Ukraine : le président brésilien Lula appelle à l’ouverture de pourparlers de paix sans conditions préalables

jeudi 12 janvier 2023

Chronique stratégique du 12 janvier 2023 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Dans la lignée de l’offre formulée par le pape François en faveur de pourparlers de paix pour lequel il met le lieu du Vatican à disposition, le Brésil vient, sous la nouvelle présidence de Lula da Silva, d’appeler à l’ouverture de négociations entre la Russie et l’Ukraine afin d’en finir avec la guerre. Une position qui ne doit guère enchanter les docteurs Folamour de l’Otan, et qui devrait inciter le gouvernement français à faire mieux.

Le Brésil estime que « le moment est venu de mettre fin à cette horreur », a déclaré Mauro Viera, le ministre des Affaires étrangères du président Lula, au quotidien argentin Clarin, dans une interview du 1er janvier portant sur les rencontres de Lula avec les envoyés russes et ukrainiens à son investiture.

Comme Lula l’a dit à plusieurs reprises, tout en condamnant l’intervention de la Russie en Ukraine, le Brésil estime que

le moment est venu, après bientôt un an de guerre, de s’arrêter et de discuter d’une solution sans conditions, car sinon la situation deviendra encore plus terrible, surtout pour les civils innocents.

À la protestation du journaliste de Clarin selon laquelle l’Ukraine ne pouvait pas négocier avant le retrait de la Russie, Viera a réitéré : « Il est impératif de créer d’une manière ou d’une autre un canal de dialogue. Un ou plusieurs contacts doivent être générés ». Selon le ministre brésilien, des mesures telles qu’un cessez-le-feu et une assistance humanitaire devraient être décidés en premier lieu, mais la paix est nécessaire pour le monde. Car l’année de guerre a engendré un désastre économique qui vient s’ajouter aux conséquences de la pandémie de Covid.

La possibilité que le Brésil, en coopération avec d’autres grands pays du Sud, joue un rôle dans la promotion des pourparlers de paix entre l’Ukraine et la Russie a été évoquée par José Ramos-Horta, chef d’État du Timor-Oriental et ancien lauréat du prix Nobel de la paix, lors de sa rencontre du 3 janvier avec le président Lula, après la cérémonie d’investiture. Ramos-Horta a déclaré à l’agence de presse brésilienne en ligne UOL qu’il avait « suggéré au président brésilien d’entamer un travail conjoint avec les dirigeants de la Turquie, de l’Inde, de l’Indonésie, de l’Afrique du Sud et même de la Chine, afin de créer un groupe de médiation pour trouver une solution à la guerre ». Ni les Américains ni les Européens ne peuvent jouer un tel rôle, puisqu’ils sont devenus parties au conflit, a fait valoir Ramos-Horta, mais « ensemble, le Brésil et ces pays ont le poids et la crédibilité » pour jouer ce rôle.

D’après Ramos-Horta, Lula a indiqué qu’il étudierait le plan, commentant qu’il n’était pas certain que le Brésil soit suffisamment important ou suffisant dans le monde pour un tel rôle, mais il a noté qu’ensemble, ces pays pourraient être entendus.

Cependant, il est certain que les Etats-majors de Londres et de Washington, et de leur satrapes en Europe, doivent frôler la crise de nerf à l’idée que le Brésil et les autres pays des BRICS puissent prendre ce type d’initiative. D’autant que la crédibilité du « récit » de l’Otan sur le méchant agresseur russe et le gentil ukrainien héroïque fond comme neige au soleil au yeux des opinions publiques occidentales.

Le Brésil, pays clé

La prise de fonction de Lula a fait renaître de grands espoirs de voir relancées les politiques d’intégration et de coopération régionales, pour l’ensemble du continent sud-américain, que l’ancien président Jair Bolsonaro avait mises au placard. Parmi ces projets, l’on trouve notamment la construction d’une voie ferrée transcontinentale entre le port d’Ilo au Pérou et le port de Santos au Brésil, via la Bolivie. Par ailleurs, Lula entend rallier le président Fernandez d’Argentine à la lutte pour le développement économique régional et soutenir son adhésion aux BRICS.

Ajoutons que dès son arrivée au pouvoir, Lula a suspendu la privatisation des entreprises publiques brésiliennes, dont le géant pétrolier Petrobras, et prévoit d’améliorer les relations bilatérales avec la Chine, qui est déjà le premier partenaire commercial du Brésil.

De telles intentions sont un anathème pour les élites financières internationales, qui fomentent la violence géopolitique et la guerre économique pour combattre leurs adversaires, notamment en poussant la polarisation gauche-droite dans toute l’Amérique du Sud, en particulier au Pérou, où l’appareil narco-terroriste lié au président déchu Pedro Castillo, plonge le pays dans le chaos et la violence.

Cependant, c’est le Brésil qui constitue, à ce stade, le pays clé. Ce qui explique pourquoi des centaines de partisans de Bolsonaro ont pris d’assaut les bâtiments gouvernementaux à Brasilia le 8 janvier et tentent de fomenter une insurrection nationale dans le pays. Ces « combattants de la liberté » sont soutenus, voire aidés en sous-main, par l’appareil de renseignement américain associé à l’extrémiste populiste et xénophobe Steve Bannon et les églises évangélistes soutenant aussi bien Trump aux Etats-Unis que Bolsonaro au Brésil.

Soutien à Lula face à l’invasion par les sbires de Bolsonaro des lieux de pouvoir de l’État brésilien, écrit Jacques Cheminade sur son compte Twitter. Lula aurait heureusement repris le contrôle de la situation. Bolsonaro se trouve aux US et Lula a offert sa médiation pour la paix en Ukraine. A qui donc profite le crime ?

En France, il ne semble pas que l’on ait pris la mesure de l’importance de l’arrivée de Lula au pouvoir au Brésil. Pire, l’Élysée s’est contenté d’envoyer sur place un second couteau, Olivier Becht, obscur ministre délégué au Commerc extérieur. « C’est presque un affront qui est fait à Lula, a souligné Jacques Cheminade lors de son Éclairage du 7 janvier, car [le nouveau président] est très francophile (…). C’est typique de l’arrogance, de l’incapacité et de l’incompétence morale de ce gouvernement en France ».

Emmanuel Macron, qui, nous dit-on, lorgne sur le prix Nobel de la paix (Si Obama a pu l’avoir...), serait donc bien inspiré de changer d’attitude vis-à-vis de Lula et d’appeler avec fermeté à l’ouverture de négociations de paix, via le Brésil, ou via le Vatican – tel que l’a proposé l’Institut Schiller. Ce qui implique de rompre définitivement avec notre servitude vis-à-vis des États-Unis et de l’Otan.

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