Chronique stratégique du 31 mai 2023 (pour s’abonner c’est PAR ICI)
Alors que la France, dans le contexte de la bataille pour la réforme des retraites, a été mise sous pression par les agences de notation – à l’image de l’agence Fitch qui a dégradé sa note de AA à AA- après que la dette publique française a dépassé les 3000 milliards d’euros — France Stratégie affirme que le risque supplémentaire posé par la transition énergétique sur la dette publique « est de l’ordre de 10 points de PIB en 2030 (soit au moins 280 milliards d’euros), 15 points en 2035, 25 points en 2040 ». Autrement dit : pour réussir la transition énergétique, il faut sabrer ailleurs dans les budgets – pardon, « consolider notre politique budgétaire rigoureuse ».
Selon France Stratégie, « une augmentation des prélèvements obligatoires sera probablement nécessaire, qui pourrait être assise sur le patrimoine financier des ménages les plus aisés ».
Il y a cinq ans déjà, France Stratégie notait que « concomitamment à l’augmentation des dettes publiques, les vingt dernières années ont été marquées par une forte progression du patrimoine des ménages en Europe, en particulier immobilier, avec une distribution très inégale de cet enrichissement. Ceci ouvre une deuxième voie qui permettrait à un État excessivement endetté de décréter qu’il devient copropriétaire de tous les terrains construits résidentiels à hauteur d’une fraction limitée de leur valeur. Il deviendrait ainsi créditeur d’une somme annuelle, correspondant à la rémunération du droit d’occupation du sol. Tout propriétaire pourrait différer son paiement, dont le montant cumulé interviendrait alors au moment de la vente ou de la transmission du bien ».
Imaginer des artifices comptables pour piller l’économie physique, était la spécialité d’un certain Hjalmar Schacht, qui fut ministre des Finances d’Hitler. En octobre 1923, alors que l’Allemagne de Weimar était ravagée par l’hyperinflation, Schacht avait créé le « Rentenmark », une monnaie émise pour remplacer le Mark « papier », dont la valeur se vaporisait. La nouvelle monnaie était hypothéquée sur des terres utilisées pour l’agriculture et les affaires (« Rente » étant un terme technique pour « hypothèque » en allemand).
La troisième option, écrivait France Stratégie en 2017, consisterait à solliciter le soutien de la Banque centrale européenne. Celle-ci rachèterait une partie de la dette obligataire des États européens surendettés et conserverait ces titres dans son bilan, « en les transformant en obligations perpétuelles non rémunérées ».
La note l’admet :
Les trois pistes explorées ici présentent inévitablement un caractère inédit et radical, que certains iraient jusqu’à qualifier de dangereux. Elles soulèvent des difficultés politiques et juridiques évidentes. Néanmoins, le débat mérite d’être abordé froidement, afin d’éviter d’avoir à prendre dans l’urgence des décisions non préparées en cas de choc économique majeur dans la zone euro.
Oui, se soumettre docilement à la règle du jeu conduit fatalement à envisager des solutions « dangereuses » pour maintenir le système, quitte à faire passer la pilule avec la bonne conscience verte. Tout comme Schacht à son époque, « l’auto-cannibalisation » du système actuel, c’est-à-dire la destruction de l’économie réelle pour maintenir la fiction de titres financiers ayant perdu toute valeur, conduit à porter atteinte à la valeur cible même du capitalisme : la propriété privé. Une logique confiscatoire et prédatrice qui avait conduit à l’époque de Schacht aux camps de travail et d’extermination.
A nous de mettre sur la table l’option que France Stratégie n’a pas évoquée : la reprise en main du gouvernail monétaire, en passant par la séparation bancaire et le rétablissement d’une banque nationale et d’un conseil national du crédit public — une solution qui est, elle, dangereuse pour l’oligarchie financière, pas pour le peuple français...