Qui a dit que l’économie chinoise marquait le pas ?

mercredi 19 janvier 2022

Chronique stratégique du 19 janvier 2021 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Au moment où le parti de la guerre britannique et américain s’efforce d’humilier la Russie et la Chine dans des confrontations sur l’Ukraine et Taïwan, la publication récente des données économiques annuelles de la Chine montre que son économie croît à nouveau plus rapidement que celle des États-Unis en 2021. Plus important encore, les lignes de crédit sont entièrement ouvertes, tant pour l’industrie nationale chinoise que pour les prêts alloués à l’Initiative de la Ceinture et de la Route, alors que les prêts des banques américaines resteront bloqués tant que les méga banques dominantes de Wall Street ne seront pas démantelées et réorganisées.

Une croissance chinoise plus forte que prévue

Au début de l’année 2021, sûrs d’eux-mêmes, les analystes financiers et les économistes de New York et de Londres prédisaient une « reprise fulgurante » de l’économie américaine, après ce qui était censé n’être qu’une récession passagère induite par la pandémie, qui l’amènerait à dépasser l’économie chinoise en 2021 et 2022. Pour ne pas changer les bonnes habitudes, ils se sont trompés.

Le PIB de la Chine a augmenté de 8,1 % sur l’année et, comme l’estime l’ancien économiste en chef de la Banque mondiale, Justin Yifu Lin, l’économie chinoise pourrait devenir la plus importante du monde en termes de PIB en 2028, et non en 2030 comme il l’avait précédemment prévu. La production industrielle a augmenté de 9,6 %, les investissements en actifs fixes [1] de 4,9 %, la création d’emplois de 12,69 millions et les ventes au détail de 12,5 %, selon le communiqué du Bureau national des statistiques du 17 janvier. En Chine, le revenu personnel disponible réel, après inflation, a augmenté de 8,1% en 2021 — et de 7,1% pour les zones urbaines — tandis que le salaire hebdomadaire réel moyen des Américains a baissé de 2,3% sur l’année.

Au milieu d’une crise stratégique où un partenariat efficace entre la Russie et la Chine a permis de contrecarrer une tentative de « révolution de couleur » au Kazakhstan et fait pression pour empêcher l’Ukraine d’adhérer à l’OTAN, ce développement rend la réalité plus claire pour les décideurs américains. Les sanctions du Trésor américain, notamment les tarifs douaniers anti-chinois, ne fonctionnent pas contre ces deux grandes puissances économiques et technologiques, bien qu’elles dévastent les pays en développement visés et condamnent des millions d’Afghans à la mort ou à l’exil. La Chine est parvenue à prendre rapidement des mesures réglementaires contre les pénuries soudaines de charbon, la flambée des prix et même les pannes d’électricité à la fin de l’été, tandis que l’Europe brille par son incapacité à mettre la moindre solution.

Stagnation économique et hypertrophie financière

Cette dynamique de l’économie chinoise n’est pas sans conséquences pour la Réserve fédérale et l’hégémonie du dollar. En effet, alors qu’à la fin de l’année 2021 la Banque populaire de Chine a effectivement baissé les taux d’intérêt ainsi que le ratio de réserves obligatoires pour les banques, la Fed prévoit plusieurs hausses des taux pour « contrôler l’inflation » qui est hors de contrôle, avec 7% pour les biens de consommation et près de 10% pour les biens de production aux Etats-Unis. Mais ses données montrent vraisemblablement aux gouverneurs de la Fed que l’économie réelle américaine se contracte à nouveau, après avoir échoué à retrouver ne serait-ce que les niveaux d’activité du début de 2020, avant le COVID. Une hausse marquée des taux d’intérêt à court terme, et l’impact sur les taux à long terme, pourraient non seulement faire éclater la « everything bubble » de la dette, mais aussi déclencher une nouvelle et profonde récession.

La production industrielle américaine a légèrement baissé, de 0,1 % en décembre, retrouvant à peu près son niveau de fin 2019 et inférieure de 3 % à son niveau de mi-2018. La production manufacturière a baissé de 0,3 % en décembre et est inférieure d’environ 5 % à son niveau de mi-2018 ; là encore, elle est égale à celle de fin 2019. L’investissement et l’emploi dans la construction sont plus faibles qu’en 2018, en particulier dans les « structures publiques et gouvernementales », bien que les entrepreneurs s’attendent à de nouveaux contrats d’autoroutes et de ponts grâce à la loi sur les infrastructures de 1 200 milliards de dollars qui vient d’être adoptée. Les ventes au détail ont également baissé en décembre, en réaction à l’inflation des biens de consommation.

Mais le contraste le plus spectaculaire entre les économies américaine et chinoise est l’efficacité de la politique de crédit : l’encours des prêts des banques chinoises, y compris les prêts à l’étranger, a augmenté de 11,7 % sur l’année ; et bien que les grandes banques de Wall Street et les banques régionales américaines soient gavées des milliers de milliards de dollars grâce aux programmes d’assouplissement quantitatif de la Réserve fédérale, l’encours des prêts des banques américaines a augmenté de moins de 0,5 % en 2021.

Autrement dit, les conditions sont réunies pour mettre sur la table une initiative pour un nouveau système de crédit et monétaire international, un « nouveau Bretton Woods » à la Roosevelt. Elle pourrait notamment venir des nations du « triangle stratégique » eurasien que sont la Chine, la Russie et l’Inde, et être proposée aux États-Unis comme alternative aux crises stratégiques — en cherchant conjointement le bénéfice des pays tiers.

Une initiative qui devrait commencer par des infrastructures de santé performantes et une aide alimentaire pour l’Afghanistan et les autres nations, qui ont été détruites par la guerre et les sanctions occidentales, comme le proposent Solidarité & progrès et l’Institut Schiller.

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[1Les actifs fixes sont les actifs corporels ou incorporels issus de processus de production et utilisés de façon répétée ou continue dans d’autres processus de production pendant au moins un an. Les actifs fixes sont une notion de comptabilité nationale. Ils font partie de la nomenclature des actifs non financiers.