Les conséquences criminelles de la dictature climatique de l’UE en Roumanie

samedi 21 août 2021, par Alexandra Bellea-Noury

Centrale à charbon de Turceni, dans le comté de Gorj, Roumanie.
Emilian Robert Vicol (CC BY 2.0)

Si la politique du Green Deal poussée par Bruxelles se veut séduisante sur le papier, son application en Roumanie en montre les conséquences désastreuses. Voici le témoignage d’Alexandra Bellea-Noury, militante d’origine roumaine de Solidarité et Progrès, lors du séminaire organisé le 16 juin en Allemagne par nos amis du parti BüSo (https://www.bueso.de).

Mesdames et Messieurs, je remercie le BüSo pour sa mobilisation contre le Green Deal, et le public pour son intérêt.

Pour les personnes non averties, le Green Deal peut sembler être une bonne idée sur le papier, mais sa mise en pratique fait apparaître toute sa folie. Je vais essayer de vous montrer en cinq minutes les conséquences criminelles des politiques vertes en Roumanie. Si les gens savent ce qui se passe en Roumanie et ne se réveillent pas maintenant, quand le feront-ils ? Se seraient-ils réveillés à temps dans les années 30 et 40 ?

Pour situer le contexte, je dois mentionner que la Roumanie n’est pas un pays sous-développé peuplé de personnes pauvres et sous-éduquées. Non ! La Roumanie a une solide tradition technique et scientifique avec des pionniers dans l’aéronautique, la physique, l’espace, la recherche nucléaire, la médecine, la biologie, etc.

Carte de la Roumanie. Source : https://www.diploweb.com/Carte-Roumanie.html
Diploweb

Quelles sont les conséquences du Green Deal et de l’élimination progressive du charbon en Roumanie ? Cet hiver, le soi-disant « marché libre de l’énergie » a porté un coup dur aux habitants de Deva, une ville de l’ouest du pays : la centrale électrique au charbon « Mintia », qui fournit également du chauffage à la ville de Deva, a tout simplement été fermée. Elle ne répond plus aux normes environnementales européennes et, de surcroît, elle est en faillite à cause des quotas de carbone.

Ce que cela signifie : 4700 appartements sans chauffage ni eau chaude — et l’hiver, il fait froid, tout comme en Allemagne. Cela signifie des retraités, des bébés qui sont tombés malades et qui sont peut-être morts, cela signifie des écoles et des hôpitaux fermés où, là encore, des gens sont peut-être morts. Dans une situation aussi extrême, seuls les plus forts survivent, non ? Et les faibles n’ont pas d’alternative.

Fin avril, les centrales au charbon de Roumanie ont dû, comme chaque année, acheter leurs certificats carbone, qui coûtent des millions d’euros. Nous devrions plutôt les appeler « certificats coloniaux ». Certains n’y sont pas parvenus et doivent maintenant payer des pénalités. Ils vont probablement également faire faillite bientôt. Comme à Timisoara, où la révolution a commencé en 1989. Le prochain hiver pourrait être très froid là-bas aussi !

L’idéologie verte est en pratique le sacrifice des pauvres et des faibles. Et les dirigeants de l’UE le savent parfaitement.

13 syndicalistes ont voyagé à Bruxelles du 2 au 6 juillet pour alerter la CE sur les mauvaises conditions de travail en Roumanie et pour appeler à un revenu européen minimum. Deux d’entre eux, du secteur du charbon ont transmis une lettre (voir ci-dessous) du président de la Fédération Mines Énergie de Roumanie, Monsieur Dumitru Pârvulescu, adressée à la CE et au Parlement pour dénoncer les conséquences de la politique de décarbonisation en Roumanie.

Dans ce système, les travailleurs, parce qu’ils produisent quelque chose et « polluent l’environnement », sont méprisés et sacrifiés. En avril, les mineurs de la vallée de Jiu ont dû organiser un sit-in de plusieurs jours dans la mine tout simplement pour obtenir leur salaire, car leur employeur est ruiné par les certificats coloniaux. Certains étaient dans une situation où ils ne pouvaient tout simplement pas nourrir leurs enfants. Cela ne se passe pas à 10 000 km d’ici, ça se dans l’Union européenne !

Depuis 19 semaines déjà, les travailleurs des centrales au charbon de l’entreprise publique Complexul Energetic Oltenia se mobilisent pour obtenir certains droits sociaux. Beaucoup d’entre eux meurent au travail car les outils sont obsolètes et dangereux. Leur slogan est « Stop au génocide social dans le secteur de l’énergie » et ils réclament de meilleures conditions de travail ainsi que le droit de prendre leur retraite plus tôt.

Je dirais que le génocide social ne touche pas seulement ces travailleurs, mais l’ensemble de la Roumanie, et l’UE le sait. Deux départements de Roumanie perdront un nombre particulièrement important d’emplois avec l’élimination du charbon : Hunedoara et Gorj. Une étude du département scientifique de l’UE estime que 25 000 emplois sont liés au charbon dans cette région. C’est toute l’économie qui est basée sur le charbon. Que deviendront ces gens, où disparaîtront-ils, iront-ils en Allemagne pour cueillir des asperges ? Ce plan avance très vite : aujourd’hui déjà, le Gouvernement a décidé de licencier 8000 travailleurs de cette région. C’est ça, la politique du Green Deal !

