Hyperinflation : ce n’est pas notre faute, c’est la Chine !

mardi 6 juillet 2021

Chronique stratégique du 6 juillet 2021 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Depuis plusieurs mois, des pénuries et flambées des prix touchent l’ensemble des matières premières essentielles à l’économie réelle, mettant en péril avant tout les secteurs du BTP, de l’automobile, etc, et menaçant la fébrile « reprise économique » annoncée par les oracles du système. Et si l’on ose désormais prononcer le mot « hyperinflation », on nous trompe (une fois de plus) sur les véritables causes...

Hyperinflation « durable » ?

Derrière le décor en carton-pâte de la reprise européenne, soutenue à bout de bras par Christine Lagarde, la vague hyperinflationniste monte de façon inexorable. Et, alors que le mot était tabou (seul l’économiste américain Lyndon LaRouche avait mis en garde lors du krach de 2007-2008 contre une explosion hyperinflationniste), les cercles dominants prennent progressivement conscience que la dynamique actuelle n’est pas temporaire, et que l’inflation qui a cours aujourd’hui dans les secteurs des matières premières, des denrées alimentaires, du transport et de l’énergie est là pour durer. Avec toutes les conséquences pour les niveaux de vie des populations que cela implique.

Robert Rubin et Larry Summers, par exemple, deux anciens secrétaires américains au Trésor, tirent la sonnette d’alarme sur le fait que, contrairement à ce qu’affirment la Réserve fédérale américaine et l’administration Biden, l’hyperinflation n’est pas « temporaire » mais « durable ».

Pénurie et hausse des prix

Ainsi, une pénurie couplée à une hausse massive des prix frappe l’économie mondiale. Les délais de livraison des matières premières se prolongent, parfois brutalement – par exemple, dans le secteur du bois, le plus touché, les panneaux de façade sont livrés en 10 à 15 semaines, contre une semaine en temps normal. Depuis mars 2020, le prix du bois a doublé voire triplé, selon la Fédération Française du Bois (FFB) ; les prix ont augmenté de 270% pour l’acier et de 80% pour l’aluminium ainsi que pour les semi-conducteurs, ces micro-puces essentielles à notre économie « connectée ». L’inflation touche également le secteur du transport de fret, avec par exemple une multiplication par cinq (!) du prix du transport des conteneurs en provenance de Chine.

Ce qui est inédit, c’est la concomitance des hausses de prix, qui concerne l’ensemble des matières premières, fait remarquer Jean-Luc Guéry, le président de l’Organisation des Industriels du nouvel habitat, dans le magazine Marianne.

En conséquence, les tensions s’accumulent sur les chantiers d’été, dans les établissements scolaires ou les bureaux, qui profitent habituellement de la période estivale pour réaliser des travaux importants, en raison des délais d’approvisionnement. Et d’après la FFB, 30% des travaux prévus à la rentrée de septembre sont menacés.

La faute à qui ?

Pour les « analystes », la cause toute désignée est la trop rapide reprise de l’économie chinoise, suivie d’une économie américaine dopée par les injections massives de Joe Biden. C’est oublier que, depuis la crise financière de 2008, l’ensemble du système financier est maintenu sous perfusion par les programmes d’« assouplissement quantitatifs » (terme désignant pudiquement la diarrhée monétaire) des banques centrales, sans que cet argent injecté ne corresponde à des investissements dans l’économie réelle. Une logique qui ne peut que conduire à une explosion hyperinflationniste, comme l’avait anticipée LaRouche.

Après l’éclatement des bulles immobilière et financière en 2008, nous avons évité une nouvelle Grande Dépression uniquement parce que le gouvernement a injecté suffisamment d’argent dans le système pour maintenir la demande et que la Fed a maintenu des taux d’intérêt proches de zéro, explique Robert Reich, l’ancien ministre du Travail de l’administration Clinton, le 23 juin, dans The Guardian. (…) Les entreprises ne savent pas quoi faire de toutes leurs liquidités. Des milliers de milliards de dollars restent inactifs dans leurs bilans.

C’est ainsi que les pirates de la finance se jettent dans une spéculation frénétique sur les variations des prix. « Les opérateurs en salles des marchés font grimper les prix mondiaux des matières premières, écrit Emmanuel Levy dans Marianne. Les petits malins de la spéculation sont entrés dans la danse ». A Londres, par exemple, sur le marché des métaux, le cuivre, l’acier et l’aluminium s’envolent.

Et, tandis que les gouvernements occidentaux restent totalement apathiques à ce sujet, la Chine prend des mesures. Des enquêtes ont été lancées par l’agence chinoise de planification (c’est-à-dire le ministère de l’Economie) sur « les transactions irrégulières » des « spéculateurs malveillants », et Beijing a mis sur le marché d’importants stocks gouvernementaux de métaux industriels. Une première depuis vingt ans, qui s’est traduite par une légère accalmie de la hausse des prix.

Comme Paul Gallagher l’a souligné le 26 juin dernier, lors de la conférence internationale de l’Institut Schiller, cette logique hyperinflationniste, qui est analogue à la crise qui avait frappé l’Allemagne de Weimar dans les années 1920, ne pourra être enrayée que par un changement radical dans le système monétaire, impliquant un « Glass-Steagall global » — une séparation stricte des banques de dépôts et des banques d’affaires – afin de séparer les branches mortes de la finance spéculative par rapport à l’économie réelle.

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