Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Colère lycéenne

mercredi 23 février 2005

Plus de 150 000 jeunes lycéens sont descendus dans les rues pour manifester, souvent accompagnés de leurs enseignants. Refusant la casse de l’école, ils exigent qu’elle soit mise au service de tous. Par-delà leurs slogans réclamant la démission de François Fillon, ils dénoncent la dévalorisation des diplômes, la fragmentation du baccalauréat par l’institution de notes suivant le lycée d’origine, la réduction des connaissances à un socle commun minimum en supprimant des matières (plan arts sabré, options chinois ou arabe menacées dans certains lycées), la suppression des travaux personnels encadrés en classe terminale et des groupes de remise à niveau en sixième, l’absence d’efforts en matière de santé scolaire (aucun poste de médecin ou d’infirmière créé) et la démolition de l’enseignement technologique et professionnel. Ils s’insurgent contre la suppression de postes d’enseignants et de surveillants dans des milliers d’écoles, collèges ou lycées, après trois années de restrictions budgétaires.

Certes, le ministre a reculé sur la réforme du bac, mais c’est la logique comptable du pouvoir, l’obsession de « faire des économies », qui provoque la colère.Cette colère est absolument légitime, car le projet de loi mal ficelé présenté par François Fillon s’inscrit dans la politique globale de contre-réforme libérale que poursuit le gouvernement.

C’est elle qu’il faut combattre à tous les niveaux, car elle n’offre aucune perspective d’emploi ni de vie citoyenne digne.

Que voit-on, au niveau des instances de pouvoir ? Un fonctionnement du pays en termes de réseaux et de favoritisme, avec seulement 7% des élèves des quatre plus grandes écoles venant aujourd’hui de milieux modestes, contre plus de 25% dans les années cinquante. Les hauts fonctionnaires vivent, eux, une relation incestueuse avec les grandes banques : François Pérol, le directeur adjoint de cabinet de Francis Mer et de Nicolas Sarkozy à Bercy, a rejoint la banque Rothschild et Cie, François Roussely, ancien président d’EDF qui a passé par divers cabinets socialistes, rejoint le bureau parisien du Crédit suisse-First Boston et Jérôme Calvet, venu des cabinets de droite, rejoint le siège de Lehman Brothers en France.

C’est ce vice comptable et financier,dont le « pantouflage » et le démantèlement du service public et de l’école de la République ne sont que la conséquence, que nous devons éradiquer. La politique qui permettra d’y parvenir doit, avec un projet mobilisateur, rassembler les 80% de Français qui gagnent moins de 2000 euros par mois. Les lycéens en sont aujourd’hui l’avant-garde et notre propre mouvement de jeunes, le LYM, lui fournit une articulation internationale et une perspective économique.

En déclenchant ainsi les facultés créatrices des individus, non par égoïsme catégoriel mais pour l’avantage d’autrui, nous pourrons changer la règle du jeu. Autrement, tout mouvement, à l’heure d’une mondialisation et d’une fragmentation voulues, est condamné à se fracasser contre le mur du cynisme et de l’éparpillement.