L’Occident, victime collatérale de la guerre contre l’économie russe

lundi 14 mars 2022

Chronique stratégique du 14 mars 2021 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Si l’issue militaire et politique de la guerre actuelle en Ukraine est imprévisible à ce stade, une chose est toutefois certaine : l’attitude folle des Occidentaux, avec en particulier les sanctions imposées à la Russie, marque la fin de l’ordre mondial contrôlé depuis Washington et Londres, et l’émergence d’un monde nouveau basé sur la coopération et le développement des États-nations.

Nous vous rapportons ici les interventions de trois personnalités – Tucker Carlson, l’animateur vedette de la chaîne américaine Fox News ; Sergueï Glazyev, depuis 2019 ministre de l’intégration et de la macroéconomie de la Commission économique eurasienne, le bloc d’anciens États soviétiques coordonnant ensemble les politiques douanières, de banque centrale, de commerce et de gestion budgétaire ; et enfin le général Thierry Burkhard, chef d’État-major des armées françaises — qui reflètent chacune à sa façon cette réalité.

Les États-Unis seront les grands perdants

Tucker Carlson, ici sur Fox News.

Dans une tribune publiée le 11 mars sur le site realclearpolitics.com, l’animateur de Fox News Tucker Carlson explique que la guerre économique et financière qui a été déclarée contre la Russie est en fait une guerre contre les États-Unis.

Nos systèmes financiers mondiaux nous profitent. Ce n’est peut-être pas juste, mais c’est vrai. (...) Donc, si vous les déstabilisez dans un effort visant à nuire à Poutine, qui déstabilisez-vous vraiment ? Vous déstabilisez les États-Unis, et c’est exactement ce qu’ils ont fait. Lorsque vous attaquez et déstabilisez les systèmes financiers mondiaux, pour le dire encore une fois, vous attaquez et déstabilisez les États-Unis, et non pas Poutine.

Cette déclaration, ainsi que le reste de l’article et ses émissions télévisuelles antérieurs, ont attiré sur Carlson les foudres des médias américains, qui se sont empressés de le qualifier d’agent à la solde de Moscou, à l’image de Newsweek  : « Comment la Russie utilise Tucker Carlson dans sa propagande », ou encore de MSNBC : « Tucker Carlson de Fox amplifie les affirmations du Kremlin ».

« Sans broncher, l’administration Biden a déclaré une guerre économique totale à un pays souverain, explique Carlson. (Pourtant) aucun Américain n’a été tué. Les États-Unis n’ont pas été envahis ni attaqués et pourtant, sans le moindre débat ni autorisation du Congrès (obligatoire pour tout départ en guerre), l’administration Biden a détruit la monnaie de ce pays (la Russie), puis coupé son accès au système bancaire international. Puis l’administration s’est mise à confisquer les biens des personnes affiliées à ce pays, sans un semblant de procès équitable ou de jugement, sans même prendre la peine d’expliquer exactement quel crime elles avaient commis. (...) Comme la cible est la Russie, très peu d’Américains y ont fait attention. Ils soutiennent leur gouvernement. Pratiquement personne ne s’est arrêté pour se demander où cela pouvait bien mener ».

Carlson a ensuite ridiculisé l’affirmation de Biden selon laquelle Poutine était la cause de l’inflation aux États-Unis, rappelant qu’elle était en fait le résultat de la politique d’assouplissement quantitatif de la Fed, « un système classique de Ponzi » — système dont nous atteignons aujourd’hui le stade final, comme l’a bien souligné l’animateur américain, sans pour autant apporter aucune solution.

Grâce à la mauvaise gestion de l’administration Biden, le prix des produits de base ont augmenté de façon spectaculaire — potasse, engrais, blé. Le nickel a augmenté de 250% en deux jours. Qui va payer pour tout cela ? Vous ! C’est la plus grosse hausse d’impôts de votre vie, et, soit dit en passant, cela pourrait très facilement s’empirer.

Glazyev : l’économie russe va résister

L’économiste russe Sergei Glaziev.

