Le lanceur d’alerte des Pentagone Papers : « Ils envisagent la guerre nucléaire ! »

vendredi 14 mai 2021

Chronique stratégique du 14 mai 2021 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

En parallèle de la visioconférence du 8 mai de l’Institut Schiller sur le danger réel et actuel d’une guerre nucléaire, Daniel Ellsberg — le lanceur d’alerte des « Pentagon Papers » — a révélé pour la première fois que les Etats-Unis avaient préparé des plans de guerre nucléaire en 1958, pendant la crise du détroit de Taïwan. Mais c’est surtout le présent qui intéresse Ellsberg. Car de tels calculs se produisent en ce moment-même dans les allées du pouvoir, dit-il, citant la déclaration du commandant du US Strategic Command, l’amiral Charles Richards, selon laquelle la guerre nucléaire était une possibilité très réelle.

Lors d’une conférence aux côtés d’Edward Snowden à l’occasion de la commémoration du 50e anniversaire de la publication des Pentagon Papers, le célèbre lanceur d’alerte Daniel Ellsberg, âgé aujourd’hui de 90 ans, a expliqué qu’en 1958 le John Foster Dulles avait proposé que les chefs d’état-major interarmées américains recommandent au président de lancer un échange nucléaire avec la Chine dans le détroit de Taïwan, même si cela signifiait l’anéantissement de Taïwan et de sa population, dans le seul but géopolitique de maintenir la « position » des États-Unis dans le monde.

Visioconférence avec Daniel Ellsberg, Edward Snowden et la journaliste Amy Goodman

« Qu’ils essaient de m’emprisonner pour avoir révélé ce fait encore très secret aujourd’hui », a lancé Ellsberg, ajoutant que s’il le révélait aujourd’hui c’est parce que « je n’ai aucun doute sur le fait que cette discussion est en cours au Pentagone en ce moment même. (…) C’est le mois où nous devons discuter, en public, de la question de savoir si nous devons entrer en guerre nucléaire pour Taïwan, l’Ukraine ou la Syrie ».

Citant l’amiral Charles Richard, l’actuel commandant du US Strategic Command, selon lequel les États-Unis doivent être prêts à entrer en guerre avec la Russie et la Chine, Ellsberg s’est exclamé : c’est « insensé, criminellement insensé. Une guerre avec la Russie et la Chine ? » Soulignant que tout conflit armé avec la Russie et la Chine entraînerait un risque élevé de guerre nucléaire, Ellsberg a ajouté : « nous parlons de la quasi-extinction de l’humanité. Non, il ne devrait pas y avoir la moindre option, menace ou pensée de conflit armé avec la Russie et la Chine, ni maintenant ni jamais. Nous devons transcender ce système, et cela ne se produira pas à moins que des personnes au sein du gouvernement fassent preuve du courage moral d’un Ed Snowden et une Chelsea Manning (…) et mettent ces plans à la lumière. Sans cela, je pense que la civilisation ne survivra pas à l’ère des armes nucléaires ».

Concernant ses révélations sur l’intervention de John Foster Dulles, alors secrétaire d’État, recommandant aux chefs d’Etat-major d’utiliser l’arme nucléaire contre la Chine, Daniel Ellsberg s’est appuyé sur des documents encore classifiés de la RAND Corporation – pour laquelle il a travaillé. C’était lors d’une réunion en août 1958, au milieu de la crise du détroit de Taïwan concernant les îles Quemoy et Matsu. « Rien ne semble valoir une guerre mondiale (…) jusqu’à ce que vous réalisiez les conséquences de ne pas relever le défi », avait déclaré Dulles.

« Ils envisageaient de détruire Taïwan, car toute leur position dans le monde en dépendait », s’est exclamé Ellsberg — et c’est exactement le genre de discussion qui se déroule actuellement au Pentagone.

Le danger actuel de guerre thermonucléaire ne se pose pas à partir d’un seul point de déclenchement, mais de la crise stratégique globale, a souligné Helga Zepp-LaRouche, la présidente fondatrice de l’Institut Schiller international, lors de la visioconférence du 8 mai. Il s’agit de la tension générale entre les États-Unis, la Grande-Bretagne dite globale, l’OTAN et, de plus en plus, l’Union européenne, la Russie et la Chine. Elle prend une telle ampleur que n’importe quelle crise dans le monde peut devenir le point de déclenchement. Il peut s’agir par exemple d’une crise avec la Russie au sujet de l’Ukraine qui devient incontrôlable, ou avec la Chine au sujet de Taïwan.

Montrant que les mises en garde d’Ellsberg et de Zepp-LaRouche sont loin d’être exagérées, l’ancien secrétaire général de l’Otan Anders Fogh Rasmussen, qui vient d’organiser le « Sommet de l’Alliance des démocraties », a déclaré le 11 mai dans la presse danoise : « Nous pouvons finir en guerre avec la Chine. Dans un délai de cinq à dix ans, je pense qu’une attaque chinoise sur Taïwan est probable. (…) Les Américains ont déclaré que si la Chine mettait à exécution ses menaces d’attaquer Taïwan, cela aurait des conséquences. Je ne doute pas un seul instant que les Américains répondront militairement ».

Qui chassera les docteurs Folamour du temple ?

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