Jean-Luc Pujo : il faut une définition plus ambitieuse à l’humanité

samedi 2 octobre 2021, par Tribune Libre

Intervention de Jean-Luc Pujo, président des Clubs Penser la France, lors du débat « Se libérer de l’oligarchie financière », organisé par Solidarité & Progrès, le 25 septembre 2021 à Paris.

Compte-rendu de l’événement et liens vers les autres interventions.

Chers Jacques Cheminade,
Chers amis,

Je tiens, au nom des Clubs Penser la France, à remercier le mouvement Solidarité et Progrès, Jacques Cheminade et Odile Mojon pour cette invitation, ainsi que pour le travail accompli en commun depuis plusieurs mois au sein des Cercles citoyens.

Retenu malheureusement par des raisons familiales impérieuses, je souhaite néanmoins vous restituer trois axes de réflexions que j’aurais aimé décliner devant vous :

Se libérer de l’oligarchie financière !

Premier axe : l’oligarchie financière accouchée par les Etats-Unis et la City de Londres est en train de muter pour donner naissance à une matrice impériale mondiale qui s’impose aux Etats, travaille contre eux, y compris contre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.

La mondialisation des échanges, mariée à la révolution technologique (TV et internet), s’accompagne d’un « éveil politique mondial » (Brzezinski) [1] qui génère d’ores et déjà une instabilité sociale et politique générale grandissante.

La « Hyper-hyper classe mondiale » (Rothkopf) va devoir discipliner le reste de l’humanité – le nouveau « parc humain » (Sloderdijt) – par la création d’un appareil gouvernemental mondial oppressif.

Plusieurs des évènements mondiaux actuels sont le fruit de cette politique oppressive et disciplinaire mondiale.

Par ailleurs, il faut noter que :

  • L’UE est devenue le laboratoire de cette gouvernance mondiale (Barroso).
  • L’OTAN est devenue le pilier militaire de la gouvernance mondiale.

Deuxième axe : la matrice mondiale, en train de s’imposer, porte une nouvelle idée de l’humanité en rupture avec notre conception humaniste classique.

Une élite mondiale est en train de s’imposer à une humanité dévaluée, chosifiée.
Dans mon dernier texte « Réussir l’humanité » (Note 2), j’explique que « le vivant » – c’est-à-dire tout le vivant faune, flore et humanité – est menacé.

  • L’homme devient un nouveau territoire à conquérir, à construire, à reconstruire, à élever, à dupliquer (manipulation génétique, clonage).
  • Cette conception de l’homme dénaturé menace fondamentalement l’humanité.
  • Cette gestion du « parc humain » transformera « l’humain en sable » (Nietzsche).
  • C’est la fin programmée de l’homme.

Troisième axe : face à ces défis immenses, il nous faut « résister ».

Il nous faut non seulement réaffirmer notre croyance en l’homme, mais il faut donner une définition plus ambitieuse à l’humanité.

Dans « Réussir l’humanité » [2]
, je conclus sur la nécessité de fixer une nouvelle tâche à l’homme : 

L’homme doit prendre pleinement conscience de son utilité au sein même de l’universel biologique, et retrouver ainsi un rôle historique : il doit travailler à re-sacraliser le vivant. 

Pour cela, il faut que l’homme « reprenne la main ». C’est-à-dire avant tout que l’homme « sujet éthique et sujet politique » parte à la reconquête de la cité, s’affirme en citoyen libre et souverain, contre le triomphe de la matrice impériale mondiale.

Pour la France, notre programme d’action est clair : il faut sortir de l’OTAN, sortir de l’UE et sortir de l’euro car la pleine souveraineté répond toujours à cette définition classique …

Il s’agit pour un Etat de « battre monnaie, faire la loi, rendre justice, décider de la guerre et de la paix » (Jean Bodin).

Il nous faut également travailler, partout dans le monde, à l’affirmation du droit des peuples et des nations à leur propre souveraineté.

Voilà certainement ce sur quoi tous les intervenants – je n’en doute pas – seront d’accord durant cette journée d’échanges.

Bon travail à tous.

Sources :

  • Pour une politique de civilisation, Edgar Morin ;
  • Une certaine idée de l’Europe, Georges Steiner ;
  • L’art de réduire les têtes, Dany-Robert Dufour ;
  • Vers la fin de l’homme ?, sous la direction de Christian Hervé et Jacques J. Rozenberg ;
  • Pourquoi la religion ?, Pierre Magnard ;
  • La ponérologie politique, Andrew M. Lobaczewski ;
  • Nostalgie de l’absolu, Georges Steiner ;
  • La convivialité , Ivan Illich ;
  • Question à l’humanisme, Pierre Magnard ;
  • L’enracinement, Simone Weil ;
  • L’homme unidimensionnel , Marcuse ;
  • Le socialisme est une morale, Jaurès ;
  • De la réalité du monde sensible, Jaurès ;
  • L’obsolescence de l’homme, Gunther Anders ;
  • Bioéthique, avis de tempêtes, Hervé Chneiweiss et Jan-Yves Nau ;
  • L’homme biotech : humain ou post-humain ? , sous la direction de Jean-Pierre Beland ;
  • Humain, posthumain , Dominique Lecourt ;
  • Super class – The global power elite and the world they are making, David Rothkopf ;
  • Règle pour le parc humain, Peter Sloterdijk ;
  • Aurore, Frédéric Nietzsche ;
  • La leçon de ce siècle, Karl Popper ;
  • L’abolition de l’homme, Clive Staples Lewis.

[1Discours de Zbigniew Brzezinski à Chatham House, à Londres, 2009 (ancien Royal Institute of International Relations, contrepartie du Council on Foreign Relations situé aux Etats-Unis) ou « America’s Geopolitical Dilemmas ». Speech at the Canadian International Council and Montreal Council on Foreign Relations : 23 avril 2010.

[2« Réussir l’humanité » par Jean-Luc Pujo - Ce texte a été publié dans l’ouvrage collectif « L’autre voie pour l’Humanité - 100 intellectuels s’engagent pour un post-capitalisme », dirigé par le poète et penseur André Prone. Editions Delga, décembre 2018.