En 1989, la Roumanie comptait 23 millions d’habitants, de l’industrie et était indépendante sur le plan énergétique. En 2021, il en reste 19 millions, dont cinq qui travaillent à l’étranger. Plus récemment, la Roumanie a perdu son indépendance énergétique à cause de la transition énergétique. Les villes les plus dépeuplées sont les villes charbonnières, où l’élimination progressive du charbon a déjà eu lieu dans les années 90 ou après 2000. Il existe des endroits où 80 % de ceux qui possèdent encore une maison travaillent à l’étranger.

C’est exactement ce qui va se passer dans les départements de Gorj et Hunedoara : un dépeuplement massif ! Et l’UE le sait. C’est pourquoi ils ont inventé la « transition équitable », la « transition juste » : l’UE offre à la Roumanie 1,95 milliard d’euros, ce qui est ridicule quand on pense que la Roumanie perd une capacité de production énergétique de 4500 MW. Le plan prévoit la requalification de la main-d’œuvre, la rénovation des logements, etc.

Mais que sont censées faire ces personnes requalifiées lorsque l’économie a été anéantie ?

Les organisations environnementales, comme Greenpeace Bankwatch, qui est financée par l’Allemagne, jouent le rôle de policiers gentils, car elles intentent des procès contre toutes sortes de projets d’infrastructure, même contre les barrages hydroélectriques respectueux de l’environnement et soutiennent ensuite le discours de l’UE sur la « transition juste ».

En conclusion, je dirai que les conséquences de cette politique verte apparaissent très clairement à partir de l’exemple de la Roumanie : la dépopulation. Et l’UE le sait. Ceux qui appliquent la politique criminelle du Green Deal n’ont plus aucune excuse.

Je vous le dis, cela ne pourra pas continuer. En Pologne, par exemple, il y a des protestations du secteur de l’énergie contre cette politique européenne. En Roumanie, personne dans ces régions charbonnières ne croit à l’histoire de la transition énergétique et des mouvements de contestation spontanés émergent aussi.

Nous, Européens, devons sortir ensemble du Green Deal et reconquérir notre droit au développement ! Merci.
 
 
 


Lettre de la Fédération Nationale des Mines et de l’Énergie de Roumanie

AU PARLEMENT EUROPÉEN

AU CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE

À LA COMMISSION EUROPÉENNE

La Fédération Nationale des Mines et de l’Énergie de Roumanie, une organisation représentative des secteurs d’activité de l’énergie, du pétrole, du gaz et de l’industrie extractive, attire votre attention sur le fait que les efforts déployés par les pays de l’UE pour mettre en œuvre le plan européen de décarbonisation ne seraient pas viables sans un accord mondial. Il convient de noter que l’Union Européenne est actuellement responsable de moins de 10 % des émissions mondiales et les émissions de CO2 de la Roumanie sont actuellement deux fois moins importantes qu’en 1990.

Les conséquences des politiques liées à la réduction des gaz à effet de serre (GES), plus accélérées en Roumanie que dans d’autres pays, ont conduit à la réduction des activités économiques nationales à cause de l’augmentation du prix de l’électricité, générée par la sur-taxation de l’énergie du charbon et l’augmentation de la part de l’énergie des sources renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie en 2020, dépassant les 24 %, (bien au-dessus de la moyenne européenne). Cette politique est assumée par la Roumanie au détriment de la population et des entreprises qui paient plus de 700 millions d’euros par an pour les certificats de GES à cause des régimes « généreux » appliqués en Roumanie.

À titre d’exemple, voici les données d’aujourd’hui [30 juin 2021 à 8h, ndt] concernant l’indicateur de pollution Carbone Intensity (gCO2eq/kWh) à partir de www.electricitymap.org :

  1. Roumanie : 253 g
  2. Allemagne : 375 g
  3. Pologne : 675 g
  4. République Tchèque : 454 g
  5. Serbie : 471 g
  6. Grèce : 482 g.

Proposition : La politique de réduction du charbon en Europe de l’Est doit prendre en compte l’indicateur de pollution Carbon Intensity.

La Roumanie paie un lourd tribut pour ses émissions de CO2, mais importe de l’électricité produite à partir de charbon de l’extérieur de l’U.E. (non taxé). Les importations d’électricité des pays de l’UE provenant de l’EU-ETS (zone où la taxe carbone est payée) sont passées de 3 TWh en 2017 à 21 TWh en 2019. Ces importations proviennent de pays où la taxe sur le carbone est nulle. Les émissions totales associées à ces importations sont de 26 millions de tonnes de CO2, soit l’équivalent de la totalité de la production d’électricité au charbon de l’Italie.

La solution : une taxe carbone sur l’électricité entrant dans l’UE.

Comme nous nous intéressons à la sécurité du système énergétique européen et à la politique environnementale européenne, afin de faire de l’énergie du charbon une énergie propre, nous vous demandons d’approuver des systèmes européens de soutien aux installations de captage et de stockage du carbone pour ces centrales.

Pirvulescu Dumitru, Président de la Fédération Nationale des Mines et de l’Énergie de Roumanie