Livraison de F-16 à l’Ukraine : l’Otan ne se cache plus

vendredi 26 mai 2023

Chronique stratégique du 26 mai 2023 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

La livraison de F-16 à Kiev par les Occidentaux soulève d’un cran supplémentaire le couvercle de la boîte de Pandore de la troisième guerre mondiale (qui serait, celle-ci, nucléaire, et donc la dernière). Car l’utilisation de ces avions de chasse nécessite une infrastructure humaine et logistique dont les Ukrainiens ne disposent pas, et que l’Otan va devoir leur fournir.

Le 19 mai dernier, lors du G7 qui se réunissait à Hiroshima, Joe Biden a fait savoir qu’il donnait son feu vert à l’envoi de F-16 en Ukraine. Le Premier ministre britannique Rishi Sunak lui a emboîté le pas, promettant que son pays « travaillera avec les États-Unis, les Pays-Bas, la Belgique et le Danemark pour doter l’Ukraine de la capacité aérienne de combat dont elle a besoin ». De même, les dirigeants néerlandais et belge ont confirmé leur intention de participer à l’effort. Le ministre néerlandais des Affaires étrangères, Wopke Hoekstra, a notamment annoncé que la formation des pilotes ukrainiens commencerait « très bientôt ».

Selon Mikhail Barabanov, expert au Centre d’analyse des stratégies et des technologies, l’Ukraine pourrait recevoir des F-16 d’ici la fin de l’année. Le Danemark et la Belgique suivront la voie des Pays-Bas, qui ont remplacé leurs F-16 par des F-35 plus récents, ce qui facilitera la fourniture des anciens avions F-16 à Kiev, a souligné Alexander Yermakov, expert russe du Conseil des affaires internationales. En outre, les avions sont en très bon état de vol et peuvent être transférés assez rapidement, a ajouté Yermakov. Cependant, compte tenu de la nécessité de former le personnel et les équipages de pilotes, ces avions pourraient être fournis au plus tôt dans six mois, voire plus tard, car les avions de combat occidentaux nécessitent un écosystème de maintenance différent de celui actuellement disponible en Ukraine, a-t-il conclu.

Tout d’abord, il faut dire que, comme chacun l’aura remarqué, le conflit en Ukraine fait avant tout l’objet (et plus que jamais) d’une guerre psychologique et médiatique. Ainsi, les effets d’annonce et la réalité du terrain constituent deux choses très distinctes et bien souvent contradictoires. Car, en dépit des annonces des responsables politiques évoqués plus haut, le Royaume-Uni ne dispose d’aucun F-16 ; la Belgique n’en a que 44 opérationnels (sur environ 72), le Danemark environ 40 et les Pays-Bas 24. De son côté, si le président Macron a également exprimé sa volonté de voir la France contribuer à la formation des pilotes, il n’a pas voulu s’engager à fournir des avions. La retenue est également de mise outre-Rhin : dimanche, le chancelier allemand Olaf Scholz a déclaré que l’Allemagne ne comptait pas livrer de F-16, pour la simple et bonne raison qu’elle n’en a aucun.

Cependant, le fait est que la livraison de F-16 constitue une escalade supplémentaire vers une guerre directe entre l’Otan et la Russie. Car cela implique, par la force des choses, la présence officielle de l’Organisation transatlantique en Ukraine,comme l’a bien souligné lundi à Washington l’ambassadeur russe aux États-Unis, Anatoly Antonov :

Il n’y a pas d’infrastructure pour l’exploitation du F-16 en Ukraine et le nombre nécessaire de pilotes et de personnel de maintenance n’est pas là non plus. Que se passera-t-il si les chasseurs américains décollent des aérodromes de l’Otan, contrôlés par des ‘volontaires’ étrangers ?

En effet, selon une source proche de l’État-major russe, « l’intégration des F-16 nécessiterait que les forces ukrainiennes construisent une infrastructure entièrement nouvelle, qui diffère considérablement des systèmes existants dans ce pays, conçus pour desservir les chasseurs à réaction de fabrication soviétique. Pour commencer, une chaussée de piste de meilleure qualité sera nécessaire. Bien que baser les avions de combat en Pologne pour des sorties ne soit pas techniquement faisable, la Pologne pourrait gérer la maintenance sophistiquée des F-16, tandis que les bases aériennes en Ukraine seraient utilisées comme aérodromes de saut », a déclaré le responsable. Cependant, la livraison des avions de combat occidentaux ne sera finalement pas en mesure d’inverser la tendance pour l’Ukraine.

La situation stratégique mondiale n’a jamais été aussi brûlante. Pour Dimitry Medvedev, ancien président russe et actuel directeur adjoint du Conseil de sécurité, ceux qui poussent cette escalade souhaitent la guerre :

Sinon, Washington et ses alliés de l’Otan n’enverraient pas des armes aussi dangereuses au régime ukrainien. Ils semblent croire qu’un conflit nucléaire, ou une apocalypse nucléaire, est impossible. Ils se trompent. Car, à tout moment, les événements peuvent suivre un scénario totalement imprévisible. Et la responsabilité en incombera entièrement à l’Alliance de l’Atlantique Nord (…). Car, dès lors que quelque chose est livré, la réponse est : nous avons besoin de plus (…) de missiles à longue portée, ou maintenant d’avions de chasse… Et la Russie devra répondre. Et nous le ferons.

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