Selon Sergei Glazyev, par ailleurs professeur d’économie, membre de l’Académie des sciences de Russie et ami de l’Institut Schiller et du mouvement LaRouche, un nouvel ordre économique mondial est en train de se développer, remplaçant l’ordre actuel en faillite. « Tout comme le système soviétique s’est effondré il y a 30 ans, nous assistons aujourd’hui à l’effondrement du système centré sur l’Amérique », explique-t-il dans une interview en russe disponible (pour l’instant) sur YouTube.

Glazyev dénonce le fait que la saisie par les Anglo-Américains de centaines de milliards de dollars d’actifs de la Banque centrale de Russie est un acte caractérisé de piraterie, comparable à l’accumulation de richesses de l’Empire britannique au moyen du pillage des autres pays du monde. « Il s’agit d’une maladie inhérente au système financier anglo-saxon ».

La politique anglo-saxonne peut avoir pour objectif de détruire la Russie, mais la réalité est que l’Occident se détruit lui-même en imposant ces sanctions, a lancé l’économiste. (Par conséquent) les Russes et les autres doivent comprendre qu’il est nécessaire de se débarrasser du dollar, qui s’est transformé en véritable poison, a expliqué le professeur d’économie. Quel besoin a-t-on d’une monnaie avec laquelle on ne peut pas travailler, avec laquelle on ne peut rien acheter et qui peut être gelée du jour au lendemain  ?

Glazyev s’est dit optimiste quant au fait que les marges de progression de la croissance économique russe sont quasi illimitées, et qu’avec les bonnes politiques macroéconomiques, la Russie pourrait atteindre un taux de croissance de 10 % par an. « L’augmentation de l’offre de biens, a-t-il dit, est le meilleur moyen de stabilisation macroéconomique ».

Selon lui, les sanctions n’affectent réellement que 10 % de la consommation russe totale, et l’économie russe ne devrait pas avoir de difficultés à se stabiliser. Concernant la « transition énergétique », Glazyev estime que les vrais climatologues se moquent de cette idée. L’impact de l’homme sur le climat est peut-être de 5%, alors que l’activité solaire en représente 90%.

L’économiste russe conclu en disant que si la Russie crée une coalition internationale ample avec la Chine et l’Inde, la puissance américaine sera balayée. La question est de savoir si l’establishment anglo-américain va conduire le monde à la destruction plutôt que d’accepter de disparaître lui-même...

Général Thierry Burkhard : l’armée ukrainienne pourrait s’effondrer soudainement

A mille lieux du ton triomphant de l’OTAN et des médias orwelliens,le journal Le Figaro cite le général Burkhard, chef d’État-major des armées françaises, qui « craint un effondrement soudain des forces ukrainiennes » :

Pour ce qui concerne la suite des événements, je considère qu’en dépit de la remarquable résistance dont elles font preuve, les forces ukrainiennes, confrontées à la difficulté de tenir un dispositif étiré, sans réserve opérative, pourraient connaître un effondrement subit, écrit le général dans un courrier adressé aux officiers généraux en date du 9 mars.

Le général Thierry Burkhard.

La multiplication des fronts épuise aussi l’armée ukrainienne, et sa chaîne de commandement est soumise à rude épreuve. « La défense civile – ou territoriale – ne prendra pas pour autant fin, notamment dans les localités assiégées », ajoute cependant le général en annonçant le basculement inéluctable de la guerre en guérilla.

Enfin, montrant que le bouleversement de l’ordre mondial en cours est dans les esprits au plus haut niveau en France, le général écrit :

Les sanctions prises par la communauté internationale à l’encontre de la Russie frappent durement l’économie russe bien sûr, mais également les économies occidentales, et en particulier européennes. A moyen terme, l’une des conséquences de cette guerre sera sans doute une restructuration des relations économiques mondiales.

Comme l’a dit Jacques Cheminade dans son « Éclairage » du 10 mars (voir ci-dessous), « les imbéciles dangereux », parmi les va-t-en-guerre américains et européens, « se tirent une balle à la fois dans les pieds et dans la tête, à eux-mêmes d’abord, et à tous les autres ensuite ».

Il est plus que temps d’échapper à ce somnambulisme suicidaire.

Nous vous encourageons donc, chers lecteurs, à signer et à faire circuler l’appel de l’Institut Schiller à convoquer une conférence internationale afin d’établir une nouvelle architecture de sécurité et de développement pour toutes les nations.