Les promesses thérapeutiques de l’ARN messager

vendredi 1er juillet 2022, par Agnès Farkas

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Et si le vaccin anti-Covid à ARN messager (ARNm) n’était que la révélation d’un arsenal thérapeutique en expérimentation depuis plusieurs décennies, dans des domaines aussi variés que la cancérologie, l’infectiologie, les maladies inflammatoires et même les maladies rares ?

Au-delà des vaccins, de nombreux laboratoires en France et dans le monde travaillent aujourd’hui sur plusieurs médicaments ciblant la molécule d’ARN, dont certains sont déjà utilisés en traitement par ARN messagers.

Depuis 1999, plusieurs thérapies sont conçues sur cette base et en 2018 notamment, deux médicaments ont été approuvés contre l’amylose à transthyrétine (une maladie rare héréditaire évolutive). C’est donc bien sur une technologie connue que les vaccins contre la maladie à coronavirus ont été créés et distribués pour faire face à la pandémie de Covid-19.

Par delà la captation d’opportunité par des sociétés comme Pfizer ou Moderna, qui relève de la domination de circuits financiers dans l’économie mondiale, nous visons ici à établir le caractère scientifique prometteur de la découverte d’un nouveau principe physico-chimique appliqué par l’industrie pharmaceutique.

Le choix des labos

Dans les années 1950, l’acide nucléique d’ARN (acide ribonucléique) de transfert est découvert. Il transporte les acides aminés afin qu’ils soient incorporés sous formes de protéines par de petites usines de synthèse nommées ribosomes.

En 1961, les chercheurs François Jacob, Jacques Monod et Sydney Brenner font la preuve de l’existence de l’ARNm, la molécule qui fait le lien entre la macromolécule d’ADN (acide désoxyribonucléique) et les protéines.

ARN, en bref

Si l’ADN stocke l’information génétique à long terme, l’ARN messager transmet l’information génétique pour faire de nouvelles cellules, en transférant le code génétique du noyau aux ribosomes afin de fabriquer des protéines.

Celles-ci assurent une multitude de fonctions au sein de la cellule vivante et dans les tissus, notamment la reconnaissance par notre système immunitaire d’un corps étranger comme agent infectieux (virus, champignon, bactérie ou parasite). Notre organisme produit alors d’autres protéines (les anticorps) qui les reconnaîtront et les neutraliseront, et les macrophages (globules blancs), qui les digéreront.

La molécule d’ARN messager est une copie transitoire d’une portion de l’ADN. Instable, elle est en principe rapidement détruite. Le message qu’elle porte permet à l’organisme d’apprendre à se défendre.

Le corps humain abrite des centaines de milliers de protéines. Vers la fin des années 1960, pour comprendre leur fonctionnement, la recherche s’est portée sur les corps plus simples que sont les bactéries, qui ne contiennent que 2000 à 3000 protéines différentes. Puis, dans les années 1970-1980, de nouvelles découvertes fondamentales vont démontrer comment les « ARN issus de l’ADN parviennent à se spécialiser afin de donner naissance à une incroyable diversité de protéines ».

« C’est la magie de la molécule d’ARN, explique le chimiste Thomas Robert Cech, elle est à la fois un vecteur d’informations et de fonctions, et de catalyses chimiques. »

Mais la molécule d’ARN a la réputation « quasi mythologique » d’instabilité ingérable, contrairement à celle d’ADN, considérée comme stable et donc préférée par le monde de la recherche, si bien qu’à la fin des années 80, aucun laboratoire au monde n’a encore produit la moindre thérapie basée sur l’ARN.

ADN ou ARN

L’acide ribonucléique (ARN), découvert en 1960, est « une copie de l’acide désoxyribonucléique (ADN) contenant les instructions d’assemblage d’une protéine spécifique ».

Alors que diverses thérapies ADN sont expérimentées, consistant à faire pénétrer des gènes dans les cellules ou les tissus d’un individu pour traiter une maladie, cette technologie difficile peut parfois apporter des modifications au génome. L’idée vient alors « de sauter l’étape ADN » en utilisant l’ARN dans sa fonction de messager.

C’est en 1989 que le principe des vaccins à ARN messager commence à devenir une technologie, qui va émerger, trente ans plus tard, aux yeux du grand public lors de la pandémie de Covid-19.

