Les Européens découvrent que les Anglo-américains veulent une guerre de 20 ans

lundi 27 juin 2022

Chronique stratégique du 27 juin 2022 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

À la veille du sommet de l’OTAN, qui se tiendra les 28 et 29 juin à Madrid, l’Union européenne, le Royaume-Uni et les États-Unis ont déclenché une nouvelle provocation en Europe — avec le blocus partiel de l’enclave Kaliningrad par la Lituanie — démontrant, si besoin était, que leur intention est bien de prolonger la guerre le plus longtemps possible, quitte à prendre le risque d’une confrontation nucléaire avec la Russie.

De l’essence sur le feu

Cette fois, c’est la Lituanie, membre de l’OTAN, qui a été choisie comme pion. Le 18 juin, sous la pression de l’Union européenne le gouvernement lituanien a mis en œuvre un blocus partiel sur le transport terrestre entre Moscou et Kaliningrad, sous prétexte d’appliquer les sanctions européennes contre la Russie. Séparée du reste de la Russie par la Lettonie, la Lituanie et la Biélorussie, cette enclave d’un million d’habitants, qui abrite le QG de la flotte navale russe de la Baltique, est approvisionnée essentiellement par une voie de chemin de fer qui passe par Minsk (Biélorussie) et Vilnius (Lituanie).

On aurait voulu aggraver la situation stratégique qu’on ne s’y serait pas pris autrement. En effet, le département d’État américain a publié le 21 juin une déclaration selon laquelle les États-Unis invoqueront l’article V de l’OTAN (une attaque contre un membre est une attaque contre tous) si la Russie prend des mesures.

Joignant l’hypocrisie à la provocation, le haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a affirmé qu’il ne s’agissait pas d’un blocus de Kaliningrad, puisque le transit terrestre de passagers et de marchandises se poursuivait et que « seul » le transport de marchandises figurant sur les listes de sanctions de l’UE avait été arrêté.

La Lituanie n’adopte aucune restriction unilatérale, mais conformément aux sanctions de l’UE, il existe des restrictions à l’importation et à l’exportation de certaines marchandises, y compris le transit de ces marchandises à travers le territoire de l’UE, a déclaré Borrell. La Lituanie ne fait rien d’autre que de mettre en œuvre les lignes directrices fournies par la Commission européenne.

Réponse russe

« C’est un blocus, un blocus partiel du fret qu’ils introduisent essentiellement de cette manière contre notre région », a rétorqué sur Rossiya 1 TV le chargé d’affaires temporaire de Russie à l’ambassade de Russie à Vilnius, Sergey Ryabokon. Le gouverneur de la région, Anton Alikhanov, a quant à lui déclaré sur la BBC que l’interdiction couvrait environ 50% des articles importés par Kaliningrad. Actuellement, les sanctions de l’UE s’appliquent à l’acier et à d’autres produits métalliques, mais elles devraient s’étendre au ciment et à l’alcool le 10 juillet, au charbon et aux autres combustibles solides le 10 août et au pétrole le 5 décembre.

Immédiatement après l’annonce du blocus, le ministère des Affaires étrangères a déclaré que la Russie considérait cette décision comme ouvertement hostile et qu’elle violait les obligations juridiques internationales de la Lituanie, à savoir la déclaration conjointe de 2002 de l’UE et de la Fédération de Russie sur le transit entre la région de Kaliningrad et le reste de la Fédération de Russie.

Cette décision est vraiment sans précédent. C’est une violation d’absolument tout. Nous comprenons que cela est dû à la décision de l’Union européenne d’étendre les sanctions au transit. Nous considérons également que c’est illégal, a déclaré aujourd’hui le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. La situation est vraiment très grave, et elle nécessite une analyse très approfondie avant de préparer des mesures ou des décisions. Cette analyse approfondie sera effectuée au cours des prochains jours.

Cette réponse ne s’est d’ailleurs pas faite attendre : « Dans les prochains mois, nous allons transférer au Bélarus des systèmes de missiles tactiques Iskander-M, qui peuvent utiliser des missiles balistiques ou de croisière, dans leurs versions conventionnelle et nucléaire », a déclaré Vladimir Poutine au début de son entretien récent avec Alexandre Loukachenko à Saint-Pétersbourg.

Les deux dirigeants ont aussi indiqué vouloir moderniser l’aviation du Bélarus pour la rendre capable de transporter des armes nucléaires. « De nombreux (avions) Su-25 sont en service dans l’armée Bélarusse. Ils pourraient être améliorés d’une façon appropriée. Cette modernisation doit être menée dans des usines d’avions en Russie et l’entraînement du personnel débuter en accord avec cela », a ajouté Vladimir Poutine.

Qui veut prolonger le conflit ?

Pour l’ambassadeur italien Stefano Pontecorvo, ancien haut représentant civil de l’OTAN en Afghanistan, le blocus lituanien de Kaliningrad est insensé, illégal et dirigé de l’extérieur. « Cela revient à mettre le doigt dans les yeux des Russes ; c’est de la folie d’un point de vue politique, c’est vraiment une escalade. On peut se demander qui se cache derrière cette décision : les Lituaniens savent très bien que ce n’est pas un geste neutre », a-t-il déclaré dans un talk-show de la télévision nationale La7.

« Je ne veux pas assimiler l’invasion en Ukraine à cette décision et il est vrai que les Russes peuvent atteindre Kaliningrad par la mer, mais il est également vrai que le droit international doit toujours être sauvegardé, a souligné l’ambassadeur. Regardez la carte, la Lituanie peut-elle jamais faire une telle chose toute seule, en prenant la responsabilité de frapper les Russes dans les yeux sans vraiment rien dire à personne ? Je n’y crois pas. L’hypothèse est que le blocus a été convenu au moins avec la Pologne, sinon aussi avec les États-Unis. Il appartient maintenant à l’UE de prendre position et de parler en Lituanie d’un acte qui semble être un casus belli à part entière, a déclaré l’ambassadeur ».

Le moins que l’on puisse, c’est que derrière l’unité de façade contre la Russie, l’Europe est tiraillée de toutes parts. Emmanuel Macron, Mario Draghi et Olaf Scholz, se sont rendus à Kiev le 16 juin pour tenter timidement de gagner Zelensky à une résolution du conflit, sachant pertinemment qu’une prolongation de la guerre en Ukraine, comme le souhaitent Washington et Londres, les mèneraient fatalement à une catastrophe politique et économique dans leurs pays respectifs. Dès le lendemain, le Premier ministre britannique Boris Johnson a effectué une visite surprise à Kiev, afin d’inciter le gouvernement à tenir bon dans une guerre sans fin.

En effet, Boris Johnson aurait proposé au président Zelensky (ou à ceux qui le contrôlent) de rejoindre une nouvelle alliance politique, économique et surtout militaire, constituant une alternative à l’Union européenne, qui comprendrait la Pologne, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie et l’Ukraine – le tout sous contrôle britannique, bien entendu. C’est ce qu’affirment des sources diplomatiques citées par le quotidien italien Corriere della Sera du 26 mai, qui révèlent que l’initiative britannique regrouperait des pays « jaloux de leur souveraineté nationale, libéraux dans leur économie et déterminés à contrer la politique de Moscou ».

Ce qui n’est pas sans rappeler les plans du dictateur polonais Józef Pilsudski (1867-1935) baptisés Intermarium et Prométhéisme, deux projets avortés visant à construire un Commonwealth de nations antirusses de la Baltique à la mer Noire. La variante moderne comprendrait le parapluie nucléaire britannique sur les nations membres, voire le déploiement éventuel d’armes nucléaires sur leur territoire.

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