.
A VOIR : le dernier éclairage de Jacques Cheminade (EJC) « Sommet des BRICS+ à Kazan : la France doit intégrer la dynamique ! »