La biochimiste hongroise Katalin Kariko

Katalin Kariko

En 1990, Katalin Kariko, biochimiste hongroise et professeur à l’Université de Pennsylvanie, propose de mettre au point une thérapie génique basée sur l’ARN messager, et ceci contre la pensée dominante des chercheurs qui travaillent sur la molécule d’ADN 2013.

Les autorités universitaires observent ses travaux avec une suspicion d’autant plus grande qu’elle n’a pas pu suivre le cours existant des chercheurs américains.

Elle rencontre Ugur Sahin, un médecin oncologue et chef d’entreprise germano-turc, et son épouse Özlem Türeci, qui ont créé la société de biotechnologie BioNTech.

Leur objectif est de fabriquer des vaccins contre le cancer en utilisant l’ARN, afin de déclencher une réaction du système immunitaire.

En janvier 2020, s’appuyant sur les recherches de Katalin Kariko, Ugur Sahin et son équipe testent jusqu’à vingt variantes d’un vaccin contre le coronavirus, dont quatre parviennent à une phase de tests cliniques.

C’est une première car à ce jour, les seuls vaccins développés visent plusieurs coronavirus affectant les animaux (par exemple, celui de la diarrhée épidémique porcine).

BioNTech conçoit ainsi le premier vaccin à ARN contre la Covid-19. Deux vaccins seront mis sur le marché en novembre 2020. Un an après, 11 milliards de doses ont été distribuées, vaccinant plus 4,5 milliards de personnes. Devant une telle avancée et présageant de l’avenir de cette technologie, BioNTech annonce alors « son intention de construire d’ici à 2023 une usine de production d’ARN messager à Singapour et une autre en Chine avec son partenaire local Fosun ».

La révolution de l’ARN messager

Comment résumer les 60 ans passés depuis la découverte de l’ARN messager ? Mais surtout, quelles promesses d’avenir offre la découverte des vaccins et des nouvelles thérapies basés sur cette découverte fondamentale ?

C’est cette histoire passionnante que Fabrice Delaye relate à travers les pages de son livre La révolution de l’ARN messager : vaccins et nouvelles thérapies, paru le 29 septembre 2021 chez Odile Jacob.

Les nouvelles voies de l’immunothérapie

« Un des intérêts majeurs de l’utilisation des ARN thérapeutiques est qu’ils permettent de cibler n’importe quelle protéine de l’organisme via son ARNm, offrant de nouvelles solutions thérapeutiques pour des maladies jusque-là non traitées. De plus, ils peuvent être spécifiques d’un seul ARNm, donc d’une seule protéine, générant ainsi moins d’effets indésirables. Enfin, les ARN sont des molécules fragiles dont la durée de vie est limitée, garantissant un effet transitoire, comparé à d’autres stratégies comme la thérapie génique à base d’ADN ou l’édition génomique qui modifient durablement le patrimoine génétique. »

Source : Thérapies à ARN, Inserm.

Depuis les années 1990, la recherche a produit de nombreux anticorps monoclonaux dont 70 ont déjà été mis sur le marché dans les soins de lutte contre le cancer. En 2001, U ?ur ?ahin et Özlem Türeci se spécialisent dans l’identification des antigènes du cancer et dans l’immunothérapie, développant des thérapies basées sur des cocktails d’ARNm individualisés, et notamment sur des vaccins à ARN anti-cancer.

Un ARN thérapeutique

Dans cette nouvelle approche, le protocole thérapeutique est personnalisé. Ainsi, ces ARN thérapeutiques ciblent différents mécanismes dérégulés dans les tumeurs de chaque patient. Car chaque tumeur est « unique » et doit être traitée de manière spécifique pour chaque malade atteint d’un cancer. C’est une révolution thérapeutique.

Déjà un essai clinique contre le cancer de la prostate a été conduit en 2002 aux Etats-Unis. En 2009, des essais thérapeutiques ont été effectués pour traiter les mélanomes. Une régression de 27 % de la tumeur a été observée chez des patients atteints d’un cancer de la peau, et d’autres projets sont actuellement poursuivis sur d’autres formes de cancers : prostate, rein, pancréas, colon, poumon, ovaire, tumeurs cérébrales.

