Armes nucléaires dans le conflit OTAN-Russie : qui menace qui ?

lundi 27 mars 2023

Chronique stratégique du 23 mars 2023 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

L’escalade vers la guerre mondiale a franchi un nouveau cap dans le conflit en Ukraine. Ce samedi 25 mars, le président russe Vladimir Poutine a affirmé que Moscou compte déployer des « armes nucléaires tactiques » sur le territoire de son alliée, la Biélorussie, en réponse aux livraisons d’armes des Occidentaux – en particulier des Britanniques, comme nous allons le voir.

Les grands médias font tourner en boucle le refrain sur les projets du grand méchant Poutine qui s’apprêterait à nous encercler avec ses bombes nucléaires. Ce faisant, ils occultent le fait que la Russie, on peut le déplorer, ne fait que réagir du tac au tac aux provocations de l’Otan, dans une situation qui s’apparente à une « crise des missiles de Cuba » inversée. Si tout cela est regrettable, la moindre des choses serait de reconnaître que les responsabilités sont partagées.

La Russie réplique aux déploiements nucléaires américains

Samedi, Poutine a annoncé que la Russie a conclu un accord pour placer des armes nucléaires tactiques sur le territoire de la Biélorussie voisine. Le président russe a précisé que cela ne violerait pas les accords de non-prolifération, utilisant de façon ironique le même prétexte que les Américains pour justifier leurs déploiements d’armes nucléaires dans plusieurs pays européens.

Il n’y a rien d’inhabituel ici : les États-Unis font cela depuis des décennies. Ils déploient depuis longtemps leurs armes nucléaires tactiques sur le territoire de leurs alliés, a-t-il déclaré lors d’une interview diffusée à la télévision russe. Nous avons convenu de faire de même.

Le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), signé en 1968 par un grand nombre de pays, et avant tout par les États-Unis et l’Union soviétique, stipule qu’aucune puissance nucléaire ne peut transférer des armes ou des technologies nucléaires à une puissance non nucléaire. Cependant, le même traité permet que ces armes soient déployées en dehors de ses frontières mais sous le contrôle de la puissance nucléaire en question — comme avec les armes nucléaires américaines en Europe.

En octobre 2022, l’Otan, qui aurait pu y renoncer vu les tensions avec la Russie, a mené l’exercice « Steadfast Noon » simulant le déploiement les quelque 200 bombes nucléaires tactiques B-61, positionnées dans cinq pays (Italie, Allemagne, Belgique, Turquie et Pays-Bas) par les États-Unis.

Ainsi, afin de contourner le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, il revient aux pays hôtes de fournir les chasseurs-bombardiers susceptibles d’emporter des B-61 tandis que le contrôle de celles-ci (et donc leur code d’armement) relève exclusivement des forces américaines. En décembre, suite à une décision d’accélérer le calendrier initial, Washington a commencé à livrer la B-61-12 LEP, c’est-à-dire la nouvelle version de la B-61, aux pays européens concernés.

En 2015, dans une pétition lancée par des amis de notre mouvement en Belgique, des militants pour la paix et plusieurs responsables politiques belges de haut niveau avaient demandé à l’Otan d’abandonner la modernisation des armes nucléaires B-61 en cours.

Les Britanniques livrent des armes à l’uranium en Ukraine

A cela il faut ajouter que l’annonce de Poutine est survenue quelques jours après celle du gouvernement britannique, toujours prompt à allumer la mèche, sur sa décision de fournir à Kiev des obus perforants contenant de l’uranium appauvri – un sous-produit du processus d’enrichissement de l’uranium nécessaire à la création d’armes nucléaires.

« Si tout cela se produit, la Russie devra réagir en conséquence, étant donné que l’Occident commence déjà collectivement à utiliser des armes à composante nucléaire », a déclaré Poutine, immédiatement après l’annonce britannique, en marge de sa rencontre avec le président chinois Xi Jinping au Kremlin.

La Campagne pour le désarmement nucléaire (CND), une organisation pacifiste britannique, a également condamné la décision du Royaume-Uni, la qualifiant de « catastrophe environnementale et sanitaire supplémentaire pour ceux qui vivent le conflit », car des poussières toxiques ou radioactives peuvent être libérées à l’impact, comme le rapporte Al-Jazeera. « La CND a demandé à plusieurs reprises au gouvernement britannique d’imposer un moratoire immédiat sur l’utilisation d’armes à l’uranium appauvri et de financer des études à long terme sur leurs impacts sur la santé et l’environnement », a déclaré la secrétaire générale de la CND, Kate Hudson, selon l’Agence France-Presse.

De son côté, le Programme des Nations Unies pour l’environnement a qualifié ces munitions de « métaux lourds chimiquement et radiologiquement toxiques ».

Les braves gens qui ont manifesté dans plusieurs villes d’Europe en faveur du soutien militaire à l’Ukraine, se doutaient-ils que leur crédulité allait servir à livrer de telles armes à Kiev ?

Quoi qu’il en soit, on ajoute des armes aux armes, et l’escalade se poursuit inexorablement, nous rapprochant chaque jour du point de non-retour. Le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, a déclaré qu’en agissant ainsi, le Royaume-Uni laissait moins d’étapes avant une potentielle « collision nucléaire » entre la Russie et l’Occident. « Un autre pas a été franchi, et il en reste de moins en moins », a-t-il déclaré aux journalistes dans des remarques citées par les agences de presse russes.

Il est donc urgent de stopper ce train fou et de rouvrir les négociations diplomatiques entre la Russie et l’Ukraine, que les mêmes Britanniques ont volontairement sabotées en mars 2022 (lire notre chronique du 9 février), comme le proposent la Chine, le Vatican et le Brésil.

Pour mettre sur la table la perspective d’une « paix durable », l’Institut Schiller du 15 avril 2023 (à 16 h, heure de Paris), donnera la parole à des responsables de tous les continents, car « sans développement de toutes les nations, pas de paix possible sur notre planète » (voir ci-dessous).

A SUIVRE LE 15 AVRIL : Visio-conférence internationale de l’institut Schiller

Infos et inscriptions : cliquer ICI