Italie, Suisse, Allemagne : le spectre du Glass-Steagall vient frapper à la porte

vendredi 7 avril 2023

Chronique stratégique du 7 avril 2023 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Quelques semaines après les faillites de la Silicon Valley Bank et du rachat de Crédit Suisse par UBS, le débat sur la nécessité de séparer les banques de dépôt et les banques d’affaires – le Glass-Steagall Act – refait surface. Ce qui a le don de rendre nerveux les milieux financiers de Londres et de Wall Street…

Italie : un projet de loi de séparation bancaire présenté au Parlement

Mercredi, l’agence de presse londonienne Reuters a rapporté avoir pris connaissance d’un projet de loi déposé par le parti de la Première ministre italienne Giorgia Meloni, Fratelli d’Italia (FdI), visant à séparer les banques de détail et les banques d’investissement — « une mesure qui, si elle était approuvée, imposerait une refonte radicale du secteur bancaire du pays, souligne pudiquement Reuters. La révision réintroduirait de facto une législation datant des années 1930, supprimée dans les années 1990 par des réformes de déréglementation que certains politiciens de gauche et de droite accusent d’avoir contribué aux récentes crises financières ».

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Cette proposition fait suite à l’effondrement de la banque des start-up américaines Silicon Valley Bank (SVB) et au rachat d’urgence du Crédit Suisse par son rival bancaire UBS, qui continuent à faire souffler un vent de panique sur le pont du Titanic financier.

Ce qui est remarquable, c’est que non seulement ce projet de loi n’a suscité à ce jour aucune réaction dans les médias italiens, mais la Première ministre Meloni n’a pas été informée de la proposition législative, bien qu’elle provienne de son propre parti. Reuters souligne en effet qu’il a été « présenté discrètement à la chambre basse du parlement le 17 mars », à l’initiative du chef du FdI à la chambre basse des députés, Tommaso Foti, et quatorze autres députés du parti, dont l’ancien ministre de l’économie Giulio Tremonti. Ce dernier est un défenseur du Glass-Steagall depuis de nombreuses années, et il s’est même appuyé à ce sujet sur les propositions de l’économiste américain Lyndon LaRouche.

Le Parlement suisse met le Glass-Steagall sur la table

En Suisse, le mariage forcé entre Crédit Suisse et UBS a provoqué un débat très animé. Car l’État suisse a décidé de mettre 260 milliards de francs à disposition d’UBS pour le sauvetage du Credit Suisse, soit l’équivalent d’un tiers du Produit intérieur brute (PIB) du pays et trois fois son budget fédéral.

Le Parlement fédéral suisse se réunira en session conjointe du Conseil national et du Conseil des États pendant trois jours, du 11 au 13 avril, pour discuter de cette débâcle. Comme le gouvernement a organisé un renflouement dans le cadre de l’état d’urgence, il n’est pas possible de revenir sur la décision, mais le Parlement veut établir des règles pour les situations d’urgence futures. Thomas Minder, membre indépendant du Conseil des États (Ständerat), a annoncé qu’il présenterait une motion demandant le démantèlement d’UBS et la mise en place d’un régime de séparation des banques. Minder avait déjà soutenu la loi de séparation bancaire proposée par l’Union démocratique du centre (UDC) et les sociaux-démocrates (PS) en 2014.

Avec la fusion de CS et d’UBS, le gouvernement suisse accouche d’un nouveau monstre « trop gros pour faire faillite » (TBTF). La taille des deux banques devraient être réduite, a souligné Minder dans une interview avec le journal Blick. « Lors de la session extraordinaire, il présentera une motion appelant à une séparation autonome des banques d’investissement de toutes les banques TBTF, réalisant ainsi un système de séparation des banques », a rapporté le journal.

Dans le même temps, le procureur fédéral suisse Stefan Blättler a ouvert une enquête sur le rachat de Crédit Suisse par UBS, qui cherchera à déterminer si la prise de contrôle soutenue par l’État a enfreint le droit pénal suisse. « A la lumière des événements récents, le Ministère public de la Confédération veut remplir de manière proactive sa mission et sa responsabilité de contribuer à une place financière suisse propre, et a mis en place une surveillance afin de prendre des mesures immédiates dans toute situation relevant de son domaine », a déclaré le procureur basé à Berne, selon le quotidien londonien Guardian.

En principe, une banque mal gérée ayant fait des mauvais choix devrait avoir le droit de faire faillite sans que cela menace l’économie mondiale. Les sondages ont révélé que les trois quarts des citoyens suisses n’approuvent pas le renflouement du Crédit Suisse aux frais de l’État (le contribuable), tandis que le débat sur le Glass-Steagall s’étend, y compris sur la création d’une banque d’État pour soutenir l’économie réelle.

Du Glass-Steagall au Bretton Woods

Le débat sur le Glass Steagall émerge également en Allemagne, où Stefan Risse, de la société de gestion de capitaux Acantis, basée à Francfort, a appelé le 28 mars à rétablir la séparation stricte des banques : « Les banques qui sont cruciales pour l’économie nationale doivent être protégées en séparant leurs opérations commerciales des banques d’affaires, ou des mal nommées banques ‘d’investissement’. Pour l’Allemagne, cela implique de protéger et de séparer la Deutsche Bank et le groupe Raiffeisen, le modèle étant la loi Glass Steagall d’après 1929 - le modèle étant le même, bien que les choses soient un peu plus compliquées aujourd’hui qu’elles ne l’étaient à l’époque », a expliqué Risse au site wallstreet-online.

On ne peut qu’être heureux de voir revenir à la surface l’enjeu d’une séparation bancaire stricte et patrimoniale, pour laquelle Jacques Cheminade s’est battu lors de ses campagnes présidentielles en 2012 et 2017. Et les milieux financiers, qui ont profité de 15 ans d’orgie monétaire sous l’effet des taux bas et des injections permanentes de la BCE et de la Fed, ont toutes les raisons d’en faire des cauchemars la nuit.

Cependant, étant donné le caractère systémique de la crise et l’inter-connectivité globale (y compris avec l’escalade militaire), le Glass-Steagall ne peut être conçu comme une chose en soi, une mesure simpliste qu’on actionnerait comme on appuie sur un bouton.

Car une telle mesure restera impuissante si elle n’est pas associée à l’établissement d’une véritable banque nationale, impliquant l’annulation des dettes illégitimes, et à une entente entre nations visant à refonder l’ensemble du système financier et de l’architecture de sécurité internationale, selon les principes qui avaient animé les accords de Bretton Woods en 1944.

Ce sera précisément le sujet de la conférence de l’Institut Schiller du 15 avril 2023 (à 16 h, heure de Paris), où plusieurs responsables de tous les continents prendront la parole, autour du thème « sans développement de toutes les nations, pas de paix possible sur notre planète » (voir ci-dessous).

A SUIVRE LE 15 AVRIL : Visio-conférence internationale de l’institut Schiller

Infos et inscriptions : cliquer ICI