L’industrie automobile vent debout contre le Green New Deal européen

jeudi 20 janvier 2022, par Karel Vereycken

Certains constructeurs automobiles européens réalisent enfin que les diktats climatiques cauchemardesques de l’UE sonnent le glas pour leur industrie et pour leurs clients.

Le 18 janvier, dans une interview publiée par Les Echos (France), Handelsblatt (Allemagne), Corriere della Sera (Italie) et El Mundo (Espagne), Carlos Tavares, le PDG de Stellantis [1] a ouvertement fait part de ses doutes quant à la politique de l’UE visant à interdire la vente de véhicules à moteur à combustion d’ici 2035.

Tavares met en garde la Commission européenne contre les graves conséquences, notamment sociales, de sa politique visant à décarboner l’industrie automobile en passant au tout-électrique (lire cet article sur Le scandale de la voiture électrique), critiquant une stratégie qui augmentera de 50 % le coût d’achat d’un véhicule !

Carlos Tavares n’a pas changé d’avis. Depuis le vote en juillet dernier interdisant la vente des voitures à moteurs thermiques d’ici à 2035, il tire à boulets rouges sur cette décision de la Commission européenne.

Déjà le 1er décembre 2021, soutenu par d’autres constructeurs européens, Allemagne à part, il avait formulé ses critiques notamment lors du sommet Reuters Next : « Ce qui a été décidé, c’est d’imposer à l’industrie automobile une électrification qui ajoute 50% de coûts additionnels à un véhicule conventionnel. Il est impossible que nous répercutions 50% de coûts additionnels au consommateur final, parce que la majeure partie de la classe moyenne ne sera pas capable de payer », avait-t-il prévenu.

« Ce qui est clair est que l’électrification est la technologie choisie par les politiques, pas par l’industrie », affirme-t-il. « Ne pas regarder l’ensemble du cycle de vie des voitures électriques est évidemment très restrictif », souligne-t-il. « Avec le mix énergétique européen, un véhicule électrique doit rouler 70.000 km pour compenser la mauvaise empreinte carbone de fabrication de la batterie et commencer à creuser l’écart avec un véhicule hybride léger », souligne-t-il.

Comme alternative, Tavares plaide pour des véhicules hybrides légers : « On sait aussi qu’un véhicule hybride léger coûte moitié moins qu’un véhicule électrique », observe Tavares. « Il ne faut pas perdre de vue non plus que nous risquons (...) de perdre les classes moyennes qui ne pourront plus acheter de voiture et qu’il y aura des conséquences sociales. » « Au total, vaut-il mieux accepter de faire rouler des voitures hybrides thermiques très performantes pour qu’elles restent abordables et apportent un bénéfice carbone immédiat, ou faut-il des véhicules 100% électriques que les classes moyennes ne pourront pas se payer, tout en demandant aux États de continuer à creuser le déficit budgétaire pour les subventionner ? », argumente-t-il.

« C’est un débat de société que je rêverais d’avoir, mais pour l’instant je ne le vois pas. ». « C’est la brutalité du changement qui crée le risque social », souligne Carlos Tavares. Car « sans transition progressive, les conséquences sociales seront majeures », craint-il. « Nous verrons dans quelques années les fabricants qui auront survécu et les autres », conclut-il.

Syndicats, dirigeants, fournisseurs et sous-traitants sont inquiets : les ventes de voitures neuves n’ont pas rebondi en 2021, elles ont fait pire qu’en 2020, et même leur plus mauvais score depuis 1990. Les chaînes d’approvisionnement sont à l’agonie puisque les semi-conducteurs font défaut.

De plus la fabrication d’un moteur électrique demande « 3,5 fois moins de temps » que pour un moteur thermique et « six à sept fois moins de pièces », selon des professionnels interrogés par le magazine Capital en octobre dernier. En l’absence de la création de nouvelles filières industrielles capables d’absorber la main d’œuvre qualifiée, le saccage social et le désastre industriel deviendront une certitude.


[1Cartel automobile fondé il y a un an et regroupant 15 marques dont Citroën, DS Automobiles, Opel, Peugeot, Vauxhall, Abarth, Alfa Romeo, Chrysler, Dodge, Fiat Automobiles, Fiat Professionnal, Jeep, Lancia, Maserati et Ram