Fabrice Grimal : la souveraineté commence par la monnaie

samedi 2 octobre 2021, par Tribune Libre

Intervention de Fabrice Grimal, entrepreneur et écrivain, candidat présidentiel de La Concorde citoyenne, lors du débat sur le thème « Se libérer de l’oligarchie financière », organisé par Solidarité & Progrès le 25 septembre 2021 à Paris.

Compte-rendu de l’événement et liens vers les autres interventions.

Bonjour à tous et à toutes,

Merci d’être venus et merci à ceux qui nous accueillent, Solidarité et Progrès, Jacques Cheminade et toute son équipe. Je vois des têtes connues, Sébastien, Benjamin, Rémi, merci pour le travail formidable que vous faites.

Pour cette question que vous nous posez aujourd’hui – et on a à peu près tous la réponse – comment se libérer de l’oligarchie financière ? Par la souveraineté évidemment, l’indépendance, ce point commun qu’on a tous et qui nous réunit ici, cet antidote naturel à l’oligarchie financière qui, par essence, est transnationale et à qui rien ne fait plus peur que des frontières et des Etats-nations cohérents, dirigés par des gens qui ont le sens de l’intérêt de leur peuple, chevillé au corps.

Pour y parvenir, pour parvenir à nos fins – cela a été suffisamment dit – dans le cadre des institutions actuelles il nous faut des partis, c’est obligatoire, et c’est un autre point commun que nous avons avec tous les intervenants d’aujourd’hui. Le mien est très récent, il est en pleine création, et pour bien situer d’où je parle, je vais vous en dire un peu plus sur la démarche qui fait que je suis devant vous aujourd’hui.

Il s’appelle donc La Concorde citoyenne. C’est le fruit en grande partie d’un mouvement magnifique, qui s’appelle les Gilets jaunes, dont François Asselineau a parlé tout à l’heure, l’autre révolution avortée. Avortée, car mal préparée, pas préparée pour ainsi dire, livrée à elle-même, avec une hostilité maximum des médias, du pouvoir politique et l’obéissance souvent aveugle des forces de l’ordre. Ce mouvement est un véritable symbole de la fusion de deux problèmes majeurs, de deux événements majeurs qui ont conditionné la société française et ses réflexions depuis une quinzaine d’années, je pense évidemment à la trahison du référendum de 2005 et à la crise financière de 2008.

C’est de ce cocktail qu’est né le mouvement des Gilets jaunes. C’était à la fois une demande de justice sociale pour la fin du mois dans un pays en déclassement accéléré, et en même temps, la dépossession démocratique de 2005, la prise de conscience des Français que leur démocratie avait été prise en otage, qu’il n’y avait plus de démocratie que le nom, et que les élections tournaient le plus souvent à la mascarade, jusqu’à des taux d’abstention absolument délirants qu’on a vus aux dernières élections locales. C’est le plus grand mouvement social depuis Mai 68, certains diront même avant. Il a agrégé des forces citoyennes venues de tous les horizons, des gens de droite et des gens de gauche.

Des groupes, des collectifs se sont formés dans tous les sens, avec une aspiration à la structuration, au sérieux. Rien n’avait été préparé à l’avance, donc il a fallu tout faire dans l’urgence du moment, dans le chaos du moment, avec les forces que l’on avait. Et face à cette incapacité qui est la nôtre de trouver le bon équilibre, parmi une offre politique faite de partis qui proposent tous des packages idéologiques à prendre ou à laisser, évidemment je ne mentionne pas les partis qui sont présents aujourd’hui et leurs dignes représentants, avec qui nous sommes en phase sur beaucoup de choses.

Mais en tant que citoyens, il n’était pas question pour nous de se livrer corps et âme à un parti déjà existant avec son offre à prendre ou à laisser. On a voulu démontrer une capacité à proposer, à réfléchir, à faire appel à toutes les expertises nécessaires présentes dans le peuple, pour élaborer un programme complet qui prenne en compte le meilleur de la gauche et de la droite, et par dessus tout, les aspirations les plus légitimes et urgentes des Français.

Evidemment les conditions sont la souveraineté du peuple et l’indépendance de la nation, ce qui nous classe en tant que citoyens dans une case qu’on appelle le souverainisme, dont nous sommes fiers pour le pire mais surtout pour le meilleur. Si j’ai été désigné pour défendre ce programme, c’est parce que trois ans après le déclenchement des Gilets jaunes, deux ans après l’aboutissement du Brexit, il nous semblait impossible que ces deux événements ne soient pas représentés, que quelqu’un ne porte pas à l’élection présidentielle tout ce qui a fait le sel de ces deux événements majeurs qui ont secoué tous les milieux politiques, même si les médias ont fait tout leur possible pour ne pas en parler. Nous avons réfléchi à ce qu’il fallait faire pour nous libérer de l’oligarchie financière. Certains des meilleurs éléments à Solidarité et Progrès nous ont aidés dans cette tâche, qu’ils en soient ici publiquement remerciés.

