Joe Biden : réarmer le Japon pour une guerre contre la Chine

lundi 16 janvier 2023

Chronique stratégique du 16 janvier 2023 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Le 13 janvier, le président Joe Biden et le Premier ministre japonais Kishida Fumio, qui était reçu à la Maison Blanche, ont publié une déclaration commune aux accents belliqueux, implicitement dirigés à l’encontre de la Chine.

Ce développement survient dans le sillage de la décision du gouvernement japonais, fin décembre, de doubler le budget militaire et d’adopter une nouvelle doctrine de défense. Il s’agit d’un volte-face radical par rapport à la position du Japon depuis 65 ans, laquelle se basait sur les principes anti-militarisation inscrits dans la constitution de 1945.

À la suite de leur rencontre à la Maison Blanche vendredi, Joe Biden et Fumio Kishida ont publiéune déclaration commune proclamant leur dévouement indéfectible à « l’ordre international fondé sur des règles » — une expression qui revient de façon insistante tout le long du document.

Le document souligne ensuite les louanges de Biden pour « le leadership audacieux du Japon dans le renforcement fondamental de ses capacités de défense (…) comme l’illustrent la nouvelle stratégie de sécurité nationale, la stratégie de défense nationale et le programme de renforcement de la défense ». La déclaration ajoute que le Japon utilisera sa présidence actuelle du G7 et son alliance avec les États-Unis pour faire progresser « l’ordre économique fondé sur des règles ».

Kishida a ajouté que le Japon et les États-Unis sont confrontés à « l’environnement sécuritaire le plus difficile et le plus complexe de l’histoire récente », ce qui a obligé le Japon à formuler une nouvelle stratégie de défense nationale et à augmenter considérablement son budget de défense. Cette nouvelle stratégie de défense est nécessaire, explique leur déclaration commune, en raison des « défis croissants posés par les actions incompatibles avec l’ordre fondé sur des règles de la Chine » et, bien sûr, de la Corée du Nord.

C’est dans ce contexte que Biden a offert l’engagement « inébranlable » des États-Unis à défendre le Japon en vertu de l’article V du traité de coopération et de sécurité mutuelles, « en utilisant toute la gamme de ses capacités, y compris nucléaires ». L’article VI s’applique également aux îles Senkaku (qui, en Chine, sont connues sous le nom de Diaoyu Dao, saisies par le Japon en 1895). Le Japon, a-t-il ajouté, a fait preuve d’un « leadership audacieux » en adoptant une nouvelle stratégie de sécurité nationale, une stratégie de défense nationale et un programme de renforcement de la défense.

Le projet de cadre économique indo-pacifique (IPEF) est présenté comme le véhicule par lequel les objectifs économiques, technologiques, énergétiques, climatiques et même spatiaux seront atteints. La déclaration affirme que la relation « indéfectible » entre le Japon et les États-Unis servira également de base pour attirer d’autres nations « dans la région et au-delà, dans l’intérêt de l’Indo-Pacifique et du monde ». Avec l’Inde et l’Australie, « nous ferons en sorte que la Quadrilatérale continue d’être une force du bien ».

Notons que pendant la rencontre entre Biden et Kishida à la Maison Blanche, le porte-avions USS Nimitz et le groupe d’attaque qui l’accompagne ont débuté leurs opérations en mer de Chine méridionale, comme le rapporte CNN ; et que deux jours plus tôt, le Premier ministre japonais et son homologue britannique Rishi Sunak ont signé mercredi à Londres un « accord d’accès réciproque » permettant aux armées de chacun des deux pays de se déployer sur le territoire de l’autre.

Mentalité de guerre froide

La Chine a eu quelques mots à dire sur cette mascarade. Interrogé sur la déclaration conjointe, le porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, Wang Wenbin, a déclaré lors d’un point presse samedi que celle-ci « sent fortement la mentalité de guerre froide à somme nulle et contient des calomnies et des attaques sans fondement contre la Chine. Les États-Unis et le Japon prétendent faire progresser la paix et la sécurité régionales, mais ils ne font que trouver des prétextes au renforcement militaire et à l’utilisation délibérée de la force. Ils prétendent défendre une région indo-pacifique libre et ouverte, mais ce qu’ils font, c’est mettre en place divers blocs d’exclusion pour créer la division et la confrontation ».

Le ministre chinois a affirmé à juste titre qu’au nom de la défense de ce prétendu « ordre international fondé sur des règles », Washington ne cesse de fouler aux pieds le droit international et les normes fondamentales régissant les relations internationales et de s’immiscer grossièrement dans les affaires intérieures des autres pays.

Précisons que si les États-Unis ont souvent mené seul leurs aventures impérialistes au mépris du droit international – la guerre d’Irak en a été un exemple —, ils peuvent désormais compter sur des collaborateurs appliqués tels que la France et l’Allemagne, comme nous avons pu le constater avec les aveux d’Angela Merkel et de François Hollande sur leur trahison des accords de Minsk.

Pour le Global Times, qui représente en quelques sortes la voix officieuse de Beijing, la déclaration américano-japonaise « représente une bombe à retardement pour la paix fragile de la région ». Le quotidien chinois cite notamment des experts qui « estiment qu’une telle ’alliance’, qui confère au pays un soutien à l’expansion militaire, est une épée à double tranchant pour Tokyo, car elle pousse également le Japon en première ligne d’attaque et [suscite] le mépris dans toute la région indo-pacifique, étant donné que ses liens avec les États-Unis déclencheront davantage de tensions. Ils ont averti la Chine de rester en état d’alerte élevé face à la prochaine étape du Japon et des États-Unis, en particulier sur la question de Taïwan ».

De plus, selon les experts cités, « l’expansion militaire agressive de Kishida prive son pays d’indépendance stratégique et le rapproche de l’objectif de devenir le vassal des États-Unis et un outil pour atteindre l’hégémonie dans la région Indo-Pacifique. (…) Un tel plan peut gagner le soutien politique de Kishida à court terme, mais à long terme, il se fait au détriment de l’intérêt national du Japon et du bien-être de la population, car plus d’argent a été consacré à l’équipement militaire, moins d’argent sera utilisé pour résoudre les problèmes sociaux urgents du Japon, comme le vieillissement de sa population ».

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