D’autres recherches sur l’ARNm sont en cours contre les maladies auto-immunes comme la sclérose en plaques, ou encore les maladies héréditaires comme l’hémophilie et la mucoviscidose. Et il existe bien d’autres possibilités, comme les maladies cardiaques et certaines allergies qui sont cause de problèmes respiratoires, alimentaires ou médicamenteux.

Outre les vaccins anti-cancéreux, des vaccins à ARNm sont à l’essai clinique depuis 2008. La recherche européenne a également travaillé sur un vaccin contre la rage dès 2009, et contre la grippe en 2018. A ce jour, un vaccin anti-Zika (virus tératogène) est en phase d’essai et une campagne d’essais cliniques de phase 2 est en cours pour un candidat vaccin contre le VIH.

L’ARN, de la découverte aux médicaments.

Quelques dates :

  • 1868 : découverte des acides nucléiques
  • 1940 : mise en évidence de l’ARN
  • 1959 : prix Nobel de médecine attribué aux médecins biochimistes Arthur Kornberg et Severo Ochoa - Synthèse de l’ARN et de l’ADN
  • 1960 : conceptualisation et découverte de l’ARN messager
  • 1965 : prix Nobel de physiologie et de médecine attribué aux biologistes François Jacob, André Lwoff et Jacques Monod - Régulation de l’expression des gènes
  • 1989 : prix Nobel de chimie attribué au biochimiste Robert Holley - ARN de transfert
  • 1990 : première démonstration de production d’une protéine à partir d’un ARN messager injecté chez l’animal
  • 1993 : preuve de concept de la vaccination à ARN messager
  • 1998 : découverte des ARN interférents ; première commercialisation d’un médicament antiviral ciblant un ARN messager
  • 2004 : premier ARN médicament ciblant une protéine (traitement DMLA)
  • 2006 : prix Nobel de médecine attribué aux professeurs de pathologie et de génétique Andrew Z. Fire et Craig C. Mello - Interférence ARN
  • 2010 : premier essai clinique d’un ARN médicament contre le mélanome cutané
  • 2018 : approbation de 2 médicaments basés sur l’ARN (traitement de l’amylose héréditaire à transthyrétine)
  • 2020-21 : 2 vaccins antiCOVID-19 à base d’ARN messager
  • 27 janvier 2022 : Premier vaccin à ARNm contre le VIH, administré sur des humains

Sources :
https://www.ligue-cancer.net/article/75074_larn-medicament-quel-espoir-pour-le-traitement-du-cancer#arn-dates
https://campus.vidal.fr/recommandations/2756/maladies_rares/amyloses_a_transthyretine_attr/

Conclusion

La technologie des vaccins à ARN messager est le fruit de décennies de travaux scientifiques et tous les efforts déployés pour la recherche fondamentale dans le domaine de la santé, doivent bénéficier au monde entier.

En cela, la santé n’a pas de valeur marchande à haute rentabilité et les Etats sont les seuls garants d’une véritable santé publique.

COMMENTAIRES

Alain de Wailly - le 3 juillet 2022

Merci pour cette explication claire. Une interrogation toutefois : les effets annexes toujours possibles sont davantage risqués au niveau de la modification des constituants fondamentaux.

Yves MONTAUD - le 12 janvier 2023

Belles explications de la genèse de l’ARNm et de ses applications qui se veulent toutes positives d’après vous mais vous ocultez tous les effets secondaires et les morts subites entraînée par cette therapie genique anti SarsCov 2. Voilà pourquoi j’irai manifester ce samedi 14 janvier chez les Patriotes qui eux ont déterminé qu’il était prioritaire d’informer et de défendre les personnels suspendus parce que non vaccinés, et ceux atteints d’effets secondaires et parmi eux ceux qui agissent en justice en vue de condamner les coupables et corrompus et ils sont légion, d’avoir vacciner, gonfler les statistiques des morts Covid, bref d’avoir monter cette fausse pandémie ou plandémie dont le seul but n’est pas de soigner mais de diminuer l’immunité naturelle afin de réduire la population mondiale à 550 000 000 voir le Georgia Guidestones. Signé : Yves Montaud adhérent S.P