Je ne vais pas répéter ici ce qui a été dit avec brio, notamment par François Asselineau et Georges Kuzmanovic. Mais on sait ce qu’il faut faire, évidemment. C’est très compliqué à mettre en place et c’est plus facile à dire qu’à faire, mais la méthode doit être assez simple à expliquer. Cela commence, nous le savons tous, par la souveraineté monétaire, la sortie de l’euro qui doit être une condition implacable à la mise au pas de l’oligarchie financière, qui se sert de l’euro comme de son meilleur outil.

Il faut aussi la priver de son deuxième meilleur outil, qui est la Banque centrale européenne. Récupérer une banque centrale nationale qui soit au service du peuple, et non pas indépendante de l’Etat, puisqu’on est toujours dépendant de quelque chose. Si la banque centrale est indépendante de l’Etat, c’est qu’elle est dépendante des marchés. Je ne reviendrai pas sur la question de la dette que Georges a exposée avec brio.

Il faut évidemment laisser le moins de champ possible aux marchés spéculatifs. Ne surtout pas leur donner la gestion de nos retraites ou de nos cotisations de sécurité sociale. Réouvrir des Etats généraux de la finance pour remettre tout cela à plat. En tant qu’ancien élève d’une grande école de commerce, j’ai beaucoup d’amis banquiers, grands banquiers, spéculateurs. J’en connais qui ont « tradé » des subprime à New York entre 2005 et 2007. Je sais comment tout cela fonctionne.

Il faut commencer (on va être d’accord ici avec Jacques Cheminade) par séparer les banques entre elles : d’un côté les banques de détail, de dépôt, les succursales des particuliers, de l’autre, les banques d’affaires qui doivent pouvoir tomber, mourir, faire faillite, en emmenant avec elles les placements de leurs riches clients, en cas de crise financière, sans remettre en cause les dépôts de vous tous, ici, des épargnants français.

Il faut récupérer la Bourse de Paris. C’est une étape très importante puisque la Bourse de Paris, vous le savez, n’appartient plus à Paris. Elle a d’abord été vendue à NYSE Euronext, ensuite elle est partie dans une entreprise logée au Delaware pour être introduite en bourse, à la Bourse de New York, ce qui n’a absolument aucun sens. Elle doit évidemment être récupérée pour que l’Etat français, Tracfin, l’AMF puissent avoir une meilleure vue dessus et réguler les marchés français qui doivent l’être.

On doit interdire le shadow banking, c’est-à-dire la finance de l’ombre faite hors régulation par les banques. Nous débarrasser de la spéculation effrénée notamment par une taxe sur la spéculation financière. On en parle depuis, au bas mot, une vingtaine d’années.

On devrait réaliser une véritable taxe sur les transactions financières, quelque chose qui n’interdise pas véritablement la spéculation, puisque je ne veux pas dire qu’il y ait une bonne ou une mauvaise spéculation, elle est essentiellement mauvaise et nocive pour les économies du monde, mais il y a des fois où l’on va dire qu’elle est plus utile que d’autres. Il ne s’agit pas d’interdire des choses qui vont se dérouler instantanément sous le manteau, il s’agit que l’Etat prenne sa part au nom des citoyens sur toutes les transactions financières, absolument toutes, d’une manière qui puisse aider à redistribuer la ponction fiscale du capital vers le travail. En une trentaine d ’années, plus de 200 milliards d’euros ont été déplacés chaque année des poches du travail aux poches du capital. Nous avons, ici à nous tous, les solutions pour repartir dans l’autre sens, aller chercher cet argent. Nous savons dans quelles poches il est, nous savons par quels mécanismes il est arrivé dans ces poches et nous avons une petite idée de comment le faire revenir.

Evidemment, on pense avant tout à des personnes morales, des entreprises, des grandes entreprises, des banques, des fonds d’investissement, avant d’aller chercher l’argent des travailleurs, même si ce sont les travailleurs de ces entreprises-là.

