Allemagne : les 4 vérités d’Oskar Lafontaine sur la soumission à l’Otan

lundi 5 décembre 2022

Alors que les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Otan entraînent chaque jour le monde plus près d’une guerre nucléaire, peu de voix en Occident osent briser la loi de l’omerta. Oskar Lafontaine, l’ancien fondateur et dirigeant du parti allemand Die Linke (le grand frère de la France insoumise), en fait partie, a contrario d’un Jean-Luc Mélenchon en France qui a renoncé sur ces questions.

Il semble en effet bien loin le temps où, à l’hiver 2003, les rues des grandes villes européennes étaient noires de manifestants contre la guerre des États-Unis en Irak ; encore plus loin celui des immenses manifestations au début des années 1980 contre le déploiement des « euro-missiles » … Et tandis que l’Otan, associée aux forces du complexe militaro-médiatico-financier, se livre à une dangereuse surenchère nucléaire contre la Russie, utilisant l’Ukraine comme de la « chair à canon », jamais les pays d’Europe n’ont été autant soumis au diktat atlantiste, et jamais les populations européennes n’ont été autant plongées dans l’atonie.

En Allemagne, bien que le gouvernement d’Olaf Scholz fasse partie des plus disciplinés, plusieurs mouvements pour la paix manifestent depuis plusieurs mois, des manifestations qui n’apparaissent jamais sur les radars des médias nationaux ou internationaux.

Tous les lundis, dans les villes de Saxe, de Thuringe, de Saxe-Anhalt et du Brandebourg, des citoyens se rassemblent pour protester contre la politique énergétique du gouvernement, la crise du coût de la vie et son soutien à l’Ukraine. Leurs revendications portent sur la fin des sanctions contre la Russie, le retour à l’utilisation du gazoduc Nord Stream 2 et des pourparlers immédiats avec la Russie pour mettre fin à la guerre.

Les pancartes de ces rassemblements sont simples. On peut y lire « Pas de pauvreté pour la guerre de Biden » ou « Retrait immédiat de l’OTAN d’Ukraine » ou, en anglais, « They got money for war but can’t feed the poor » (Ils ont du pognon pour la guerre mais ne sont pas capables de nourrir les pauvres).

En France, pas l’ombre d’un mouvement pour la paix ! A part la mobilisation de S&P, celle des Cercles citoyens, les partis censés défendre une certaine idée de la soveraineté, à gauche comme à droite, sont aux abonnés absents, à part, avec sa propre vision, les Patriotes de Florian Philippot. La France Insoumise (LFI) de Mélenchon, initialement si critique à l’égard de l’OTAN et ses provocations à répétition, à force d’étudier la légalisation du cannabis, finira-t-elle par se renommer La France Assoupie (LFA) ?

Outre-Rhin, Oskar Lafontaine, qui fut ministre des Finances et président du SPD puis fondateur et dirigeant du parti Die Linke (dont Mélenchon s’était inspiré pour créer son Parti de gauche), vient de publier un livre dans lequel il met les pieds dans le plat en dénonçant la soumission de l’Allemagne :

« L’Allemagne n’est pas un pays souverain », affirmait-t-il déjà le 30 août dans une tribune à Nation World News, fustigeant la classe politique allemande, y compris la direction de Die Linke qui s’est ralliée aux positions de l’Alliance atlantique et que Lafontaine a quitté.

Rappelant la phrase attribuée au poète Eschyle « la vérité est la première victime de la guerre », Lafontaine estime que les Anglo-américains exploitent l’ignorance crasse de la grande majorité des politiciens et des journalistes allemands sur les véritables causes de la guerre en Ukraine. « La préhistoire de la guerre d’Ukraine commence avec l’image que les États-Unis se font d’une nation élue, prétendant être et rester la seule puissance mondiale, explique-t-il. Par conséquent, l’Amérique doit faire tout son possible pour empêcher l’émergence d’une autre puissance mondiale. Cela s’applique non seulement à la Chine et à la Russie, mais aussi à l’Union européenne ou, à l’avenir, peut-être à l’Inde ou à d’autres pays ».

Pour montrer que l’Allemagne n’est pas un pays souverain, Lafontaine évoque le cas de l’aéroport de Ramstein – où le secrétaire américain Lloyd Austin a tenu une réunion avec les vassaux européens —, qui était indispensable à la guerre des États-Unis au Moyen-Orient, en Afrique et en Ukraine.

 Ainsi, lorsque les Américains sont en guerre, l’Allemagne est toujours du côté de la guerre, qu’elle le veuille ou non. Parce qu’il voyait ce lien, Charles de Gaulle, par exemple, ne voulait pas d’installations de l’Otan, c’est-à-dire des États-Unis, sur le sol français. Il disait qu’un pays devait être capable de prendre ses propres décisions en matière de guerre ou de paix.

Depuis la crise des missiles de Cuba en 1962, il est clair que les États-Unis préfèrent risquer la guerre nucléaire plutôt que de voir certains pays alliés tisser des liens avec la Russie et la Chine. « Ces considérations conduisent à la conclusion qu’une superpuissance agressive ne peut pas diriger une ‘alliance défensive’. Après toutes les expériences de ces dernières décennies, combien de temps faudra-t-il à l’Allemagne pour comprendre qu’elle doit prendre sa propre sécurité en main et devenir indépendante des États-Unis ? »

Certains hommes politiques allemands, conscients du danger que représentait la politique américaine, ont tenté de mettre en place une politique étrangère allemande indépendante, conclut l’ancien ministre. Par exemple, Willy Brandt avait conscience que la paix devrait être organisée avec la Russie et ses voisins d’Europe de l’Est après la Seconde Guerre mondiale. Il a appelé au désarmement et à la détente (…) et était convaincu que la sécurité ne pouvait pas être obtenue contre les autres, mais avec eux. Helmut Kohl a négocié l’unité allemande avec Gorbatchev et estimait que la paix et la coopération avec la Russie sont des conditions préalables au maintien de la paix en Europe.