Conflit israélo-palestinien : Pas de paix durable sans développement économique mutuel

mardi 18 mai 2021

Chronique stratégique du 18 mai 2021 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

La flambée des affrontements entre Israël et la Palestine vient rappeler que ce conflit quasi-séculaire demeurera insoluble sans une perspective de développement économique mutuel garantissant aux populations l’accès à l’eau, l’énergie, l’éducation, le logement, et en général à des conditions de vie dignes. C’est la solution qu’a défendu toute sa vie l’économiste et homme politique américain Lyndon LaRouche, notamment avec sa proposition de 1975 d’un « Plan Oasis » pour le Moyen-Orient, et qu’il faut remettre sur la table, dans le cadre plus large de la perspective gagnant-gagnant qu’offre l’initiative chinoise des Nouvelles Routes de la soie.

L’horreur est de retour. En une semaine, les combats ont fait plus de 200 morts, dont au moins 58 enfants, plus de 1300 blessés, et près de 50 000 déplacés. Le Hamas a tiré quelque 3000 roquettes sur Israël — le rythme le plus élevé de roquettes jamais tirées sur l’Etat hébreu —, tandis que ce dernier, à part des « assassinats ciblés » de responsables militaires du Hamas, pilonne la bande de Gaza, détruisant plusieurs bâtiments des médias internationaux, au prétexte de la lutte contre le terrorisme du Hamas, comme pour étouffer l’information sur le carnage en cours. En effet, outre le bombardement – qui a ému le monde entier — de l’immeuble de 13 étages hébergeant les locaux d’Al-Jazeera et d’Associated Press, plusieurs bâtiments hébergeant des médias comme la chaîne Al-Araby, la Palestine New Agency, des journaux locaux et des sites internet ont également été détruit mardi et mercredi – dans l’indifférence générale.

Gaza est une prison à ciel ouvert, s’est indigné Jacques Cheminade sur son compte Twitter, le 16 mai. Le gouvernement israélien pratique un terrorisme d’Etat. Les attentats suicides et le lancement de missiles sur les populations civiles israéliennes ne se justifient pas mais c’est l’oligarchie occidentale qui parraine un apartheid criminel.

A part Gaza et les territoires occupés, le conflit frappe également les « villes mixtes » au sein d’Israël, souvent évoquées comme des exemples de vouloir vivre en commun entre Israéliens arabes et Israéliens juifs. Aujourd’hui, l’extrême droite israélienne y fait tout pour dresser les uns contre les autres.

Aucune solution, vraiment ?

De son côté, le Conseil de sécurité des Nations unies multiplie les réunions d’urgence, sans aboutir à la moindre déclaration commune. Dimanche, tandis que 50 palestiniens dont 13 enfants se faisaient tuer à Gaza et en Cisjordanie, l’appel au cessez-le-feu proposé par la Chine, la Norvège et la Tunisie était bloqué par les Etats-Unis, estimant qu’il serait « contre-productif ».

Il faut dire que le cynisme et l’impuissance règnent en maître parmi les « experts » occidentaux : soit on épilogue en boucle sur l’insolubilité du conflit israélo-palestinien, soit on constate, blasé, que plus personne ne s’y intéresse. « Et bien, une autre semaine, un autre continent, une autre guerre », lance ainsi Emma Ashford, dans un échange publié dans le magazine Foreign Policy avec son collègue Matthew Kroening, pour qui cette crise « n’est plus en tête d’agenda comme ça pouvait l’être il y a vingt ans ». Les Etats-Unis ayant reporté leur attention vers la région indo-pacifique, la crise israélo-palestinienne n’est plus qu’ « un petit conflit dans un petit pays », ajoute-t-il, concluant : « Si vous avez la solution, j’aimerais beaucoup la connaître ».

Conscients que cette crise risque de devenir l’étincelle dans la poudrière pouvant déclencher une escalade internationale, les dirigeants chinois font leur possible pour apporter une sortie par le haut. Dimanche, lors de la réunion du Conseil de sécurité, le conseiller d’Etat chinois et ministre des Affaires étrangères, Wang Yi, a avancé une proposition en quatre points : 1/ établir un cessez-le-feu et une cessation des violences comme priorité absolue ; 2/ fournir une aide humanitaire d’urgence, en levant dès que possible tous les blocus et le siège de Gaza ; 3/ remettre sur la table la solution à deux États, ce qui implique 4/ la création d’un État indépendant de Palestine jouissant d’une souveraineté totale, avec Jérusalem-Est comme capitale, sur la base des frontières de 1967, et d’une coexistence pacifique entre la Palestine et Israël.

A ce jour, 139 pays reconnaissent l’Etat de Palestine sur les 197 Etats actuellement reconnus par l’ONU soit plus des deux tiers d’entre eux. Neuf pays européens en font partie : la Suède depuis 2014, Chypre et Malte depuis 1988, et également la Hongrie, la Pologne, la République Tchèque, la Slovaquie, la Bulgarie et la Roumanie depuis l’époque soviétique, avant leur entrée dans l’Union européenne.