Vous avez peut-être suivi le G7 qui proposait déjà une taxe hypocrite, une taxe mondiale, sur le profit des entreprises, prétendant proposer une solution à l’évasion fiscale, notamment à l’une des plus répandues qui est l’évasion des dividendes. Nous, nous proposons cette taxe pour la France, et pas pour le monde, pour faire payer leur dû aux multinationales par un impôt forfaitaire sur les sociétés, en fonction de la part de leur activité française dans le profit mondial de ces sociétés, qui pourront donc évader tout ce qu’elles veulent.

On prendra la taxe sur les transactions financières au moment de l’évasion et nous calculerons de toutes façons la part d’impôt sur les sociétés qu’elles paieront en France, en fonction de leur activité en France. C’est une manière de « cornériser » cette oligarchie financière, de bâtir autour d’elle toutes les barrières nécessaires pour qu’elle participe à la justice sociale dans ce pays. Et que ce pays puisse servir d’exemple de bonne pratique aux autres.

Evidemment, la notion même d’exemple et de bonne pratique est exclue de ce monstre qu’est l’Union européenne qui standardise absolument tout. Nous savons que notre affranchissement européen est nécessaire et obligatoire, avant toutes choses, pour démarrer cette politique. Nous proposons bien d’autres mesures encore, et un certain nombre de principes qui devront être constitutionnalisés.

Puisqu’il est parfaitement hypocrite de ne pas considérer la banque, les banques, le monde de la finance, ce qu’on appelle aujourd’hui l’oligarchie financière comme un pouvoir de la société, peut-être pas le premier, historiquement, peut-être le deuxième, mais bon ! vous connaissez la classification exécutif, législatif, judiciaire, on dit que les médias sont le quatrième pouvoir, la finance est le cinquième.

Il y a des règles qui restent intangibles et que seul le peuple doit pouvoir modifier, parmi celles-ci la souveraineté monétaire, une banque centrale au service du peuple, la séparation des banques, la Bourse de Paris nationalisée et un certain nombre de choses que je viens de vous dire. Je vous passe les détails, parce que vous savez que les détails ont leur importance, mais pas aujourd’hui, pas à six mois de l’élection présidentielle.

Je souscris totalement aux discours qui ont été tenus jusqu’ici pour expliquer que nous sommes dans une urgence absolue, que 2022 est l’échéance qui s’ouvre à nous très vite, très bientôt, trop vite peut-être. En plus, Macron s’est permis d’avancer les élections d’un mois. Mais le véritable fond de l’affaire, c’est que si nous ne sommes pas capables de nous entendre, nous n’arriverons jamais à rien. L’un des nôtres a dit qu’unis, nous avons les meilleures troupes possibles, les militants les plus motivés, les mieux armés intellectuellement, les meilleurs experts, les meilleurs écrivains sont avec nous.

Nous devons en prendre conscience, prendre conscience de ce potentiel d’un tiers de Français qui a compris de quoi il retourne, qui souhaite mettre avant toutes choses le retour à la souveraineté nationale. Un tiers de Français qui a accepté, qui accepte dans toutes les études d’opinion, dans tous les sondages, de reconnaître sans problème que l’Union européenne est le premier des freins, que l’oligarchie financière est le premier fléau. Cette partie de la population, nous pouvons la mobiliser, évidemment pas tant que nous serons atomisés, pas tant que nous jouerons chacun dans notre coin.

Merci à nouveau à Jacques Cheminade de nous réunir tous aujourd’hui. Car chacun dans notre coin, nous regarderons notre pays s’enfoncer, nous attendrons une prochaine échéance, peut-être sera-t-il trop tard, peut-être faudra-t-il mille signatures pour se présenter, peut-être n’y aura-t-il plus grand chose à sauver, peut-être n’y aura-t-il plus beaucoup d’entreprises publiques en 2027, peut-être faudra-t-il reconstruire la sécu de zéro.

C’est maintenant, l’urgence est totale pour ce tiers, au bas mot, de Français qui attendent de rejoindre un élan populaire, un élan populaire qu’on a vu et qu’on a embrassé, que beaucoup d’entre nous ici ont embrassé dans les Gilets jaunes, puis par la suite dans le mouvement anti-pass, pour ceux qui se sentent concernés. Cet élan populaire ne se matérialisera qu’à un signal de notre part, un signal venant des personnalités que l’on a vues aujourd’hui et de toutes celles qui n’ont pas pu venir. Il n’y a que comme ça que nous proposerons des solutions pour notre pays, il n’y a que comme ça que nous serons à la hauteur de notre pays, de son histoire et de ce que le peuple attend de nous. J’espère que tout le monde ici en est conscient. Je sais que beaucoup d’entre vous en êtes conscients. Je vous remercie pour votre attention.

Bonne journée.