Zemmour : il est beau, mais il est surtout Bolloré

vendredi 19 novembre 2021

Chronique stratégique du 19 novembre 2021 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Zemmour est peut-être moins beau qu’il en a l’air. Un long article publié le 16 novembre par deux journalistes d’investigation du Monde vient confirmer un secret de polichinelle, à savoir que l’ascension soudaine d’Eric Zemmour reflète les ambitions du milliardaire français Vincent Bolloré, d’imposer son pouvoir tout en se vengeant de ceux qu’il voit à l’origine de ses déconvenues.

Les tensions entre le président Macron et Bolloré sont montées en flèche suite à leur rencontre en juin dernier à l’Élysée. « J’entends beaucoup dire que vous me prêtez des intentions qui ne sont pas les miennes », a déclaré Bolloré à Macron. Et lorsque Brigitte lui demande « comment peut-on vous aider », la réponse est venue, « bien sèche sous la formule de politesse : ‘Je vous remercie, Madame. En rien’ ».

Quatre mois auparavant, le 26 février, à la surprise générale, le Tribunal de Paris avait décidé de renvoyer l’homme d’affaires devant un tribunal correctionnel, alors même qu’il avait accepté de plaider coupable et négocié le paiement de 12 millions d’euros d’amendes dues dans une affaire de corruption au Togo. « Vincent Bolloré s’est convaincu que le président est derrière cette décision judiciaire ».

Bolloré enrage également de voir Macron pousser « le leader mondial du luxe, le puissant patron de LVMH, Bernard Arnault, à entrer dans la bataille pour le contrôle du groupe Lagardère que Bolloré s’apprête à dévorer ».

Zemmour, avec qui il s’entretient quotidiennement au téléphone, et dont les obsessions identitaires et anti-islamiques colonisent le débat, est devenu l’option nucléaire du milliardaire de Concarneau. Sa chaîne de télévision CNews s’est mise à la disposition du quasi-candidat et a triplé son audience.

La dernière obsession de Bolloré est de créer un think-tank consacré à « la défense de l’identité française ». « Le play-boy s’exaspère du néoféminisme et de la remise en question du ‘mâle traditionnel’. Comme beaucoup d’hommes de sa génération, le ’wokisme’, ce concept qui prône la défense de toutes les minorités, l’exaspère ». Pour lui, « l’homme blanc [est] menacé par l’idéologie dé-coloniale », écrit Le Monde.

Sa jeunesse s’évapore, il s’est mis à croire à la fameuse ‘guerre de civilisations’, dont parle Eric Zemmour, et les candidats de LR qui rêvaient d’un appui en ce début de campagne doivent aujourd’hui prendre leur mal en patience.

Comme nous l’avons déjà rapporté sur ce site, le démagogue Steve Bannon, pour qui le monde est le théâtre d’une bataille à mort entre les nationalistes « judéo-chrétiens » et les mondialistes dominés par la Chine, se dit quant à lui intéressé à l’idée de promouvoir la campagne présidentielle de Zemmour. Pour cela, Bannon a annoncé son intention de publier en anglais les écrits du polémiste, et nous promet une version francophone de son podcast The War Room, à partir de janvier.

Mercredi, la société savante « Royal Institution » de Londres, a annulé la réservation de la salle où Éric Zemmour devait donner un dîner de levée de fonds devant 300 expatriés français – et ce 48 heures avant l’événement et alors qu’elle était entièrement payée. Le couvert coûtant 7500 euros par personne (la contribution financière maximale légale à un candidat), le dîner aura néanmoins lieu, mais dans une autre salle dont le lieu n’a pas encore été divulgué.

Selon Le Point, la police française a arrêté deux hommes en possession d’armes à feu qui affirmaient se préparer à un combat, y compris violent, pour défendre Zemmour et ses idées. Tous deux sont des adeptes d’extrême droite de « l’accélérationnisme », une théorie développée aux États-Unis, notamment par le néonazi James Mason, dont le livre Siège a été traduit par le groupuscule d’extrême droite français Vengeance patriote. Selon Le Point, l’accélérationnisme d’ultradroite part de l’idée qu’il faut « hâter la guerre raciale pour que les Blancs y survivent – en France, ils considèrent que cette guerre a commencé par les attentats de 2015, et que la seule chance de survie, c’est d’accélérer le chaos ».

Rien ne prouve que cela ira si loin, mais tout cela ne crée pas les conditions d’un vrai débat digne d’une campagne présidentielle.

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