Les négociations stratégiques USA-Russie dans le viseur des faucons

lundi 10 janvier 2022

Chronique stratégique du 10 janvier 2021 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

S’il est impossible à ce stade de présager ce qui va passer lors des réunions à Genève entre les Etats-Unis et la Russie, et ce qui en sortira, il est certain que toutes les forces impliquées – du côté des partisans de l’empire anglo-américain comme du côté des partisans d’une nouvelle entente Est-Ouest — sont sur le pont, conscientes que la semaine qui débute en ce 10 janvier est cruciale, face au risque imminent d’escalade entre les deux principales puissances nucléaires.

Dimanche soir à Genève, dans un contexte de tensions extrêmes, les négociations stratégiques entre les Etats-Unis et la Russie ont commencé de façon informelle par un dîner entre la chef de la délégation américaine, Wendy Sherman, secrétaire d’Etat adjointe, et Sergey Ryabkov, vice-ministre des Affaires étrangères, et leurs équipes, à la résidence de l’ambassadeur américain auprès de la Conférence du désarmement.

A partir de lundi et pendant deux jours, les pourparlers officiels entre les deux pays s’enchaînent, dans l’objectif de trouver une issue à la crise stratégique qui se noue autour de l’Ukraine. Comme nous l’avons déjà rapporté, ces négociations seront suivies le 12 janvier par une rencontre à Bruxelles entre les responsables de l’OTAN et de la Russie, et le 13 janvier, à Vienne, par un sommet dans le cadre de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

Dès son arrivée dimanche à Genève, Ryabkov s’est montré plutôt pessimiste sur la possibilité de voir les Etats-Unis et l’OTAN considérer sérieusement les deux projets de traité de sécurité mis sur la table par Moscou :

Honnêtement, je doute que nos collègues américains soient prêts pour une telle discussion, à en juger par les signaux qui nous ont été donnés de voir ces derniers jours. (…) Il serait naïf de s’attendre à des progrès, étant donné la présentation publique révisée de la position que nous voyons aujourd’hui, juste avant le début des contacts.

En effet, la veille, le très atlantiste secrétaire d’Etat américain Anthony Blinken a accusé la Russie d’envahir le Kazakhstan, faisant le parallèle avec la situation en Ukraine en affirmant que « s’il y a une leçon de l’histoire récente à retenir, c’est qu’une fois que les Russes sont dans votre maison, il est parfois très difficile de les faire partir » — une déclaration qui n’a semblé susciter chez M. Blinken aucun état d’âme vis-à-vis de l’histoire récente des vingt ans d’occupation américaine en Afghanistan et en Irak, sans parler de la présence sur tous les continents des bases militaires US et autres contingents de forces spéciales…

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Blinken en a remis une couche dimanche matin, lors de deux interviews télévisées, en réitérant sa litanie d’accusations contre la Russie, et en affichant toute la mauvaise volonté possible à la veille des pourparlers de Genève. C’est ainsi qu’il a apporté trois arguments pour étayer son affirmation selon laquelle « nous ne verrons pas de percées dans les semaines à venir » : 1/ parce que « tout progrès doit être réciproque » — autrement dit : les États-Unis et l’OTAN formuleront des exigences qu’ils savent inacceptables pour la Russie ; 2/ parce qu’il ne peut y avoir « rien sur l’Europe, sans l’Europe » — ce qui veut dire que les États-Unis s’en serviront comme prétexte pour faire de l’obstruction ; et 3/ « il est difficile de s’attendre à des progrès lorsque la Russie tient un pistolet sur la tempe de l’Ukraine ». C’est là le grand mensonge, qui remonte au coup d’État anglo-américain de Maidan en 2014, et au dénis des médias et des institutions occidentales.

Depuis 2014, Solidarité & progrès et l’Institut Schiller ont mis en lumière le fait l’Ukraine est utilisée par les forces géopolitiques occidentales, qui sont associés au système financier spéculatif en faillite de la City et Wall Street, comme point de mire pour déclencher une épreuve de force stratégique avec la Russie — une épreuve de force qui en est déjà à un point plus dangereux que la crise des missiles de Cuba en 1962, et qui pourrait facilement aboutir à une guerre thermonucléaire qui ne laisserait ni vainqueur ni survivant.

Heureusement, des initiatives positives sont prises. Aux Etats-Unis, quinze organisations — dont des associations de vétérans, de diplomates, de groupes religieux et autres — ont adressé le 8 janvier une lettre ouverte au président Joe Biden, sur le type de négociations à mener avec la Russie cette semaine, dans l’intérêt commun de toutes les nations et de tous les peuples. Intitulée « Renforcer davantage les efforts diplomatiques et éviter la guerre », la lettre a également été envoyée à M. Blinken, au sénateur Charles Schumer et à la députée Nancy Pelosi, et elle circule par le biais du Comité américain pour l’accord États-Unis-Russie.

Exprimant un point de vue bipartisan (démocrate et républicain), les auteurs de la lettre appellent les États-Unis à rejeter l’expansion de l’OTAN :

Il est dans l’intérêt des États-Unis, de la région et du monde de s’attaquer à ces causes profondes de tensions avec la Russie dans le cadre d’un dialogue stratégique permanent. (…) Un engagement continu est nécessaire pour éviter un conflit militaire qui nuira aux intérêts des États-Unis, aux civils innocents en Ukraine et qui risque de dégénérer en une guerre potentiellement catastrophique entre les deux principales puissances nucléaires du monde.

A bon entendeur !

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