Poutine et Xi Jinping appellent à une « nouvelle ère » de sécurité et de développement

mardi 8 février 2022

Chronique stratégique du 8 février 2021 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Vendredi dernier, suite à la cérémonie d’ouverture des XXIVe Jeux olympiques d’hiver en Chine, Xi Jinping et Vladimir Poutine se sont longuement entretenus. Les deux présidents ont ensuite annoncé 15 accords économiques et politiques et publié une « Déclaration conjointe de la Fédération de Russie et de la République populaire de Chine sur l’entrée des relations internationales dans une nouvelle ère ».

Chine et Russie unies contre l’impérialisme

Le document de 16 pages est un appel à l’action pour l’humanité, et non un appel à « prendre parti » dans des jeux géopolitiques mortels, comme l’ont interprété la plupart des médias occidentaux.

Dans la première section du document, les deux nations font état — sans citer de noms – du fait que certaines nations et personnalités adoptent « des approches unilatérales pour résoudre les problèmes internationaux et ont recours à la force ; elles interviennent dans les affaires intérieures d’autres États, empiétant sur leurs droits et leurs intérêts, et incitent aux contradictions, aux différences et à l’affrontement, entravant ainsi le développement et le progrès de l’humanité… »

Dans le premier volet, la déclaration rappelle que « la démocratie est une valeur humaine universelle, plutôt qu’un privilège d’un nombre limité d’États… » Il est donc inacceptable que « certains États » tentent d’imposer « leurs propres ‘normes démocratiques’ à d’autres pays » et agissent pour « établir des blocs » qui vont à l’encontre de la véritable démocratie.

Deuxièmement, « le développement est le moteur essentiel pour assurer la prospérité des nations », et donc la sécurité. « Il est vital de renforcer les relations de partenariat » pour favoriser le développement. La Chine et la Russie s’engagent à renforcer la coopération entre l’initiative « la Ceinture et la Route » et l’EAEU (Union économique eurasienne). La Russie participera au Groupe des amis de l’initiative mondiale pour le développement (proposée par la Chine) sous les auspices de l’ONU.

Troisièmement, la section la plus longue, qui traite des « graves problèmes de sécurité internationale », contient la déclaration catégorique suivante : « Les deux parties [terme utilisé dans la déclaration pour désigner la Russie et la Chine] s’opposent à un nouvel élargissement de l’OTAN et appellent l’Alliance de l’Atlantique Nord à abandonner ses approches idéologisées de la guerre froide… » De même, « la partie chinoise est favorable aux propositions avancées par la Fédération de Russie pour créer des garanties de sécurité à long terme juridiquement contraignantes en Europe et les soutient ». Les deux parties sont également « opposées à la formation de structures de blocs fermés et de camps opposés dans la région Asie-Pacifique... », et « la partie russe réaffirme son soutien au principe d’une seule Chine, confirme que Taïwan est une partie inaliénable de la Chine et s’oppose à toute forme d’indépendance de Taïwan ».

La quatrième section met en exergue « le rôle central de coordination dans les affaires internationales » des Nations unies, et appelle à la coopération et non à la confrontation entre les puissances mondiales. Le rôle du G20, des BRICS, de l’APEC, de l’ASEAN et de l’OMC (qui devrait faire l’objet d’une « réforme ») est longuement évoqué. Les deux parties « préconisent une fonctionnalité élargie de la structure régionale antiterroriste de l’OCS ». La récente « Déclaration conjointe des dirigeants des cinq États dotés d’armes nucléaires sur la prévention de la guerre nucléaire et la prévention des courses aux armements » est confirmée et les étapes de la réduction des armes et des risques nucléaires sont discutées.

L’Empire britannique serre les dents

Cette initiative positive met en évidence la dangereuse géopolitique en jeu concernant l’Ukraine, les stratagèmes des États-Unis, du Royaume-Uni et de l’OTAN. Il est d’ailleurs très instructif de lire la réaction du Daily Telegraph, grand porte-parole de l’Empire britannique et de la City de Londres. L’article, intitulé « La Russie et la Chine se lèvent pour contester la domination des États-Unis », constate amèrement : « Le message est tout sauf routinier. À un moment de très grande tension internationale, la Russie et la Chine affirment l’arrivée d’une nouvelle ère géopolitique. Désormais, la domination de l’Occident mondial dirigé par les États-Unis ne sera plus considérée comme acquise, ni tolérée ».

Après des décennies d’humiliation, les superpuissances autocratiques du monde se sont relevées et vont maintenant mettre fin à l’ordre mondial inéquitable de l’après-guerre froide, poursuit le Telegraph, ajoutant que nous entrons maintenant dans une deuxième guerre froide longue et glaciale.

Forcé de reconnaître que les multiples efforts pour monter la Russie et la Chine l’une contre l’autre ont échoué, le quotidien britannique écrit : « L’espoir que M. Xi puisse être persuadé de contenir son allié ou de rester allié — ou à l’inverse que M. Poutine puisse être enrôlé pour aider à contenir la Chine — a été anéanti ».

Autrement dit : il ne reste à l’Empire anglo-américain qu’une seule option, la guerre, tant militaire qu’économique, afin de mettre la Russie et la Chine à genoux.

Pour une nouvelle architecture de sécurité internationale

« Lorsqu’on a l’esprit les 100 secondes avant minuit sur l’horloge de la guerre nucléaire, on ne peut nier que nous sommes une communauté de destin indivisible », écrit Mme Helga Zepp-LaRouche, la présidente internationale de l’Institut Schiller, dans le mensuel Neue Solidarität. Ces dernières semaines, des voix plus pondérées se sont prononcées en faveur d’une nouvelle architecture de sécurité paneuropéenne incluant la Russie et l’Ukraine, qui pourrait être inscrite dans un nouvel accord d’Helsinki. Toutefois, compte tenu de la complexité de la situation mondiale, de la menace pour la paix mondiale qui touche tous les États et du caractère indissociable de la sécurité de tous, il est nécessaire d’aller au-delà d’Helsinki et de créer une architecture de sécurité internationale qui englobe les intérêts de sécurité de tous les États de la planète.

Cette architecture doit être fondée sur les principes de la paix de Westphalie, c’est-à-dire qu’elle doit garantir les intérêts de tous les États et, surtout, leur droit au développement économique et culturel. Le maintien de la paix mondiale suppose un renoncement total et définitif à la politique malthusienne, et exige un accès sans partage aux acquis du progrès scientifique et technologique pour toutes les nations. Ce nouvel ordre, condition de la survie de l’espèce humaine, exige un nouveau paradigme de pensée qui doit puiser dans les meilleures traditions de toutes les cultures au plus haut niveau humaniste.

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