La France a reconnu l’Etat d’Israël le 20 mai 1949 mais ne reconnaît pas à ce jour l’Etat de Palestine. Pourtant, le 2 décembre 2014, l’Assemblée Nationale avait adopté une résolution demandant au Gouvernement français de reconnaitre l’Etat de Palestine par 339 voix contre 151. Et le 11 décembre 2014, le Sénat avait adopté une résolution similaire par 153 voix contre 146. Mais cette prérogative est en France un pouvoir de l’exécutif, qui a choisi de ne pas y donner suite. Paroles, paroles, paroles.

Le Plan Oasis de LaRouche

L’insolubilité apparente du conflit israélo-palestinien ne tient plus dès lors que l’on cesse de voir la région à travers les lunettes de la géopolitique « diviser pour régner » de l’empire anglo-américain, et que l’on la considère à travers les yeux d’un penseur comme Lyndon LaRouche.

Comme l’a rappelé le 15 mai Harley Schlanger, le vice-président de l’Institut Schiller international, au cours d’une réunion virtuelle, en avril 1975, l’économiste et homme politique américain avait présenté lors d’une conférence en Irak son « Plan Oasis », un plan de paix par le développement pour le Moyen-Orient, basé sur l’extension des systèmes d’eau, de transport et d’énergie nucléaire dans l’ensemble de la région. Ce plan offrait une plateforme commune permettant à Israël de travailler avec la population arabe palestinienne vivant sur son territoire, mais aussi avec ses voisins égyptiens, jordaniens et syriens — ce qui avait suscité un grand intérêt en Israël, en particulier du côté de personnalités telles que Moshe Dayan et Shimon Peres.

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Le plan de LaRouche a en partie influencé le processus des accords d’Oslo en 1992-1993, lorsque Yitzhak Rabin est devenu Premier ministre. Alors que les partisans de Vladimir Jabotinsky – le mentor du psychopathe Netanyahou – prônaient l’établissement d’un « mur de fer » entre Israël et la Palestine, afin de soumettre les Palestiniens par la force et l’autorité, « Rabin comprenait que cette politique finirait par détruire le peuple d’Israël, a expliqué Schlanger ; que d’agir comme une force d’occupation et de traiter les Palestiniens comme des citoyens de seconde zone – voire des non-citoyens –, en imposant une sorte d’Apartheid, n’allait pas résoudre le problème, bien au contraire ».

Dans un discours en juillet 1992 devant la Knesset (le parlement israélien), Rabin exposa ses vues, soulignant que la sécurité ne peut être garantie par les seuls tanks, avions, navires et missiles, mais qu’elle doit impliquer une politique d’éducation, de logement, etc (nos Emmanuel Macron et autres Xavier Bertrand, qui tentent de singer Le Pen sur la « sécurité », devraient en prendre de la graine…). En septembre 1993, lors de la signature des accords d’Oslo, alors qu’il subissait dans son pays un déluge de critiques sur le fait qu’il serrait la main du « terroriste » Yasser Arafat, Rabin avait déclaré que l’on fait la paix avec ses ennemis, pas ses amis. Et, s’adressant au chef de l’Etat palestinien : « Nous venons d’un pays où les parents enterrent leurs enfants, nous qui avons combattu contre vous [les Palestiniens], nous vous disons aujourd’hui d’une voix forte et claire : ‘assez de sang et de larmes’. Assez !’ »

Les accords d’Oslo avaient incorporé plusieurs aspects du Plan Oasis de LaRouche : un protocole économique prévoyait notamment la construction de centres industriels dans les territoires occupés par les Palestiniens, ce qui aurait permis de les sortir de l’état de territoires colonisés ravagés par le travail précaire. Il prévoyait également une politique d’éducation, un programme de formation professionnelle, de qualification de la force de travail et de développement des machines-outils.

L’espoir des Nouvelles Routes de la soie

Mais cela ne fut jamais réalisé. La Banque mondiale et le Fond monétaire international – et à travers eux l’oligarchie financière anglo-américaine — s’y sont opposé. Lors de la conférence des donateurs, le FMI affirma qu’il ne fallait rien prêter aux Palestiniens parce qu’Arafat s’en emparerait pour son compte. Enfin, le 4 novembre 1995, Rabin était assassiné.

La crise fut considérablement aggravée sous le Président Trump. Sous l’influence de sa base d’évangélistes chrétiens et en violation de tous les accords de l’ONU votés sur la question de la Palestine, il a reconnu unilatéralement Jérusalem capitale d’Israël, ainsi que l’annexion par Israël des colonies implantées en Cisjordanie occupé, en particulier dans la vallée du Jourdain. Trump avait auparavant fait cadeau à Israël du plateau de Golan syrien, occupé depuis la guerre de sept jours ! Inutile de souligner combien ces décisions sont responsables de l’impunité que manifeste actuellement Benyamin Netanyahou à l’encontre des Palestiniens.

Aujourd’hui, le seul espoir de résoudre le problème du Moyen-Orient est de développer l’ensemble de la région, de l’Egypte à l’Afghanistan, en passant par l’Iran, l’Irak, la Syrie, et la Turquie, en l’intégrant dans la Nouvelle Route de la soie portée par la Chine. Cette solution peut sembler « impossible » dans les conditions actuelles, mais l’alternative serait un état de guerre perpétuelle, faisant du Moyen-Orient un point de déclenchement potentiel de la troisième guerre mondiale ou du moins d’une grande guerre.

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